A moins de s’être engagés à continuer le versement de la prestation compensatoire sous la forme d’une rente, selon les modalités jusqu’alors observées, les héritiers ne peuvent pas agir en révision de celle-ci.
En principe, la prestation est versée sous la forme d’un capital. Lorsque l’époux créancier de la prestation compensatoire justifie d’un état de besoin et sur une décision particulièrement motivée du juge, il peut être décidé qu’elle sera versée sous la forme d’une rente. SI ce choix est fait, une révision par le juge est possible à la faveur du débiteur : le juge pourra en effet décider de réduire ou même de supprimer la prestation compensatoire si le débiteur fait montre d’une modification des charges et revenus des parties. Si le débiteur décède, la loi du 30 juin 2000 prévoit que la rente est convertie en capital unique : les héritiers sont tenus de verser la somme en une fois. Ils peuvent toutefois également décider d’écarter cette possibilité et de maintenir le versement de la prestation compensatoire sous la forme d’une rente.
En l’espèce, un couple divorce en 1991 et l’épouse se voit accorder une prestation compensatoire sous la forme d’une rente viagère. L’époux se remarie et demande la suppression de la prestation compensatoire. Il est débouté en 2009 et décède dans la même année. Sa veuve demande alors la suppression et la révision de la prestation compensatoire tandis que son ex-femme demande sa conversion en capital unique. La Cour d’appel accueille la demande de l’ex-épouse et déboute la veuve, ce que la Cour de Cassation confirme ensuite.
Plusieurs raisons expliquent cette décision.
- Tout d’abord, la convention sur laquelle s’étaient accordé l’homme et son ex-épouse, ensuite homologuée par le juge, prévoyait des modalités de révision de la prestation compensatoire. Les ex-époux ne s’étant pas entendus sur une telle révision et l’homme ayant été débouté dans sa demande de suppression de la prestation compensatoire, la veuve héritière ne peut pas opérer une révision unilatérale du montant dû.
- Par ailleurs, la loi dispose que, par principe, au décès du débiteur, la prestation compensatoire est convertie en capital unique. Dès lors, à moins que ses héritiers n’aient écarté cette possibilité, c'est-à-dire à moins qu’ils aient expressément décidé de continuer à verser la prestation compensatoire sous forme de rente, l’article 276-3 du Code civil ne leur permet pas d’agir en révision.
Cass. Civ. 1ère, 4 nov. 2015
« Mais attendu, d’abord, que c’est sans méconnaître l’autorité de la chose jugée que la cour d’appel a relevé, par motifs propres et adoptés, que la demande de suppression de la prestation compensatoire formée par Gérard B. avait été rejetée par un arrêt du 5 février 2009, que celui ci n’avait pas demandé la révision judiciaire de la rente viagère et que, les parties ne s’étant pas, du vivant de Gérard B., accordées sur une révision de la prestation compensatoire selon les modalités prévues par la convention homologuée, ses héritiers ne pouvaient opérer une révision unilatérale du montant de la rente, non consentie par le créancier ;
Attendu, ensuite, que, par motifs propres et adoptés, l’arrêt rappelle, à bon droit, qu’il résulte des dispositions transitoires de la loi du 26 mai 2004, d’une part, que les articles 280 et 280-1 du code civil, issus de 4 1232 cette loi, sont applicables aux prestations compensatoires allouées avant son entrée en vigueur, sous réserve que la succession du débiteur n’ait pas donné lieu à un partage définitif à cette date, d’autre part, que les dispositions de l’article 276-3 du code civil, issues de la même loi, sont également applicables aux rentes viagères fixées par le juge ou par convention avant son entrée en vigueur, de sorte que l’action en révision n’est plus ouverte aux héritiers lorsque la prestation compensatoire sous forme de rente est capitalisée en raison du décès du débiteur ; que la cour d’appel en a exactement déduit qu’en l’absence d’accord des héritiers pour maintenir les modalités de règlement de la prestation compensatoire sous forme de rente, comme le leur permettait l’article 280-1 du code civil, il devait lui être substitué un capital immédiatement exigible ; »
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