Le référé interruptif de la prescription quinquennale

 

Cour de cassation - Chambre civile 3

  • N° de pourvoi : 24-14.546
  • ECLI:FR:CCASS:2025:C300466
  • Non publié au bulletin
  • Solution : Cassation partielle sans renvoi

Audience publique du jeudi 25 septembre 2025

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, du 13 décembre 2023

Président

M. Boyer (conseiller doyen faisant fonction de président)

Avocat(s)

SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SARL Cabinet Rousseau et Tapie, SCP Ohl et Vexliard

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CL



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 25 septembre 2025




Cassation partielle sans renvoi


M. BOYER, conseiller doyen faisant fonction de président



Arrêt n° 466 F-D

Pourvoi n° H 24-14.546




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 SEPTEMBRE 2025

1°/ Mme [A] [P], domiciliée [Adresse 3],

2°/ M. [B] [P], domicilié [Adresse 6],

ont formé le pourvoi n° H 24-14.546 contre l'arrêt rendu le 13 décembre 2023 par la cour d'appel de Riom (3e chambre civile et commerciale), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [C] [P], domicilié [Adresse 5],

2°/ à Mme [G] [P], épouse [L], domiciliée [Adresse 2],

3°/ à Mme [I] [F], épouse [H], domiciliée [Adresse 7],

4°/ à M. [O] [H], domicilié [Adresse 8],

5°/ à M. [R] [V], domicilié [Adresse 1],

6°/ à la société Stéphanie Auboyer et Florentine Simand-Lempereur, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Cassou de Saint-Mathurin, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme [A] [P] et de M. [B] [P], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [V] et de la société Stéphanie Auboyer et Florentine Simand-Lempereur, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de M. et Mme [H], après débats en l'audience publique du 9 juillet 2025 où étaient présents M. Boyer, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseiller référendaire rapporteur, Mme Abgrall, conseillère faisant fonction de doyenne, et Mme Maréville, greffière de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 13 décembre 2023), par acte notarié reçu le 6 avril 2012 par M. [V], aux droits duquel est venue la société civile professionnelle Stéphanie Auboyer et Florentine Simand-Lempereur (la SCP), [Y] [P], alors représentée par un clerc de notaire en vertu d'une procuration sous seing privé du 8 mars 2012, a vendu à M. et Mme [H] un appartement et un box au prix de 40 000 euros, outre une rente viagère annuelle convertie en obligation de la nourrir, l'entretenir et la soigner.

2. Cette dernière est décédée le 2 février 2016, laissant pour lui succéder ses neveux, Mmes [G] et [A] [P] et MM. [C] et [B] [P].

3. Par actes des 21 septembre et 10 octobre 2018, Mme [A] [P] et M. [B] [P] ont assigné M. et Mme [H] et la SCP en référé afin d'obtenir communication de la procuration susvisée, demande accueillie par ordonnance du 19 février 2019.

4. Par acte du 5 avril 2022, Mme [A] [P] et M. [B] [P] ont assigné M. et Mme [H], M. [V], la SCP, M. [C] [P] et Mme [G] [P] en nullité de la procuration et de l'acte de vente et en réparation de leurs préjudices matériel et moral.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

5. M. [B] [P] et Mme [A] [P] font grief à l'arrêt de déclarer prescrites leurs demandes contre M. et Mme [H], alors « que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de la prescription jusqu'à l'extinction de l'instance ; qu'en déclarant prescrite l'action engagée contre M. et Mme [H] le 5 avril 2022, cependant qu'il était constant que les consorts [P] avaient délivré une assignation en référé en septembre et en octobre 2018, moins de cinq ans après le 4 février 2016, afin d'obtenir communication de la procuration annexée à l'acte de vente du 6 avril 2012 devant leur permettre de détecter les irrégularités entachant les actes en raison de l'insanité d'esprit dont souffrait [Y] [P], demande accueillie par ordonnance du 19 février 2019, la cour d'appel a violé les articles 2241 et 2242 du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. M. et Mme [H] contestent la recevabilité du moyen comme étant nouveau et mélangé de fait et de droit.

7. Toutefois, le moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, est de pur droit.

8. Il est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 2241, alinéa 1er, et 2242 du code civil :

9. Selon ces textes, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion, jusqu'à l'extinction de l'instance.

10. Il est jugé que, si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions tendent à un même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première (2e Civ., 14 janvier 2021, pourvoi n° 19-20.316, publié).

11. Pour déclarer irrecevables, comme prescrites, les demandes de M. [B] [P] et de Mme [A] [P] contre M. et Mme [H], l'arrêt retient que les premiers avaient connaissance des faits leur permettant d'agir contre les seconds dès le 4 février 2016, date d'un jugement rendu par le tribunal d'instance de Thiers dont il résulte qu'ils étaient informés d'une vente en viager et de procurations de la régularité desquelles ils doutaient.

12. Il en déduit que le délai de prescription pour agir contre M. et Mme [H] en nullité de l'acte de vente litigieux et de la procuration donnée par [Y] [P] pour sa signature ainsi qu'en indemnisation a commencé à courir le 4 février 2016 et que l'action introduite après le 4 février 2021 est prescrite.

13. En statuant ainsi, après avoir relevé que M. [B] [P] et Mme [A] [P] avaient, par actes des 21 septembre et 10 octobre 2018, assigné M. et Mme [H] en référé aux fins de communication de ladite procuration et que cette demande avait été accueillie par ordonnance du 19 février 2019, de sorte que, tendant aux mêmes fins que les demandes au fond relatives au prononcé de la nullité de ladite procuration, de la nullité subséquente de la vente et des demandes en réparation des préjudices résultant des actes nuls, elle était interruptive de prescription, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

14. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

15. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

16. La prescription quinquennale de l'action de M. [B] [P] et Mme [A] [P] contre M. et Mme [H], qui a commencé à courir au plus tôt le 4 février 2016, a été interrompue par la demande de communication de la procuration présentée en référé par les premiers contre les seconds par actes des 21 septembre et 10 octobre 2018, de sorte que la prescription n'était pas acquise à la date de leur assignation au fond du 5 avril 2022.

17. Les demandes présentées par M. [B] [P] et Mme [A] [P] contre M. et Mme [H] sont, par conséquent, recevables.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables, comme prescrites, les demandes formulées par M. [B] [P] et Mme [A] [P] contre M. et Mme [H] et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile dans les rapports entre M. [B] [P] et Mme [A] [P] et M. et Mme [H], l'arrêt rendu le 13 décembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare recevables les demandes présentées par M. [B] [P] et Mme [A] [P] contre M. et Mme [H] ;

Condamne M. et Mme [H] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la Cour de cassation ;

Rejette les demandes formées en première instance et en appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [H] et par M. [V] et la société Stéphanie Auboyer et Florentine Simand-Lempereur et condamne M. et Mme [H] à payer à M. [B] [P] et Mme [A] [P] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-cinq septembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300466

Publié par ALBERT CASTON à 11:49  

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