COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE DOUAI.

PLEIN CONTENTIEUX

N° 12DA00712

26 mars 2013.

Inédite au recueil Lebon.

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 16 mai 2012 et régularisée par le dépôt de l'original le 21 mai 2012, présentée pour la commune de Béthune, représentée par M. C... E..., maire, par Me Peyrical, avocat ; la commune de Béthune demande à la Cour :

1º) d'annuler l'ordonnance nº 1201233 du 4 mai 2012par laquelle le président du tribunal administratif de Lille, statuant en référé, a rejeté sa demande tendant à la condamnation du groupement de maîtrise d'oeuvre composé des sociétés Sarea, SA Bet Berim, Florence Mercier Paysagiste SARL, SARL Serial et de M. D...B..., sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, au versement à la commune de Béthune, à titre de provision, d'une somme de 71 705,84 euros toutes taxes comprises, et du groupement Baudin Chateauneuf et Eiffage Construction au versement d'une somme de 187 267,59 euros toutes taxes comprises sur les sommes qui lui sont dues pour les désordres affectant le centre aquatique de la commune ;

2º) de condamner le groupement de maîtrise d'oeuvre, ou, à titre subsidiaire, la société Sarea et M.B..., à lui verser une provision de 17 952,34 euros toutes taxes comprises au titre des désordres affectant son centre aquatique ;

3º) de condamner le groupement Baudin Chateauneuf et Eiffage Construction à lui verser une provision de 39 602,25 euros toutes taxes comprises au titre des désordres affectant son centre aquatique ;

4º) de condamner solidairement le groupement Baudin Chateauneuf et Eiffage Construction et le groupement de maîtrise d'oeuvre, ou, à titre subsidiaire, la société Sarea et M.B..., à lui verser une provision de 169 190,37 euros toutes taxes comprises au titre des désordres affectant son centre aquatique, ainsi qu'une provision de 18 290,60 euros toutes taxes comprises au titre des frais généraux d'expertise réglés par la commune de Béthune ;

5º) de mettre à la charge du groupement Baudin Chateauneuf et Eiffage Construction et du groupement de maîtrise d'oeuvre, ou, à titre subsidiaire, de la société Sarea et de M. B...une somme de 3 000 euros chacune, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

1. Considérant que, par une délibération en date du 15 juillet 2004, la commune de Béthune a confié une mission de restructuration de son centre aquatique, à un groupement composé des sociétés Sarea, SA Bet Berim, Florence Mercier Paysagiste SARL et SARL Serial et de M.D... B... ; que le 31 mars 2006, elle a attribué un marché de travaux pour la réhabilitation de ce centre à un groupement composé des sociétés Baudin Chateauneuf et Eiffage Construction ; que la réception ainsi que la levée des dernières réserves ont eu lieu le 29 février 2008 ; que, suite à l'apparition de désordres affectant le centre aquatique, postérieure à la réception, une expertise contradictoire a été menée afin de connaître la cause de ces désordres et d'établir les responsabilités ; que l'expert a rendu un rapport en date du 30 décembre 2011 ; qu'en se fondant sur ce rapport, la commune de Béthune a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, dans le dernier état de ses écritures, sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs, la condamnation du groupement de maîtrise d'oeuvre composé des sociétés Sarea, SA Bet Berim, Florence Mercier Paysagiste SARL et SARL Serial et de M. D...B..., à lui verser, à titre de provision, une somme de 17 952,34 euros toutes taxes comprises, et du groupement Baudin Chateauneuf et Eiffage Construction à lui verser une somme de 39 602,25 euros toutes taxes comprises, la condamnation solidaire du groupement de maîtrise d'oeuvre et du groupement Baudin Chateauneuf et Eiffage Construction à lui verser la somme de 169 190,37 euros toutes taxes comprises sur les sommes qui lui sont dues pour les désordres affectant son centre aquatique et les mêmes à lui verser des provisions de 3 610,82 euros toutes taxes comprises et 18 290,60 euros toutes taxes comprises au titre des frais d'expertise ; que par une ordonnance en date du 4 mai 2012, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté sa requête ; que la commune de Béthune relève appel de cette ordonnance ;

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. Considérant qu'en se bornant à indiquer que l'existence des obligations invoquées par la commune de Béthune, à l'encontre du groupement de maîtrise d'oeuvre et du groupement Baudin Chateauneuf et Eiffage Construction, était sérieusement contestable sans préciser les éléments sur lesquels il se fondait pour décider du caractère sérieusement contestable desdites obligations, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a insuffisamment motivé l'ordonnance attaquée ; qu'il y a lieu d'annuler cette ordonnance, d'évoquer et de statuer sur la demande de la commune de Béthune devant le tribunal administratif ;

Sur la demande de provision :

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie " ; qu'aux termes de l'article 1792 du code civil : " Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. / Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère " ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise rendu par M.A..., expert, le 30 décembre 2011, que sur les quinze désordres affectant le centre aquatique, dix relèvent de la responsabilité décennale du groupement de maîtrise d'oeuvre ou des constructeurs ; que les autres désordres relèvent, pour l'expert, de la responsabilité contractuelle des constructeurs ;

Sur les conclusions dirigées contre le groupement de maîtrise d'oeuvre et contre le groupement Baudin Chateauneuf et Eiffage Construction et le groupement de maîtrise d'oeuvre pris solidairement :

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les participants à la maîtrise d'oeuvre s'étaient engagés vis-à-vis du maître d'ouvrage sous la forme d'un groupement solidaire ; que la solidarité s'étend à l'obligation de réparer les désordres au titre de la garantie décennale des constructeurs ; qu'il ne peut être fait échec à cette solidarité que si une répartition des tâches entre les entreprises a été signée par le maître d'ouvrage auquel elle est alors opposable ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction qu'un avenant nº 1au marché de maîtrise d'oeuvre comprend une annexe nº 2 qui définit la répartition des lots exécutés par chacun des membres du groupement de maîtrise d'oeuvre ; que la commune de Béthune ne conteste pas avoir signé cet avenant qui lui est donc opposable ; que par suite, l'obligation qui incomberait au groupement de maîtrise d'oeuvre et au groupement Baudin Chateauneuf et Eiffage Construction pris solidairement en raison des désordres affectant le centre aquatique ne peut être regardée comme non sérieusement contestable ;

Sur les conclusions dirigées contre le groupement Baudin Chateauneuf et Eiffage Construction :

6. Considérant que la commune de Béthune demande la condamnation du groupement Baudin Chateauneuf et Eiffage Construction à lui verser une provision de 33 112,25 euros en raison des fuites d'eau constatées dans le local du matériel pédagogique et des fissures sur le carrelage de la coursive ; que contrairement à ce que soutiennent les sociétés Baudin Chateauneuf et Eiffage Construction, ces désordres sont de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination compte tenu de la gravité des infiltrations et de leur étendue dans le local du matériel pédagogique et des risques que le décollement du carrelage fait encourir aux usagers et au personnel du centre aquatique ; que l'obligation qui incombe au groupement Baudin Chateauneuf et Eiffage Construction en raison de ces désordres peut être regardée comme non sérieusement contestable ; qu'il y a lieu de condamner les sociétés Baudin Chateauneuf et Eiffage Construction à verser à la commune de Béthune la somme de 33 112,25 euros non contestée à titre de provision ;

Sur les conclusions dirigées, à titre subsidiaire, par la commune de Béthune contre la société Sarea et M. B...et le groupement Baudin Chateauneuf et Eiffage Construction et la société Sarea et M.B..., pris solidairement :

7. Considérant les conclusions présentées, à titre subsidiaire, par la commune de Béthune, tendant à la condamnation de la société Sarea et de M. D...B...à lui verser une provision de 17 952,34 euros toutes taxes comprises au titre des désordres affectant son centre aquatique, tendant à la condamnation solidaire du groupement Baudin Chateauneuf et Eiffage Construction et de la société Sarea et M. D...B...à lui verser une provision de 169 190,37 euros TTC au titre des désordres affectant son centre aquatique et une provision de 18 290,60 euros au titre des frais d'expertise sont nouvelles en appel et par suite irrecevables ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrativefont obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Béthune la somme que les sociétés Baudin Chateauneuf et Eiffage Construction demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge des sociétés Baudin Chateauneuf et Eiffage Construction la somme de 1500 euros au titre des frais exposés par la commune de Béthune ; qu'il y a lieu, également, de mettre à la charge de la commune de Béthune une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Bet Berim et non compris dans les dépens, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Florence Mercier Paysagiste SARL et non compris dans les dépens, et une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Serial et non compris dans les dépens ;

ORDONNE :

Article 1er : L'ordonnance nº 1201233 du 4 mai 2012du président du tribunal administratif de Lille est annulée.

Article 2 : Le groupement Baudin Chateauneuf et Eiffage Construction est condamné à verser à la commune de Béthune une provision de 33 112,25 euros.

Article 3 : Le groupement Baudin Chateauneuf et Eiffage Construction versera à la commune de Béthune la somme de 1 500 (mille cinq cent) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la demande de la commune de Béthune est rejeté.

Article 5 : La commune de Béthune versera à la société Bet Berim la somme de 1 500 (mille cinq cent) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : La commune de Béthune versera à la société Florence Mercier Paysagiste SARL la somme de 1 500 (mille cinq cent) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : La commune de Béthune versera à la société Serial la somme de 1 500 (mille cinq cent) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Béthune, à la société Sarea, à la société Bet Berim, à la société Florence Mercier Paysagiste SARL, à la société Serial, à M. D...B..., à la société Balaxa Vert Marine et au groupement Baudin Chateauneuf et Eiffage Construction.