L’avis rendu par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 13/11/2014, qui a amené ensuite une décision rendue par la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation en la matière, ce 10 février 2015, numéro 13-14.779, enlève -et non pas pose- une pierre supplémentaire en matière de droit au respect de la vie privée du salarié.
Désormais, le téléphone portable professionnel peut aussi être examiné par l’employeur, en dehors de la présence du salarié qui l’utilise, pour y rechercher notamment des sms qui, s’ils ne comportement pas la mention explicite « personnel », peuvent constituer des moyens de preuve de déloyauté ou autre du salarié, et ouvrir le droit de l’employeur à sanction.
Pour la Chambre sociale, cela ne constitue pas un procédé déloyal, pas plus qu’une entorse à l’article 9 du Code Civil sur le respect du droit à la vie privée, ni même à l’article 6 paragraphe 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
L’objection technique, pratique selon laquelle un SMS ne comporte pas de champ « OBJET » pour pouvoir préciser que le message est ou non personnel, privé, n’a évidemment pas retenu l’attention de la Cour de Cassation ; et l’on pourra objecter qu’il suffit d’introduire dans son sms ce type de mention « privé », pour rendre ce dernier confidentiel.
Il n’en reste pas moins qu’il est ainsi permis à tout employeur, « dans le dos » de tout salarié, de consulter son téléphone professionnel, pour y lire l’ensemble de ses SMS, donc d’avoir accès potentiel à l’intimité de sa vie privée, avant ensuite de pouvoir « faire le tri » entre ce qui serait exploitable, ou pas, selon l’existence de la mention « privé » ou pas…
L’on répondra là encore qu’un téléphone professionnel n’a pas pour objet, surtout si un règlement intérieur ou une charte le prévoient, de permettre au salarié d’échanger sur la vie privée avec tous tiers…
Mais ceci est en pratique bien difficile…sauf pour un salarié à « jongler » entre deux téléphones portables, l’un professionnel, l’autre personnel !
Les « geeks » imagineront comme seule parade possible à ce type de décision, d’avoir un seul portable avec deux interfaces, l’une privée, l’autre professionnelle, pour rendre cette première opaque à l’employeur.
Mais fallait-il en arriver là ?
Cet Avis de la Chambre Sociale n’entre-t-il pas dans un mouvement jurisprudentiel plus large et profond, qui confine désormais le respect de la vie privée du salariée à des limites qui semblent de plus en plus contenues, voire restreintes ?
Philippe CANO
Avocat au Barreau d’AVIGNON
Associée SCP Corinne CANO et Philippe CANO
Postulant à la Cour d'Appel de NIMES
http://www.avignon-avocats-cano.com/
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