Dans deux arrêts, la Cour de cassation applique le principe récent selon lequel un acte souscrit avant l'immatriculation d'une société peut être valablement repris par elle si la commune intention des parties était de le conclure pour le compte de la société en formation, même si l'acte ne le mentionne pas.
Cass. com. 9-10-2024 n° 23-12.401 F, Sté Libérer le Potentiel c/ Sté Vanellope service ; Cass. 3e civ. 17-10-2024 n° 22-21.616 F-D, Sté Cèdres promotion c/ Sté Les Lianes d'or
La société régulièrement immatriculée peut reprendre les engagements pris en son nom avant son immatriculation au registre du commerce et des sociétés, ces actes étant alors réputés avoir été souscrits par elle dès l'origine. Alors que la Cour de cassation exigeait que ces actes mentionnent expressément qu'ils sont conclus au nom ou pour le compte de la société en formation, elle juge désormais qu'il appartient au juge, en l'absence d'une telle mention, d'apprécier souverainement, par un examen de l'ensemble des circonstances, tant intrinsèques à cet acte qu'extrinsèques, si la commune intention des parties n'était pas qu'il fût conclu pour le compte de cette société (Cass. com. 29-11-2023 n° 22-12.865 FS-BR, 22-18.295 FS-BR et 22-21.623 FS-BR : RJDA 2/24 n° 97 et avis M. Lecaroz p. 7). Par deux arrêts récents, l'un de sa chambre commerciale, l'autre de sa troisième chambre civile, la Haute Juridiction fait application pour la première fois de ce revirement.
Dans la première espèce (n° 23-12.401), une personne physique demande par lettre de mission à une société de conseil de réaliser une étude en vue de la création d'une entreprise, puis elle fonde une SAS qu'elle fait immatriculer au RCS. La société de conseil réclame par la suite à la SAS le paiement de la prestation réalisée. Pour considérer que la SAS est bien redevable de la facture, un jugement retient que, si la lettre de mission n'avait pas été signée par la SAS - alors dénuée d'existence juridique -, mais par son fondateur, ce dernier avait la capacité de contracter au nom et pour le compte de cette société et s'était engagé dans le seul intérêt de celle-ci. Il ajoute que le fondateur avait incité la société de conseil à remplacer son nom par celui de la SAS sur la facture litigieuse.
Dans la seconde espèce (n° 22-21.616), un acte de vente indique que l'acquéreur est une société alors qu'elle n'était pas encore immatriculée. Une fois immatriculée, la société demande l'annulation de la vente, conclue, non pas pour son compte, mais par elle-même avant son immatriculation. Une cour d'appel refuse : elle relève que les statuts de la société prévoyaient que l'associé unique conclurait la vente litigieuse pour le compte de la société en formation et elle en déduit que l'immatriculation survenue ultérieurement valait reprise des engagements.
Dans les deux affaires, la Cour de cassation censure la décision des juges du fond, leur reprochant de n'avoir pas caractérisé l'intention commune des parties de conclure l'acte pour le compte de la société à naître.
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