Je propose d'évoquer ci-après la question de savoir si la vacance d'un bien oblige à faire des réintégrations fiscales.
Un meublé de tourisme est seulement loué pendant la saison, faut-il réintégrer les amortissements relatifs à la période non louée ?
La réponse est que seules les périodes de vacance anormales doivent donner lieu à des réintégrations.
1) L'arrêt de principe peu pertinent du Conseil d'Etat du 1er février 1978
Le Conseil d'Etat a pris position sur les obligations de réintégration d'un meublé de tourisme utilisé à titre personnel (CE 7e-9e s.-s. 1-2-1978 n° 2838 : RJF 3/78 n° 81 avec chronique p. 69, publié au recueil LEBON).
Les faits évoqués par l'arrêt du Conseil d'Etat
Un contribuable exerce une activité de location meublée dans une station de montagne. Il a inscrit 2 studios à l'actif.
Le bien est loué seulement 15 semaines sur 18 semaines de saison touristique. Le reste du temps, soit 37 semaines, il en conserve la disposition personnelle.
La décision du Conseil d'Etat
Le Conseil d'Etat valide la solution selon laquelle les charges relatives au bien ne sont déductibles que selon le prorata de 15/52ème car le bien n'était loué que 15 semaines dans l'année. Par ailleurs, dans ce dossier, l'administration avait admis la déduction des frais de gestion selon le prorata de 15/18ème car la location avait duré 15 semaines pour une saison touristique d'une durée de 18 semaines.
La doctrine administrative
L'arrêt est cité au BOI-BIC-CHG-10-10-30 n° 30, 12-9-2012 avec le nota suivant :
"Cette décision confirme la doctrine selon laquelle la répartition des charges devait être effectuée prorata temporis, les immeubles devant être considérés comme ayant été à la disposition du propriétaire pendant toute la période pendant laquelle ils n'ont pas été donnés en location (BOCD, 1965-II-2880)."
Analyse
Cette décision ne peut être considérée comme une décision très pertinente, compte tenu des faits évoqués, car elle ne prend pas en compte les éventuelles périodes de vacance légitimes.
La décision paraît fondée sur le principe selon lequel lorsque le bien n'est pas loué, il n'est plus affecté à l'activité professionnelle. Or c'est très souvent inexact.
Un bien peut être affecté à l'activité professionnelle sans être utilisé pour cette activité. C'est le cas notamment d'un meublé touristique qui ne peut pas être loué toute l'année, faute de touristes.
Mais, dans les faits évoqués par cet arrêt du Conseil d'Etat, il a été admis que les biens étaient affectés à l'usage personnel de l'exploitant quand ils n'étaient pas loués. Il ne semble pas que le contribuable ait invoqué l'existence d'une période de vacance normale, c’est-à-dire une période pendant laquelle le bien n'est ni loué, ni utilisé à titre personnel, faute de locataires.
Une première question peut en effet se poser : en cas de période de vacance normale, les charges d'exploitation restent-elles déductibles ? Or la réponse ne fait guère de doute : en période de vacance normale, les charges sont déductibles.
La situation peut être complexe lorsque le bien est loué une partie de l'année, qu'il est vacant durant une deuxième partie, et qu'il est utilisé par l'exploitant à titre personnel pendant une troisième partie.
Il faut donc envisager une deuxième question qui est de savoir comment calculer la réintégration des charges d'exploitation lorsqu'il existe ce type de répartition en trois modes.
2) En période de vacance normale les charges sont déductibles
La vacance est fréquente en meublé touristique
Dans une activité de location de meublé touristique, il arrive souvent qu'il y ait des périodes de vacance.
C'est le cas notamment dans une activité locative classique, quand, suite au départ d'un locataire, il peut être difficile de trouver un nouveau locataire pour reprendre la suite du premier.
Une période de vacance peut avoir un motif technique, par exemple lorsqu'il faut engager des travaux.
Dans le cas de la location d'un meublé touristique, la mise en location ne pose pas de problème en principe pendant la saison, mais elle peut devenir difficile, voire impossible, en dehors de la saison.
Il est donc possible d'avoir une vacance particulièrement longue.
Si un bien est loué seulement pendant la saison, faut-il en conclure que les charges d'exploitation et l'amortissement ne sont déductibles que selon le prorata égal aux semaines louées par rapport au total des semaines de l'année, comme semble l'imposer l'arrêt précité du Conseil d'Etat du 1er février 1978 ?
Non, car il faut tenir compte des périodes de vacance, du moins si elles sont raisonnables et conformes au respect du principe de gestion normale.
Des propos discutables
Dans sa chronique publiée à la RJF pour commenter cette décision, Mme Marie-Dominique HAGELSTEEN indique :
"Au regard de la loi fiscale, en effet, il n'y a, pour un immeuble, que deux situations possibles : la location, nue ou meublée, ou la mise à la disposition du propriétaire (voir sur ce point 25 juillet 1975, n° 93.646, Dupont 1975, p. 315). Il n'y avait donc pas en l'espèce de troisième état envisageable - et d'ailleurs défini nulle part dans le Code - tenant à la circonstance que les studios restaient vacants une grande partie de l'année, sans être ni effectivement loués, ni personnellement occupés par le propriétaire."
Ces propos sont regrettables car ils tendent à faire croire que le droit fiscal ne tient pas compte des périodes de vacance normale.
La vacance normale est admise dans la catégorie des revenus fonciers et en TVA
En revenus fonciers, il est admis que les dépenses locatives définitivement supportées par le contribuable pendant la période de vacance d'un bien destiné à la location restent admises en déduction dans les conditions de droit commun. (BOI-RFPI-BASE-20-40 n° 70, 12-9-2012 et nombreuses décisions comme CE 10e-9e s.-s. 4-6-2012 n° 334196 : RJF 10/12 n° 923).
En matière de TVA, la CJUE a jugé que le fait qu'un immeuble soit inoccupé pendant une certaine durée n'interrompt pas l'affectation de l'immeuble aux fins de l'entreprise lorsqu'il est établi que l'assujetti a toujours l'intention de continuer à exercer une activité de location soumise à la TVA et entreprend les démarches nécessaires à cet effet (CJUE 28-2-2018 aff. 672/16, Imofloresmira - Investimentos Imobiliários SA : RJF 5/18 n° 567 et dans le même sens BOI-TVA-CHAMP-50-10 n° 180, 4-4-2014).
La vacance normale est courante en revenus professionnels
Il ne faut pas confondre la notion d'affectation du bien à l'activité et la notion d'utilisation effective.
En pratique, il est rare que les actifs d'une entreprise soient utilisés 24 h sur 24 et 7 jours sur 7.
La nuit, la camionnette du plombier ne sert pas car, la nuit, le plombier dort.
Et peut-on lui reprocher de dormir, et précisément peut-on lui reprocher de n'avoir pas su trouver une solution pour que sa camionnette soit effectivement utilisée durant la nuit, par exemple par des salariés qui travailleraient la nuit ? Non.
Dans le régime des BIC, selon la théorie de l'acte anormal de gestion, seules les charges relatives à une gestion normale de l'entreprise sont déductibles.
Il faut apprécier chaque cas de non-utilisation d'un bien de l'entreprise, et se poser la question du caractère normal, ou pas, de cette situation.
Les cas de vacance normale pour les meublés touristiques
Dans une activité de meublé touristique, il paraît raisonnable de considérer que l'utilisation du bien soit limitée à la saison touristique. Il ne peut en principe être reproché à l'exploitant de ne pas pouvoir louer en dehors de la saison.
Dans certains cas il est possible de louer le bien hors saison mais, souvent, le tarif hors saison est nettement plus faible que pendant la saison. Or la mise en location d'un bien entraîne de supporter des charges d'exploitation supplémentaires.
Il peut devenir anormal de chercher à louer hors saison lorsque le revenu locatif probable est insuffisant pour compenser les charges d'exploitation provoquées par cette location hors saison.
C'est d'ailleurs pour cette raison que certains hôtels situés dans des zones touristiques ferment à la fin de la saison. La fermeture d'un hôtel en zone touristique pendant les périodes hors saison ne doit pas aboutir à la remise en cause de la déduction des charges d'exploitation relatives à cet hôtel au prorata de la période de fermeture.
Le contribuable qui décide de fermer son bien en dehors de la saison doit toutefois pouvoir démontrer que la location hors saison est trop difficile et trop couteuse par rapport aux chances de gain. Il faut sans doute conserver les avis écrits de tiers, comme des agents immobiliers pour démontrer la normalité économique de la vacance.
Attention à l'activité structurellement déficitaire
Inversement, une activité de location qui serait structurellement déficitaire, en raison d'une période locative trop courte, pourrait donner lieu à un rappel pour gestion anormale. Dans ce cas, c'est toute l'activité qui est anormalement engagée (voir par analogie CAA Paris 20 janvier 2016 n° 14PA03921, 2e ch., SAS Passire : RJF 12/16 n° 1061). Toutefois, la normalité selon le résultat doit prendre en compte selon moi le résultat net réel et non le résultat comptable. En effet, les normes comptables peuvent imposer des amortissements en application du principe de prudence, sans lien avec la dépréciation réelle. Il pourrait aussi être invoqué l'espoir légitime de faire une belle plus-value à la revente qui viendrait largement compenser les éventuels déficits structurels d'exploitation.
Le cas de l'usage privé ponctuel en période de vacance
Les services fiscaux sont en droit de vérifier si la fermeture de l'activité locative hors saison ne cache pas un usage personnel. Il est donc essentiel de pouvoir démontrer l'absence d'utilisation personnelle du bien pendant la période de fermeture.
Si le bien est ponctuellement utilisé par l'exploitant pour son usage personnel pendant la période de fermeture ou pendant une vacance temporaire en cours de saison, par exemple suite à l'annulation au dernier moment d'une réservation, cela ne doit pas remettre en cause la déduction des charges relative à la période de vacance, mais cela doit entraîner une réintégration partielle de ces charges, selon un mode de calcul raisonnable.
Tout est cela est bien beau me direz-vous mais comment calculer la réintégration avec des périodes de location, des périodes de vacance normale et des périodes d'usage privé ?
C'est une bonne question mais cela mérite un article plus complet (réservé aux abonnés de ma newsletter).
Pas de contribution, soyez le premier