Dans cet arrêt de la Cour d’appel de Paris du 22 mai 2024, la Cour confirme le jugement en ce qu’il a déclaré l’employeur irrecevable à produire des enregistrements illicites et le constat d’huissier litigieux.

L’hôtel Napoléon est condamné à payer à son ancien directeur de Nuit de l’hôtel Napoléon une indemnité pour licenciement sans cause, des dommages intérêts pour harcèlement moral, un rappel d’heures supplémentaires, des dommages intérêts pour non-respect des temps de pause, des dommages intérêts pour non-respect des durées quotidiennes maxima de travail.

Il est débouté de sa demande de rappel de prime de nuit.

1)      MOTIVATION

Par arrêt du 22/05/2024 (RG 21/03341), la cour d’appel de Paris, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort :

CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu’il a :

- condamné la société Fecit à verser à M. X les sommes suivantes :

3 250 euros à titre de rappel de prime de nuit ;

325 euros au titre des congés payés afférents ;

12 067,71 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- rejeté les demandes indemnitaires de M. X du non-respect du temps de pause, du non-respect de la durée maximale quotidienne de travail, et du harcèlement moral.

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

REJETTE la demande de M. X au titre du rappel de prime de nuit et des congés payés y afférents ;

CONDAMNE la société Fecit à verser à M. X les sommes de :

. 3 000 euros de dommages et intérêts au titre du non-respect des dispositions relatives au temps de pause ;

. 5 000 euros de dommages et intérêts au titre du non-respect de la durée maximale quotidienne de travail ;

. 3 000 euros de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral ;

. 24 135,42 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

DIT que les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires à compter de l’arrêt qui les prononce;

CONDAMNE la société Fecit aux dépens d’appel ;

CONDAMNE la société Fecit à verser à M. X la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

1.1) Sur l’exécution du contrat de travail

1.1.1) Sur les demandes relatives à la durée de travail :

a)      Sur le non-respect des dispositions relatives au temps de pause :

M. X soutient qu’il n’a jamais bénéficié de temps de pause accordé par son employeur, dès lors qu’au cours de chaque nuit de travail, le bagagiste de nuit seul présent n’était pas en mesure de le remplacer durant d’éventuelles pauses, et qu’il devait ainsi être à même de répondre en permanence aux demandes de clients se présentant à la réception.

Il précise que l’effraction qui a eu lieu le 26 septembre 2018 à 4h51 s’est produite alors qu’il s’était octroyé une pause de 4h45 à 5h30 en se rendant dans le back office.

La société Fecit conteste tout manquement aux règles relatives au temps de pause et fait valoir que le salarié indique lui-même avoir pris une pause au moment de l’effraction litigieuse. Elle soutient en outre que ces octrois de temps pause ressortent de l’attestation produite par l’intimé émanant du bagagiste de nuit ainsi que du procès-verbal du constat d’huissier du 3 octobre 2018 qui démontre que M. X prenait systématique ses temps de pause, s’installant certaines nuits dans le back office après avoir pris plusieurs oreillers du canapé du hall de l’hôtel. Elle se prévaut, enfin, de l’absence de toute réclamation à cet égard par le salarié durant ses dix-sept années de service.

Aux termes de l’article L. 3121-16 du code du travail, dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes consécutives.

L’article 16.3.3 de l’avenant du 13 juillet 2004 à la convention collective des hôtels, cafés et restaurants précise que si pour des raisons organisationnelles ou réglementaires, le salarié ne pouvait vaquer à ses occupations personnelles, cette pause sera assimilée à du temps de travail effectif.

La période de pause, qui s'analyse comme un arrêt de travail de courte durée sur le lieu de travail ou à proximité, n'est pas incompatible avec des interventions éventuelles et exceptionnelles demandées durant cette période au salarié en cas de nécessité, notamment pour des motifs de sécurité.

Au cours de la pause, les salariés sont toutefois libres de vaquer à leurs occupations personnelles sans avoir à rendre de comptes à leur employeur quant à l'emploi qu'ils font de ce temps libre.

La charge de la preuve du respect du temps de pause incombe à l'employeur.

En l’espèce, contrairement à ce qu’indique l’appelante, les extraits du logiciel interne

« Kelio » qu’elle produit ne sont pas de nature à démontrer qu’un temps de pause de 45 minutes était accordé au salarié.

Par ailleurs, l’employeur ne peut utilement se prévaloir, au soutien de son argumentation tendant à démontrer que le temps de pause était respecté au sein de l’établissement, de ce que le salarié s’octroyait des pauses, dès lors qu’une telle circonstance ne démontre pas que ces pauses étaient consenties par la société, ni de l’absence de réclamation antérieure du salarié.

La société conteste en outre la légitimité du temps de repos qu’avait pris par M. X au moment de l’effraction du 26 septembre 2018, donc sa qualification de pause, sans indiquer pour autant à quelle heure ou selon quelles modalités une telle pause aurait été autorisée durant la nuit du 26 au 27 septembre.

Il ressort également de l’attestation établie par M. Z, bagagiste de nuit, que ce dernier indique : « le service de permanence de nuit est assuré par deux personnes : le directeur de nuit et son bagagiste. Nos postes sont totalement non-interchangeables (…) [de sorte que] à la prise de nos pauses respectives, on est obligé de rester dans le bureau prêt à servir en interrompant notre pause ».

Il se déduit de ces éléments que le salarié, dont les horaires de travail s’étendaient de 20h du soir à 8h du matin le lendemain, était tenu de rester en permanence à la disposition de l’employeur à son poste de travail, et de se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles.

Dès lors, le manquement dont se prévaut M. X est établi.

Au regard des pièces du dossier, ce manquement a causé au salarié un préjudice qu’il y a lieu de réparer en lui allouant à ce titre une indemnité de 3 000 euros, le jugement étant infirmé sur ce point.

b)     Sur le non-respect de la durée maximale quotidienne de travail :

M. X soutient que son employeur a, à de très nombreuses reprises, manqué à ses dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée maximale du travail de nuit, ce qui l’a conduit à travailler plus de 12 heures consécutives à seize reprises entre le 6 mars

2017 et le 27 septembre 2018.

La société Fecit conteste ces allégations et soutient que le salarié travaillait effectivement 11 heures et 15 minutes par nuit sur une plage horaire de 20 heures à 8 heures, disposant d’une pause de 45 minutes.

Il résulte des dispositions de l’article L 3122-6 du code du travail que la durée quotidienne de travail accomplie par un travailleur de nuit ne peut excéder huit heures, sauf convention ou accord collectif de branche.

L’article 16.3.1 de l’avenant du 13 juillet 2004 à la convention collective applicable fixe à 12 heures la durée maximale quotidienne de travail de nuit pour le personnel de réception.

Il incombe à l’employeur de démontrer qu’il a respecté les obligations découlant de la durée maximale quotidienne de travail de nuit.

Enfin, le dépassement de la durée maximale de travail ouvre, à lui seul, droit à la réparation.

En l’espèce, M. X soutient qu’il a été conduit à travailler plus de 12 heures consécutives à seize reprises entre le 6 mars 2017 et le 27 septembre 2018 et se prévaut à cet égard d’extraits du logiciel « Kelio » comportant les heures d’entrée et de sortie, dont il résulte notamment qu’il était présent dans l’établissement dans la nuit du 6 au 7 mars 2017 de 19h50 à 9h50, soit durant 13h30, ou encore dans la nuit du 26 au 27 septembre 2018 de 19h45 à 9h34.

Pour démontrer que la durée maximale de travail était respectée, la société se borne à contester ces allégations au motif que le logiciel « Kelio » n’indique que l’heure d’arrivée du salarié sur son lieu de travail et son heure de sortie sans comptabiliser les temps de pause, et à indiquer que le salarié ne justifie pas avoir eu des motifs de demeurer à son poste de travail au-delà de la durée maximale, l’équipe de jour arrivant le matin à 7h.

Ces éléments ne sont toutefois pas de nature à justifier du respect par l’employeur de la durée quotidienne maximale de travail du travailleur de nuit.

En outre, la circonstance que M. X quittait souvent son service aux alentours de 7h40 est sans incidence sur le non-respect par l’employeur de ses obligations concernant les périodes litigieuses.

Dans ces conditions, le manquement dont se prévaut le salarié est établi.

Au regard des éléments du dossier, ce manquement a causé au salarié un préjudice qu’il y a lieu de réparer par l’allocation d’une somme 5 000 euros de dommages et intérêts, le jugement étant infirmé sur ce point.

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Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)

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