Par principe, la vente immobilière par les personnes publiques n'est pas soumise à concurrence (Conseil d'État, 10 avril 2015, n°370223). Elle le devient en revanche si l'opération peut s'analyser en une commande publique (voir sur le blog : VEFA et requalification en marché public : comment apprécier l'influence déterminante de l'acheteur public ?).

Dans une espèce intéressante concernant la cession avec charges par l'Etat du Stade de France, le Tribunal administratif de Montreuil écarte la qualification de commande publique.

S'agissant d'une vente immobilière avec un cahier des charges comportant des charges d'intérêt général, le juge écarte l'existence d'une commande publique en recourant à un faisceau d'indices :

  • Aucune clause de retour ou de rétrocession au profit du cédant public n'est stipulée ;
  • L'objet principal de l'opération porte sur l'obtention d'un prix pour le cédant public et non à la satisfaction d'un de ses besoins ;
  • Aucun service public n'est confié à l'opérateur privé cessionnaire. 

"10. En premier lieu, il résulte des mentions de l'avis d'appel à la concurrence n° 23-31140 publié au BOAMP le 9 mars 2023, du règlement de cette consultation, des trois cahiers des charges et du projet d'acte de concession-vente que cette procédure de mise en concurrence portait sur l'aliénation définitive de l'équipement sportif d'intérêt national prévu à l'article 1er de la loi n°93-1435 du 31 décembre 1993 contre le versement d'un prix, cession assortie d'un certain nombre de conditions qui ne modifient pas la nature de cette opération. Il résulte de l'instruction et notamment des échanges à l'audience que le transfert de propriété prévu devait être effectif dès la signature ou l'enregistrement de la convention de cession et qu'il n'existait aucune clause de retour ou de rétrocession à l'État au terme de la période de mise en œuvre des obligations contractuelles dont est assortie cette cession. La seule circonstance que cette opération de vente aurait pu être remise en cause par l'une des parties devant le juge du contrat et que le Stade de France pourrait, par voie de conséquence et dans cette seule éventualité, réintégrer le patrimoine de l'État n'est pas de nature à remettre en cause l'objet de ce contrat et de cette procédure qui tendent à l'aliénation définitive de cet équipement public. Il en est de même des clauses exorbitantes du droit commun prévu dans le " volet concessif ". Cette procédure de consultation ne porte pas, par suite, sur une concession au sens de l'article L. 1121-1 du code de la commande publique.
11. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que l'objet principal de l'opération d'adjudication en cause porte sur l'obtention d'un prix de la part d'un acquéreur et qu'un tel objet ne correspond pas à la satisfaction de besoins de l'État en matière de travaux, de fournitures ou de services. Si une telle opération peut présenter une analogie avec la satisfaction des besoins en financement d'une personne publique par le recours à des contrats d'emprunts, cette circonstance n'est pas suffisante pour que cette opération soit regardée comme permettant de satisfaire à un besoin de l'État en contrepartie d'une rémunération au sens des dispositions de l'article L. 1111-1 du code de la commande publique.
12. En dernier lieu, il n'est ni soutenu ni établi que la cession définitive du Stade de France à un opérateur économique constituerait une modalité particulière de délégation d'un service public
." (Tribunal administratif de Montreuil, 15 mai 2024, n°2404859).

Autre précision intéressante de cette ordonnance de référé précontractuel, le juge considère que le référé précontractuel n'est pas applicable en l'espèce quand bien même la personne publique cédante, probablement par mesure de prudence, s'est contrainte à appliquer la procédure de marché public :

"12. En dernier lieu, il n'est ni soutenu ni établi que la cession définitive du Stade de France à un opérateur économique constituerait une modalité particulière de délégation d'un service public. Il résulte également de l'instruction qu'aucune disposition législative particulière n'attribue compétence au juge du référé précontractuel des articles L. 551-1 ou L. 551-5 du code de justice administrative pour assurer le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles l'État a entendu se soumettre spontanément pour cette procédure d'adjudication.
13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 10 à 12 qu'un tel contrat, qui n'a pour objet ni la délégation d'un service public ni l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, n'est pas au nombre des contrats mentionnés à l'article L. 551-1 du code de justice administrative, à l'égard desquels le juge du référé précontractuel peut prendre les mesures définies à l'article L. 551-2 de ce code. Dès lors, et alors même que l'État a choisi de se soumettre pour cette opération de vente, sans y être tenu, à la procédure applicable aux marchés publics passés par des pouvoirs adjudicataires, le juge du référé précontractuel n'est pas compétent pour statuer sur la demande présentée par la SELAS Poulmaire Gestion Fiduciaire et sa requête doit, par suite, être rejetée.
" (Tribunal administratif de Montreuil, 15 mai 2024, n°2404859).

Le risque de requalification en commande publique doit être maitrisé dans toutes les opérations immobilières publiques ou associant un acheteur public. Une analyse multicritère au cas par cas est nécessaire pour déterminer s'il y a lieu de procéder par mise en concurrence préalable. 

Le cabinet est à votre écoute pour vous accompagner :

  • Dans les opérations immobilières du secteur public et de ses satellites ;
  • Cartographier et mesurer les risques induits, ainsi que les mesures correctives à apporter s'agissant de contrat déjà conclus ;
  • Vous assister dans la résolution des litiges qui en découlent, le cas échéant.

Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes

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