Le 1er avril 2025, le tribunal judiciaire de CAEN a rendu un jugement contre la société CAP SOLEIL ÉNERGIE (située à TREMBLAY EN FRANCE, précision pour éviter toute confusion avec des sociétés homonymes) illustrant les conséquences juridiques de l’inexécution contractuelle et de la mauvaise exécution technique dans le cadre d’un contrat de fourniture et d’installation de panneaux photovoltaïques en qualité de sous-traitant.
Ce jugement s’articule autour de deux volets principaux :
- d'une part, la résolution du contrat conclu entre un particulier et le donneur d'ordres, la société FRANCE ENR (aujourd'hui en faillite) ;
- d'autre part, la responsabilité partagée entre FRANCE ENR et son sous-traitant CAP SOLEIL ÉNERGIE.
En septembre 2017, une personne a conclu un contrat avec la société FRANCE ENR (enseigne Impact Énergie) pour la fourniture et l’installation de panneaux photovoltaïques sur sa toiture, afin d’atteindre une autoconsommation électrique, pour un montant de 26 657 €. Les travaux ont été sous-traités à la société CAP SOLEIL ÉNERGIE.
Rapidement, l'acquéreur a constaté de graves dysfonctionnements : infiltrations d’eau par la toiture, pannes électriques, mauvaise exécution technique. Plusieurs tentatives d’intervention ont échoué. Un expert judiciaire a relevé de nombreuses non-conformités : pose sur un toit inadapté (pente trop faible), non-respect du DTU 40.11, matériel différent de celui commandé (absence de micro-onduleurs), câblage défectueux, installation dangereuse.
En conséquence, l'acquéreur a saisi la justice pour demander la résolution du contrat et l’indemnisation de ses préjudices. La société France ENR étant en liquidation judiciaire, elle a également agi contre Cap Soleil.
Le tribunal judiciaire a reconnu la faute contractuelle de France ENR (mauvaise conception, matériel non conforme, absence de conseil) et la faute délictuelle de CAP SOLEIL ÉNERGIE (exécution non conforme aux règles de l’art). Le contrat a été résolu judiciairement et les sociétés ont été condamnées à indemniser l'acquéreur pour les travaux de remise en état.
Ci-dessous, on commente rapidement la décision d'un point de vue juridique.
I. Sur la résolution du contrat : une inexécution suffisamment grave
Le tribunal judiciaire rappelle les dispositions du Code civil (art. 1224, 1227, 1229) sur la résolution judiciaire pour inexécution. En l'espèce, les désordres constatés sont qualifiés de suffisamment graves : infiltrations par la toiture, non-conformité de la pose, défauts électriques, et incapacité de l’installation à remplir l’objectif contractuel d’autoconsommation énergétique.
Même si l’engagement contractuel sur un taux précis d’autoconsommation n’est pas démontré, l'expert judiciaire confirme une série de fautes de conception et d’exécution (violation du DTU 40.11, installation non conforme au support, équipements électriques différents de ceux commandés).
Ces manquements rendant l'installation non seulement inutilisable mais potentiellement dangereuse, la résolution judiciaire est logiquement prononcée. Le contrat est donc anéanti rétroactivement, et la société FRANCE ENR, en liquidation, voit une créance de 26 657 € inscrite à son passif.
II. Responsabilité contractuelle de la société FRANCE ENR
Le tribunal applique ici l’article 1231-1 du Code civil, établissant la responsabilité contractuelle pour inexécution fautive. FRANCE ENR, en tant que contractant principal, devait s’assurer de la faisabilité du projet, proposer une solution conforme et contrôler son sous-traitant.
Elle a failli à ses obligations de conseil, d’information et de vigilance :
-
en vendant une installation inadaptée à la configuration du toit,
-
en fournissant du matériel différent de celui commandé (absence de micro-onduleurs),
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en omettant de vérifier la conformité au DTU avant l’installation.
Les tentatives de défense de FRANCE ENR (mention « sous réserve de faisabilité », arrêté municipal) sont rejetées faute de preuve.
III. Responsabilité délictuelle de la société CAP SOLEIL ÉNERGIE
Le tribunal judiciaire retient la responsabilité de CAP SOLEIL ENERGIE sur le fondement de l’article 1240 du Code civil. En tant que sous-traitant, elle ne pouvait ignorer la non-conformité du support. Sa responsabilité est engagée car :
-
elle a exécuté l’installation malgré l’inadaptation du toit,
-
elle a procédé à une pose violant les règles de l’art (DTU 40.11),
-
elle a mal câblé les équipements.
L’expert indique que les réparations proposées par Cap Soleil n’auraient pas permis de garantir la viabilité de l’installation dans le temps, ce qui renforce la faute.
Elle est donc condamnée à indemniser l'acquéreur à hauteur de 15 706,31 € pour la reprise de la toiture et 800 € pour la dépose des équipements électriques.
✅Appréciation critique et rappel des règles de responsabilité relatives aux sous-traitants✅
Cette décision est rigoureuse, équilibrée et didactique. Elle applique strictement le droit des contrats et la jurisprudence constante en matière de ventes avec prestation de services mal exécutées. La responsabilité de chacun est clairement déterminée :
-
FRANCE ENR : responsabilité contractuelle pour manquement à son devoir de conseil et exécution défectueuse.
-
CAP SOLEIL ÉNERGIE : responsabilité délictuelle pour mauvaise exécution en tant que sous-traitant.
Elle rappelle aussi un point fondamental du droit de la responsabilité civile : la responsabilité directe du sous-traitant envers le maître d’ouvrage, en dehors de tout lien contractuel entre eux.
En effet, bien que la société CAP SOLEIL ÉNERGIE n’ait contracté qu’avec la société FRANCE ENR, sa responsabilité à l’égard de l'acquéreur, maître d’ouvrage, a été reconnue sur le fondement délictuel de l’article 1240 du Code civil.
1. L’autonomie de la responsabilité délictuelle du sous-traitant
La jurisprudence admet de longue date que le maître d’ouvrage peut rechercher la responsabilité du sous-traitant sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle. L’absence de lien contractuel n’est pas un obstacle si :
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un fait dommageable est imputable au sous-traitant,
-
ce fait constitue une faute,
-
et qu’il a causé un préjudice au maître d’ouvrage.
Dans cette affaire, l’expert judiciaire a identifié plusieurs fautes d’exécution imputables à CAP SOLEIL ÉNERGIE : installation sur une pente de toit non conforme au DTU 40.11, absence de respect des règles de l’art, mauvais câblage électrique. Ces fautes ont provoqué des infiltrations graves et des risques techniques affectant durablement l’ouvrage.
2. L’obligation de vigilance technique du sous-traitant
Le jugement souligne que le sous-traitant ne peut se réfugier derrière son statut d’exécutant. Même en l'absence de lien contractuel avec le maître d’ouvrage, il reste tenu à une obligation de prudence et de compétence dans la mise en œuvre technique.
Le tribunal judiciaire énonce que CAP SOLEIL ÉNERGIEne pouvait ignorer que la pente du toit était inadaptée. En acceptant de procéder aux travaux malgré cette irrégularité, l’entreprise a commis une faute engageant sa responsabilité personnelle.
3. Une faute d’exécution génératrice de responsabilité directe
La responsabilité de CAP SOLEIL ÉNERGIE est ainsi engagée indépendamment de celle de FRANCE ENR, le donneur d’ordre. Le tribunal judiciaire reconnaît clairement que la société CAP SOLEIL ÉNERGIE devait alerter son donneur d’ordre ou refuser l’installation dans les conditions proposées.
Elle a donc été condamnée à indemniser le maître d'ouvrage.
Conclusion
Le jugement du tribunal de CAEN constitue un rappel ferme : la sous-traitance n'exonère pas le donneur d’ordre de ses responsabilités contractuelles, et tout intervenant, même technique, est tenu de respecter les normes professionnelles. La résolution judiciaire d’un contrat n’est pas un mécanisme exceptionnel mais une réponse logique à une inexécution grave et prouvée.
Me Grégory ROULAND - avocat au Barreau de PARIS
Tél. : 0689490792
Mail : gregory.rouland@outlook.fr
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