14ème législature

Question N° : 705 de M. Henri Guaino ( Union pour un Mouvement Populaire - Yvelines ) Question au Gouvernement

Ministère interrogé > Justice Ministère attributaire > Justice

Rubrique > justice Tête d'analyse > Conseil supérieur de la magistrature Analyse > prérogatives. réforme

Question publiée au JO le : 03/04/2013

Réponse publiée au JO le : 03/04/2013 page : 3548

Débat

INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE

M. le président. La parole est à M. Henri Guaino, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - Huées sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Je vous rappelle, mes chers collègues, que l'on nous regarde. Vous avez la parole, monsieur Guaino.

M. Henri Guaino. Monsieur le Premier Ministre, la semaine dernière dans cet hémicycle, vous m'avez interpellé. Je veux vous répondre aujourd'hui sans esprit de polémique. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Je combats sans concession votre politique mais je vous respecte, vous le savez.

M. Nicolas Bays. Menteur !

M. Henri Guaino. Et je veux vous dire ceci : souvenez-vous de Zola, accusé ici même, par un chef de Gouvernement de la IIIe République, d'avoir déshonoré l'armée parce qu'il avait remis en cause l'autorité de la chose jugée. (Exclamations et rires sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Mais ce n'était pas Zola qui déshonorait l'armée, c'étaient les juges qui avaient condamné sciemment un innocent.

Vous n'êtes pas Méline, je ne suis pas Zola et nous ne sommes pas dans l'affaire Dreyfus mais les grandes leçons de notre histoire ne doivent jamais être oubliées. Elles ont forgé les grands principes qui nous permettent de vivre ensemble dans un pays de liberté.

La France et l'Europe vivent une crise d'une violence inouïe qui génère beaucoup de souffrance et d'angoisse et met à l'épreuve la démocratie. Dans ce contexte, tout abus de pouvoir, même le plus infime, est plus insupportable et plus dangereux que jamais pour notre cohésion nationale.

Alors, je vous adjure de prendre enfin la mesure de la gravité de la crise et de changer de cap avant qu'il ne soit trop tard.

J'adjure votre majorité de ne pas passer en force quand elle risque de violer des millions de consciences. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Je vous adjure de ne pas sacrifier nos grands principes. (Mêmes mouvements.) Vous pouvez condamner mes propos, c'est votre droit. Mais vous devez défendre ma liberté de critiquer un abus parce que c'est la vôtre aussi et parce que c'est votre devoir.

Je vous adjure de ne pas instrumentaliser le Conseil supérieur de la magistrature pour en faire une sorte de tribunal des parlementaires car ce serait violer gravement la Constitution. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

J'adjure les juges de refuser tous les abus de droit, tous les abus de pouvoir qui pourraient mettre en péril la confiance des Français dans leur justice.

Monsieur le Premier ministre - et à travers vous, je m'adresse au Président de la République qui semble ignorer la gravité de la situation : êtes-vous prêt à entendre cet appel à la lucidité, à la raison et à la sagesse ?

Je le souhaite, pour ma part, de tout mon coeur pour notre pays et pour notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bruno Le Roux. Guignol !

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. (Applaudissements nourris sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs... (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mesdames, messieurs les députés - il y en a pour qui le Sénat est l'aboutissement d'une carrière -, (Sourires) je vois que M. Henri Guaino persiste et signe dans le peu d'égard qu'il montre envers cet organe constitutionnel qu'est le Conseil supérieur de la magistrature et le peu de cas qu'il fait de la séparation des pouvoirs ainsi que de l'indépendance de l'autorité judiciaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Dans sa composition actuelle, le Conseil supérieur de la magistrature, monsieur Guaino, comprend six personnalités extérieures au monde judiciaire. S'agissant de son mode de fonctionnement, vous savez que les auditions concernant les questions disciplinaires sont publiques. Par vocation, il est ouvert à des questions qui vont au-delà des simples questions internes à la magistrature.

Aux termes de l'article 64 de la Constitution, le Président de la République est le garant de l'autorité judiciaire. Il est assisté par le Conseil supérieur de la magistrature. Celui-ci doit répondre au Président de la République quand il le sollicite pour avis sur l'indépendance de l'autorité judiciaire ou au ministre de la justice sur une question concernant la déontologie des magistrats ou une question concernant le fonctionnement de la justice.

C'est ainsi que je l'ai saisi le 25 mars dernier, m'appuyant sur cette rédaction émanant de la réforme constitutionnelle de juillet 2008 - et vous avez mille raisons, monsieur le député, de bien connaître les rédactions introduites par cette réforme constitutionnelle.

Je vous renverrai aussi au rapport de M. Warsmann, président de la commission des lois sous l'ancienne législature. Il souligne que pour renforcer la confiance des citoyens dans la justice, il faut que le Conseil supérieur de la magistrature soit plus autonome et ne soit pas corporatiste.

Vous n'avez pas attaqué un homme, vous avez attaqué l'institution judiciaire car il y avait trois magistrats instructeurs qui ont pris la décision que vous mettez en cause. Vous êtes maintenant invité à faire preuve de réserve à l'égard de cette institution. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)