Par une décision récente, la Cour de Cassation vient de préciser l’exigence de prévention du harcèlement moral par l’employeur.


En application de l’article L 4121-1 du Code du Travail, l’employeur est tenu de prendre toutes mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés. Ces mesures comprennent notamment des actions de prévention des risques professionnels, d’information et de formation, et la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

Ces principes sont fréquemment mis en œuvre en matière de harcèlement moral. C’est ainsi par exemple que l’employeur est déclaré responsable lorsque, informé du harcèlement exercé sur un salarié par son supérieur hiérarchique, il ne prend aucune mesure propre à remédier à la difficulté. En pareille situation, le contrat de travail est rompu aux torts de l’employeur, lequel est alors tenu d’indemniser le salarié harcelé.

Par un arrêt récent (Cass. Soc. 1er juin 2016, n° 14-19.702), la Cour de Cassation vient toutefois de rappeler a contrario qu’il ne suffit pas pour l’employeur de réagir à une situation avérée pour se voir exonérer de toute responsabilité.

En l’espèce, un salarié, victime de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique, sollicite à ce titre la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur.

Pour rejeter sa demande, la Cour d’Appel considère que par la nature même des faits de harcèlement moral qu'il s'agit de prévenir, le dispositif de prévention ne peut avoir principalement pour objet que de faciliter pour les salariés s'estimant victimes de tels faits la possibilité d'en alerter directement leur employeur ou par l'intermédiaire de représentants qualifiés du personnel. Constatant en l’espèce que l’employeur avait d’une part modifié son règlement intérieur pour y insérer une procédure d’alerte en matière de harcèlement moral, et d’autre part mis en œuvre une enquête interne dès la révélation des faits ainsi qu’une mesure de médiation entre les salariés concernés, la Cour d’Appel considère que l’employeur s’est valablement acquitté de ses obligations et que le contrat ne peut être rompu à ses torts.

Mais la Cour de Cassation ne se satisfait pas de ces démarches. Elle estime en effet qu’il ne résulte pas de ces constatations que l’employeur avait pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L4121-1 et L4121-2 du Code du Travail, parmi lesquelles notamment les actions d’information et de formation propres à prévenir la survenance des faits de harcèlement moral. C’est donc à tort que la Cour d’Appel a rejeté la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur.

A la lecture de cette décision, il apparaît aujourd’hui indispensable pour tout employeur de développer au sein de l’entreprise l’ensemble des mesures de prévention listées par l’article L4121-1 du Code du Travail (en ce comprises l’information et la formation du personnel), et de ne pas se contenter de mesures correctives prises a posteriori lorsque les faits de harcèlement sont portés à sa connaissance. C’est donc à un véritable travail d’audit en la matière que doit se livrer tout chef d’entreprise, afin de dresser l’inventaire des mesures déjà existantes et de celles restant à mettre en œuvre en amont de toute difficulté. En contrepartie de cet effort, l’employeur diligent pourra s’exonérer de sa responsabilité quant aux faits de harcèlement moral commis par l’un de ses collaborateurs sur un autre salarié, en prouvant avoir satisfait aux exigences légales de prévention.