CNDA, 10 mai 2024, n°24008374

Dans un arrêt n°24008374 du 10 mai 2024 de la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA) a annulé la décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) rejetant la demande de réexamen de la demande d’asile d’un ressortissant de nationalité Turque et d’origine ethnique Kurde, et lui a reconnu le statut de réfugié en raison de ses opinions politiques et de son origine ethnique.

En l’espèce, M. X, de nationalité Turque et d’origine ethnique Kurde, soutenait qu’il craignait d’être persécuté ou à une atteinte grave, par les autorités turques et des militants d’extrême droite en raison de ses opinions politiques et de son origine ethnique.

M. X avait demandé à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) de réexaminer sa demande d’asile après le rejet de sa demande initiale par une décision de la Cour nationale du droit d’asile du 27 mai 2022, devenue définitive.

Par une décision d’irrecevabilité du 1er décembre 2023, l’Office avait rejeté la première demande de réexamen en estimant que les éléments présentés par l’intéressé n’étaient pas de nature à augmenter de manière significative la probabilité qu’il justifie des conditions requises pour prétendre à une protection.

M. X avait alors introduit une requête auprès de la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA), enregistrée le 22 février 2024, demandant à la Cour, à titre principal, d’annuler la décision d’irrecevabilité de sa demande de réexamen prise par le directeur général de l’OFPRA le 1er décembre 2023 et de lui reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire ; à titre subsidiaire, d’annuler cette décision et de renvoyer l’examen de sa demande devant l’OFPRA ; et, enfin de mettre à la charge de l’OFPRA une somme de 1 200 euros (mille deux cents euros) en application de l’article 75 I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Aux termes de l’article L. 531-42 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) : « A l'appui de sa demande de réexamen, le demandeur indique par écrit les faits et produit tout élément susceptible de justifier un nouvel examen de sa demande d'asile. / L'Office français de protection des réfugiés et apatrides procède à un examen préliminaire des faits ou des éléments nouveaux présentés par le demandeur intervenu après la décision définitive prise sur une demande antérieure ou dont il est avéré qu'il n'a pu en avoir connaissance qu'après cette décision. / Lors de l’examen préliminaire, l’office peut ne pas procéder à un entretien. / Lorsque, à la suite de cet examen préliminaire, l'office conclut que ces faits ou éléments nouveaux n'augmentent pas de manière significative la probabilité que le demandeur justifie des conditions requises pour prétendre à une protection, il peut prendre une décision d'irrecevabilité ».

Il résulte de ces dispositions que la recevabilité d’une demande de réexamen d’une demande d’asile est subordonnée à la présentation de faits nouveaux intervenus ou révélés postérieurement au rejet de la demande antérieure et/ou d’éléments de preuve nouveaux. La valeur probante de ces nouveaux éléments doit être de nature à modifier l’appréciation du bien-fondé de la demande de protection au regard de la situation personnelle du demandeur et de la situation de son pays d’origine.

Il est important de noter que cet « examen préliminaire de recevabilité » ne fait pas obstacle à la présentation de faits antérieurs à la décision définitive, dès lors que ces faits se rapportent à une situation réelle de vulnérabilité l’ayant empêché d’en faire état dans sa précédente demande.

Au stade de la demande de réexamen, il a fait valoir qu’en Turquie, il avait effectué des publications hostiles au gouvernement Turc et favorables à la cause Kurde sur les réseaux sociaux et que pour ce motif, il avait fait l’objet de poursuites judiciaires. De même, en France, il a fait valoir qu’il continuait à militer en faveur de la cause Kurde notamment en participant aux évènements politiques et culturels organisés par la communauté Kurde.

A l’appui de son recours, l’intéressé a notamment produit deux actes d’accusation, des captures d’écran de ses publications sur les réseaux sociaux.

La Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA) a considéré que lors de l’audience, les explications précises et circonstanciées de M. X démontraient qu’il était bien recherché par les autorités turques. Sur ce point, ses déclarations au sujet des critiques émises contre le gouvernement turc ont été corroborées par les captures d’écran de ses publications sur les réseaux sociaux et les actes d’accusation produits au dossier.

Ainsi, elle en a conclu à titre préliminaire que les faits et les éléments présentés par le requérant augmentaient de manière significative la probabilité qu’il justifie des conditions requises pour prétendre à une protection. Dès lors, il y a lieu pour le juge de l’asile de tenir compte de l’ensemble des faits invoqués dans sa nouvelle demande, y compris ceux déjà examinés.

Aux termes de l’article 1er A 2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole signé à New York le 31 janvier 1967, doit être considérée comme réfugiée toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ».

La Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA) a considéré que M. X avait relaté en des termes précis et particulièrement personnalisés la nature de ses activités militantes en Turquie, puis en France, ainsi que le déroulement des manifestations auxquelles il a participé sur le territoire français. Selon la Cour, il avait également expliqué la virulence de ses propos sur les réseaux sociaux contre le Président Erdogan, et avait communiqué les captures d’écran de ses publications. De même, la Cour a considéré qu’il avait décrit la nature et la fréquence des recherches et des procédures judiciaires dont il a fait l’objet.

En outre, la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA) a retenu que ses craintes s’inscrivaient de manière pertinente et crédible dans un contexte largement documenté par diverses sources publiques d’information.

Dans ce contexte, la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA) en a conclu que les opposants politiques constituaient une cible privilégiée et que le mandat présidentiel de Recep Tayyip Erdogan, renouvelé le 24 juin 2018 puis le 28 mai 2023 pour une durée de cinq ans, ne laissait pas présager d’amélioration au regard de la poursuite de la répression et du durcissement du régime à la date de la décision de la Cour.

Ainsi, la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA) a jugé que M. X craignait avec raison, au sens des stipulations de la Convention de Genève, d’être persécuté en cas de retour dans son pays en raison de ses opinions politiques, et qu’il était donc fondé à se prévaloir de la qualité de réfugié.