La rémunération variable est souvent utilisée par les employeurs pour motiver leurs salariés à atteindre des objectifs spécifiques. Cependant, la question des conditions de présence peut soulever des problématiques juridiques. En effet, la Cour de cassation a rendu plusieurs arrêts précisant les règles applicables. Cet article explore ces questions en s’appuyant sur les décisions de justice et les dispositions légales pertinentes.
1. Condition de présence pour l’ouverture du droit à la rémunération variable
La Cour de cassation a réaffirmé à plusieurs reprises qu’un élément de la rémunération variable (telles que les primes d’objectifs) peut être subordonné à une condition de présence au moment de l’échéance de la période travaillée. Toutefois, une telle condition ne peut pas s’étendre à une date postérieure, comme celle du versement effectif de la prime (Cass. soc., 29 septembre 2021, n° 13-25.549). Toute clause contraire constituerait une atteinte à la liberté de démissionner.
Exemple concret : Prenons le cas d’une prime annuelle sur objectifs. Si la période de travail correspondante s’étend du 1er janvier au 31 décembre N, et que le contrat de travail exige la présence du salarié au 31 décembre N pour l’ouverture du droit à cette prime, la condition est valable. En revanche, si le salarié a travaillé l’intégralité de la période mais a quitté l’entreprise avant la date de versement effectif (par exemple le 31 mars N+1), l’employeur ne peut pas refuser de verser la prime sous prétexte que le salarié n’était plus dans les effectifs à cette date postérieure.
2. Départ en cours d’exercice et droit à la rémunération variable
Un autre point à examiner est celui du salarié quittant l’entreprise en cours d’exercice. Selon une jurisprudence constante, lorsque le salarié n’a pas travaillé l’intégralité de la période pour laquelle la rémunération variable est due, celle-ci doit lui être versée au prorata de son temps de présence. Cela a été confirmé notamment dans un arrêt de la Cour de cassation du 6 juillet 2022 (n° 21-12.242), où il est précisé que, dans ce cas, la prime sur objectifs reste due en fonction du temps de travail réalisé.
Exemple concret : Si un salarié quitte l’entreprise en juin, en cours d’un exercice annuel de janvier à décembre, il peut prétendre à la rémunération variable au prorata des six premiers mois, sauf disposition contraire explicite dans son contrat de travail.
3. Primes et objectifs non atteints ou non fixés par l’employeur
L’employeur a l’obligation de fixer des objectifs clairs permettant l’attribution de la part variable de la rémunération. Si ces objectifs n’ont pas été fixés ou évalués par l’employeur, le salarié pourrait être en droit de demander le paiement intégral de la prime, même s’il n’a pas reçu une évaluation formelle de ses performances. Cela ressort d’une décision du 8 juillet 2020 (Cass. soc., 8 juillet 2020, n° 18-21.945), où la Cour de cassation a jugé que l’absence d’évaluation des objectifs ne saurait faire obstacle au droit à rémunération.
Exemple concret : Un salarié d’un cabinet de conseil se voit attribuer une prime annuelle basée sur des objectifs commerciaux. Toutefois, au cours de l’année, l’employeur omet de fixer des objectifs spécifiques ou d’évaluer les performances du salarié à la fin de l’année. Ce salarié pourrait alors exiger le versement total de la prime, malgré l’absence d’évaluation officielle de ses résultats.
4. Dispense de préavis et incidence sur la rémunération variable
En cas de rupture du contrat de travail avec une dispense de préavis décidée par l’employeur, le salarié reste éligible au paiement des éléments variables de rémunération dus pour la période de préavis. Selon l’article L. 1234-5 du Code du travail, cette dispense ne peut en aucun cas entraîner une diminution des salaires ou avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail (Cass. soc., 27 juin 2001, n° 98-45.711).
Exemple concret : Un cadre commercial se voit notifier un licenciement avec une dispense de préavis de trois mois. Durant ces trois mois, la période d’évaluation pour l’obtention de sa prime variable court toujours. L’employeur devra verser la prime, même si le salarié n'a pas effectivement travaillé durant cette période de préavis.
5. Nullité du licenciement ou licenciement sans cause réelle et sérieuse
Lorsque le salarié est licencié sans cause réelle et sérieuse, ou que le licenciement est frappé de nullité, la condition de présence au moment du versement d’une prime ne peut lui être opposée. En effet, selon la Cour de cassation (Cass. soc., 26 septembre 2018, n° 17-19.840), la condition de présence est réputée accomplie si l’employeur est à l’origine de la rupture du contrat, empêchant ainsi le salarié de remplir cette condition.
Exemple concret : Une salariée licenciée sans cause réelle et sérieuse se voit refuser le versement de sa prime de performance annuelle, car elle n’était plus en poste au moment du paiement prévu. Suite à l’annulation de son licenciement par le conseil des prud’hommes, l’employeur sera contraint de lui verser cette prime, la condition de présence étant réputée remplie.
6. Bonus discrétionnaire et rémunération variable
Il est également essentiel de faire la distinction entre rémunération variable et bonus discrétionnaire. Le versement de la part variable repose généralement sur l'atteinte d’objectifs spécifiques, tandis que le bonus relève du bon vouloir de l’employeur et peut donc être conditionné à une présence au sein de l’entreprise au moment du versement. Ce bonus discrétionnaire ne crée pas, pour le salarié, un droit automatique au versement, sauf si l’employeur s’est engagé contractuellement ou s’il existe un usage dans l’entreprise.
Exemple concret : Un employé d’une société de services reçoit régulièrement un bonus discrétionnaire en fin d’année, en plus de sa rémunération variable. Cependant, l'année de son départ de l'entreprise, il ne reçoit pas ce bonus. L’employeur n’étant pas lié par une obligation contractuelle ou un usage dans l'entreprise, le salarié ne peut exiger ce paiement, contrairement à la rémunération variable, qui, elle, est encadrée par des objectifs précis.
Questions à poser dans ce cadre :
- Le contrat de travail prévoit-il explicitement une condition de présence à la date de versement de la prime ?
- Les objectifs liés à la rémunération variable ont-ils été fixés et communiqués au salarié de manière claire et objective ?
- En cas de départ en cours d’exercice, le salarié peut-il prétendre à une prime au prorata de son temps de présence ?
- La clause conditionnant le versement de la rémunération variable à la présence à une date postérieure est-elle abusive ?
- Existe-t-il un usage au sein de l’entreprise qui pourrait justifier le versement des primes même en l’absence de disposition contractuelle claire ?
Conclusion :
La jurisprudence montre une volonté claire de protéger les droits des salariés à une rémunération variable liée à une période de travail accomplie. Les employeurs doivent veiller à respecter les conditions d’octroi de ces primes, en fixant des objectifs clairs et en s’assurant que toute condition de présence n’est pas abusive ni postérieure à la période concernée.
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