CONTRAT ASSURANCE VIE – CHANGEMENT DE BÉNÉFICIAIRE – NULLITÉ – RESPONSABILITÉ DU DESTINATAIRE DES FONDS ET DE LA BANQUE.

En matière d’assurance vie, il y a une pratique courante aux répercussions certaines : le bénéficiaire d’un contrat d’assurances-vie est changé par le souscripteur au crépuscule de sa vie, alors qu'il est fragilisé par la maladie.

La Cour d’appel de LIMOGES vient de rendre une décision condamnant fermement cette pratique.

La Cour a annulé les avenants désignant un nouveau bénéficiaire au contrat d’assurance vie et ordonné l’exécution des contrats d’assurance-vie suivant leurs dispositions initiales, après avoir relevé:
- une différence importante existant entre les signatures apposées sur ces avenants par rapport à la signature de M. X. figurant sur les documents de comparaison (chèques et contrats d'assurance-vie initiaux),
- que les circonstances dans lesquelles les avenants ont été renseignés et signés demeuraient non seulement incertaines mais suspectes, d'autant qu'il est établi que M. X. n'a pas apposé de sa main la mention 'lu et approuvé' figurant sur ces avenants,
- que M. X., hospitalisé en service 'psy' jusqu'à son décès, n'a pu exprimer valablement sa volonté pendant cette période compte tenu des certificats médicaux versés aux débats faisant état d'un patient désorienté avec pertes complètes des repères, présentant des symptômes de la maladie d'Alzheimer, même s'il est apparu plus cohérent et moins somnolent à la suite de la perfusion qui lui a été faite ce jour-là.

La responsabilité de la Banque et celle du nouveau bénéficiaire ont été retenues. Ils ont été condamnés à verser à la requérante la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice morale subi

Pour justifier sa position, la Cour d’Appel retient :
« La différence d'écriture et de signature sur les avenants constituent des anomalies apparentes qui étaient de nature à alerter la Banque sur l'existence d'une difficulté propre à remettre en cause la validité de ces avenants, et donc le bénéficiaire de ces contrats.
En libérant les fonds au profit de Mme Y. dans un tel contexte, la Banque a agi avec légèreté, en sorte que son paiement ne peut être considéré comme libératoire.
La destinataire des fonds s'est prévalue d'avenants obtenus dans des conditions suspectes et dont elle avait parfaitement conscience qu'ils étaient affectés d'irrégularités formelles (différences d'écriture et de signature, défaut de la mention 'lu et approuvé' de la main du souscripteur) »
« La désinvolture et la légèreté dont a fait preuve le préposé de la banque pour régler la difficulté qui était soumise sont de nature à engager la responsabilité de l'établissement de crédit ».

Cf CA Limoges, 3 mars 2016, RG 14/01114