CA Papeete, civ., 18 janvier 2018, n° 16/00090 : JurisData 2018-015043

La beauté des îles, la gentillesse des Polynésiens et la culture locale sont les principaux attraits de la Polynésie, avec le caractère extraordinaire de ses fonds marins. Pratiquer la plongée subaquatique dans l’eau translucide de l’océan Pacifique est spectaculaire, mais peut aussi faire oublier aux pratiquants qu’ils évoluent dans un milieu naturel. Un touriste canadien en a fait l’amère expérience, à Bora Bora. Sa palanquée était encadrée par un centre de plongée, mais alors que le groupe se trouvait à une quinzaine de mètres de profondeur, la victime mit un bras au-dessus de sa tête et se fit mordre au poignet par un requin-citron.

En première instance, le centre fut condamné à réparer les préjudices corporel et matériel de la victime. L’encadrement indiquait n'avoir commis aucune faute, la cause de cet accident rarissime étant inconnue. La victime faisait valoir qu’étant débutant, un contrat s'était formé aux termes duquel le centre s'engageait à lui faire pratiquer la plongée en toute sécurité. L’enquête pénale avait abouti à un classement sans suite.

Au plan civil, la cour juge, sur le fondement de l’article 1147 (ancien) du Code civil, que le centre avait une obligation contractuelle de sécurité.

Celle-ci est habituelle s’agissant d'une activité dangereuse. À la charge des clubs sportifs, elle est depuis longtemps reconnue en jurisprudence, surtout lorsque le contrat porte sur une prestation offerte dans des locaux aménagés.

En l’espèce, il est fait application de cette obligation contractuelle de sécurité à propos d’une activité en milieu naturel, nécessairement plus incertaine, où un pouvoir d’initiative est laissé au créancier de l’obligation de sécurité. C’est pourquoi il n’est question que d’une obligation de sécurité de moyen et non de résultat.

Reste que la pratique du nourrissage des requins (shark feeding) modifie leur comportement en provoquant une accoutumance à la présence humaine. En sa qualité de professionnel, le centre avait donc bien une obligation d'information, consistant à mettre en garde les plongeurs préalablement à la plongée, ce qu'il ne démontrait pas avoir fait.

Peu après l’accident, le directeur du centre indiquait dans la presse : « Nous avons fait évoluer nos briefings qui sont désormais plus précis : il est demandé aux plongeurs de rester groupés, bras et mains proches du corps ». Cela tendait à prouver qu’avant l’accident, cette information n’était pas délivrée aux clients.

En ne mettant pas en garde la victime à propos du comportement à adopter en présence de requins, le centre - qui ne caractérisait pas la force majeure en ses éléments imprévisibles ou irrésistibles - avait bien « failli à l'une de ses obligations au titre de son obligation de sécurité de moyens ».