Droit pénal - actualité pratique -

Le texte ci dessous a été lu ce matin à 8h 30 avant l'audience correctionelle.

On sent fougue et recul, réflexion et détermination des acteurs de la justice de proximité!

C'est certain, si on supprimait les juges ce serait plus simple!

Ce qui est rassurant c'est que dans la génération qui monte il existe manifestement des enfants de la République et des libertés: nos juges!

A titre personnel je suis sensible à cette motion courageuse.

Pourquoi nos instances représentatives qui nous appellent pourtant à élire des collèges sont elles muettes alors que notre profession et les libertés que nous défendons sont menacées par la déjudiciarisation et la logique comptable?

Rachida... Si tu savais... Tes réformes... Tes réformes... (Sur l'air du canaval)!

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MOTION:

Les magistrats dénoncent l'incohérence des politiques pénales

Les magistrats du Tribunal de Grande Instance de Dunkerque, réunis ce jour, dénoncent les atteintes graves qui sont portées à l'indépendance de l'autorité judiciaire depuis plus d'un an.

Nous souhaitons rappeler à l'ensemble des justiciables qui sont pris à témoin par la Garde des Sceaux, à travers une stratégie politique malsaine du bouc-émissaire, que cette indépendance des magistrats est un fondement essentiel de la démocratie et qu'elle n'est pas celle des magistrats eux-mêmes, comme tente de le faire croire notre ministre en dressant les citoyens contre leur Justice.

Les magistrats ici présents entendent dénoncer plus particulièrement :

La politique pénale générale actuellement menée :

D'un côté, la loi sur les peines planchers fait l'objet de statistiques rigoureuses par la Chancellerie.

Cinq procureurs généraux, dont les taux de peines planchers sont inférieurs à la moyenne nationale, ont été convoqués par la ministre pour explications. Les peines planchers sont décidées par les juges dans plus de 50% des dossiers de récidive. Les prisons françaises n'ont jamais été aussi pleines (63.000 détenus pour 52.000 places).

De l'autre, le ministère de la justice souhaite un renforcement de l'aménagement des peines et les cours d'appel sont chargées d'animer des conférences afin d'encourager le développement de ces aménagements.

Celle concernant les mineurs :

D'un côté, la Garde des Sceaux souhaite une plus grande fermeté pour les mineurs délinquants et s'est engagée dans une réflexion pour réformer les textes applicables.

De l'autre, le suicide d'un mineur à la maison d'arrêt de Metz-Queuleu a fait dire à la ministre que la décision d'incarcération était injuste, sans que le décret pris dans la semaine qui a suivi le drame de Metz (introduisant un entretien avec un magistrat du Parquet) ne remédie en rien les conditions d'incarcération.

Les magistrats sont aussi des êtres humains, sensibles à la détresse de leurs semblables et nous ne pouvons plus supporter ces injonctions paradoxales.

Les suicides qui se multiplient dans les centres de détention :

Loin d'assumer les échecs de sa politique carcérale, la Garde des Sceaux tente d'en rejeter la responsabilité sur nous qui appliquons ses lois et qui refusons aujourd'hui d'assumer les conséquences d'une politique marquée par une incohérence grandissante : le juge doit enfermer, aménager puis libérer.

Cette responsabilité est de nature politique et ne saurait se traduire par des procédures pseudo disciplinaires menées en dehors des cadres légaux à l'égard des magistrats, procédures dont l'objectif est surtout de masquer la dégradation alarmante des conditions de détention.

Les pressions personnalisées exercées par la Garde des Sceaux sont inadmissibles.

Nous magistrats sommes tous conscients du drame qu'est le suicide d'un mineur mais nous nous inquiétons de ce que les éléments venant d'être exposés indiquent clairement une pression de plus en plus forte exercée sur nous par la Garde des Sceaux, notamment par ce qui s'assimile à une "caporalisation" des magistrats du parquet.

Nous acceptons la lourdeur de l'exercice de nos fonctions et admettons que l'application de la loi véhicule souvent une très forte violence institutionnelle.

Nous déplorons la déclaration de la Garde des Sceaux considérant "injuste" cette incarcération avant tout approfondissement de la situation.

Nous estimons tout simplement inacceptables les conditions dans lesquelles la substitut ayant ordonné cette incarcération a été auditionnée seule par 5 inspecteurs des services judiciaires, hors de tout cadre procédural, durant 45 minutes en pleine nuit entre 23h45 et 00h30, alors qu'au final il s'avère que la procédure est réguliPre juridiquement et qu'aucun reproche déontologique ne pouvait être formulé à l'égard du substitut.

En conclusion, une magistrate a été salie publiquement et dans les médias, à l'occasion d'un événement dramatique, par la Garde des Sceaux en personne.

La Garde des Sceaux ne peut se contenter d'un "soutien" général à la magistrature, en mettant individuellement en cause chaque magistrat à chaque occasion.

Nous demandons enfin et surtout que la Garde des Sceaux rende à la Justice toute la place qu'elle représente dans notre société en respectant son indépendance, en cessant de la livrer en pature à l'opinion publique et en lui donnant les moyens matériels et humains d'exister.

Il est temps que notre colère vienne aux portes de notre Ministère et que dorénavant un véritable dialogue s'installe et que le respect dû à l'autorité judiciaire devienne la règle de notre ministère.