1) Une seconde tentative fructueuse de transmission de la question constitutionnelle par un arrêt du 11 juillet 2018, n°18-40019.
Tandis qu’un avocat a fait l’objet d’une poursuite disciplinaire, son propre avocat a, de nouveau, par écho à l’arrêt précédent, posé une question relative à l’étonnante imprescriptibilité de celle-ci.
Cependant, au lieu de dénoncer, de manière générale, la violation faite par cette imprescriptibilité, aux droits fondamentaux ayant trait à la défense, la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) vise plutôt cette fois-ci, la différence de régime avec les autres catégories professionnelles.
Ainsi, la question est posée dans ces termes :
« Les articles 22, 23 et 24 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, faute de comporter des dispositions prévoyant la prescription des poursuites disciplinaires contre les avocats, alors qu’il existe une prescription des poursuites disciplinaires pour toutes les autres catégories professionnelles, et notamment les fonctionnaires, sont-ils conformes au principe d’égalité des citoyens devant la loi, garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ? »
De cette manière, la première chambre civile de la Cour de cassation, considère par un arrêt du 11 juillet 2018, que :
« la question posée présente un caractère sérieux en ce que l’absence de prescription en matière de poursuites disciplinaires contre un avocat est susceptible de porter atteinte au principe d’égalité garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, les poursuites disciplinaires contre divers autres professionnels en raison de faits commis dans leurs fonctions, tels les notaires, les huissiers de justice, les administrateurs judiciaires ou les fonctionnaires, se trouvant soumises à un délai de prescription ».
En conséquence, la question prioritaire de constitutionnalité a été renvoyée au Conseil constitutionnel.
2) La réponse du Conseil constitutionnel dans une décision du 11 octobre 2018 n°2018-738.
Tout d’abord, le Conseil constitutionnel rappelle que :
« le requérant reproche aux dispositions contestées de ne pas enfermer dans un délai de prescription l’action disciplinaire susceptible d’être engagée à l’encontre d’un avocat » car « il en résulterait une rupture d’égalité inconstitutionnelle avec les autres professions judiciaires ou juridiques réglementées pour lesquelles la loi prévoit un tel délai », en plus d’une violation des droits de la défense.
De ce fait, les juges de la Cour suprême évoquent l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui consacre le principe d’égalité : « la loi doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ».
Il s’agit donc pour les juges de décider si la spécificité de la profession d’avocat est à même de justifier une telle exception au principe ?
Néanmoins, au regard de l’article 23 de la loi du 31 décembre 1971 qui prévoit qu’un avocat peut être poursuivi « devant le conseil de discipline dont il relève par son bâtonnier ou le procureur général près la cour d’appel », le Conseil constitutionnel considère que cette faculté que disposent les bâtonniers et les procureurs généraux, « ne méconnaît pas, en elle-même, les droits de la défense ».
De même, le Conseil constitutionnel rappelle qu’ :
« aucun droit ou liberté que la Constitution garantit n’impose que les poursuites disciplinaires soient nécessairement soumises à une règle de prescription ».
Enfin, selon le Conseil constitutionnel, par rapport au principe d’égalité, il considère que :
« la profession d’avocat n’est pas placée, au regard du droit disciplinaire, dans la même situation que les autres professions juridiques ou judiciaires réglementées. Dès lors, la différence de traitement instaurée par les dispositions contestées entre les avocats et les membres des professions judiciaires ou juridiques réglementées dont le régime disciplinaire est soumis à des règles de prescription repose sur une différence de situation.
En outre, elle est en rapport avec l’objet de la loi ».
Ainsi, oui, la spécificité de la profession justifie son exception en matière de prescription.
En conséquence, l’imprescriptibilité des poursuites disciplinaires est conforme à la Constitution.
Il est dommage que le législateur ne se soit pas saisi de cette question lors de la loi sur la confiance dans l’institution judiciaire du 22 décembre 2021 qui réforme la discipline des avocats.
Peut-être lors de la prochaine réforme ?
A suivre...
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Frédéric CHHUM, Avocat à la Cour et ancien membre du Conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
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