CE, 5 juin 2020, n° 431994 :

Le champ de visibilité d'un immeuble classé ou inscrit s'apprécie sous deux angles.

Il peut s'agir :

De la visibilité d'un immeuble observé depuis le monument protégé ;

De la covisibilité de l'immeuble et du monument observés depuis un endroit situé à l'extérieur de celui-ci.

L'appréciation du champ de visibilité d'un monument historique relève de la compétence exclusive de l'ABF.

L'exercice de ce contrôle implique un délai d'instruction d'une demande de permis de permis de construire allongée à 4 mois lorsque le terrain d'assiette du projet est situé dans le périmètre de protection d'un immeuble classé ou inscrit (Article R. 423-28, a) du Code de l’urbanisme).

Cette majoration est applicable au regard de la situation de l'immeuble, indépendamment de la question de savoir s'il est effectivement situé dans le champ de visibilité du monument (CAA Lyon, 30 oct. 2012, n° 12LY00591).

La covisibilité du monument et de l'immeuble soumis au régime de protection des abords peut être constatée depuis tout emplacement normalement accessible au public même en dehors du périmètre de 500 mètres.

Dans un récent arrêt, le Conseil d’Etat a précisé, par une interprétation restrictive de l’article L. 621-30 du Code du patrimoine, la notion de covisibilité.

Tout en rappelant qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'encadre la distance entre le point de vue et l'immeuble classé ou inscrit, le Conseil d’Etat juge que ne peuvent être délivrés qu'avec l'accord de l'architecte des Bâtiments de France les permis de construire portant sur des immeubles situés, en l'absence de périmètre délimité, à moins de cinq cents mètres d'un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques, s'ils sont visibles à l'œil nu de cet édifice ou en même temps que lui depuis un lieu normalement accessible au public, y compris lorsque ce lieu est situé en dehors du périmètre de cinq cents mètres entourant l'édifice en cause.

La covisibilité doit par conséquent pouvoir être constatable à l’œil nu et sans requérir à l’utilisation d’aucun appareil à grossissement optique (jumelles, appareil photographique, etc.).

Cette jurisprudence limitera sûrement le nombre de permis de construire soumis à l’avis conforme de l’ABF.

 

Pierre Castéra

 

Avocat

Docteur en droit

pierre.castera-avocat@outlook.fr