Dans un arrêt du 10 septembre 2025 (n° 23-21.124) publié au bulletin, la Cour de cassation affirme, au visa de l’article L2141-5, alinéa 1ᵉʳ, du Code du travail, qu’il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

Toute mesure prise par l’employeur contrairement à ces dispositions est considérée comme abusive et donne lieu à dommages et intérêts.
Il en résulte que le seul constat de l’existence d’une discrimination syndicale ouvre droit à réparation
Cet arrêt doit être approuvé.

1) Réponse de la Cour de cassation.

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel de Dijon.

Aux termes de l’article L1134-5 du Code du travail, l’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination. Ce délai n’est pas susceptible d’aménagement conventionnel. Les dommages et intérêts réparent l’entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée.

Selon l’article L2141-5, alinéa 1ᵉʳ, du même code, il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

Aux termes de l’article L2141-8 de ce code, les dispositions des articles L2141-5 à L2141-7 sont d’ordre public.

Toute mesure prise par l’employeur contrairement à ces dispositions est considérée comme abusive et donne lieu à dommages et intérêts.

Il en résulte que le seul constat de l’existence d’une discrimination syndicale ouvre droit à réparation.

Pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral, l’arrêt retient qu’outre le fait qu’il n’apporte aucun élément permettant de justifier de la réalité d’un préjudice, la satisfaction de sa demande tendant à ce qu’il soit jugé qu’il a été victime de discrimination syndicale suffit à réparer le préjudice allégué.

La Cour de cassation renvoie l’affaire devant la Cour d’appel de Besançon.

2) Analyse de la décision de la Cour de cassation.

C’est la première fois à notre connaissance que la Cour de cassation applique la théorie du préjudice nécessaire à la discrimination syndicale.

2.1) Théorie du préjudice nécessaire.

La théorie du préjudice « nécessaire » implique que le salarié victime n’a besoin de démontrer la faute de l’employeur pour être indemnisé.

Avec cette théorie, un préjudice est indemnisable pour un salarié du fait de la seule violation par l’employeur d’une obligation légale.

2.2) Abandon en 2016.

En 2016, la Cour de cassation a abandonné la notion de préjudice nécessaire et exigé la preuve d’un préjudice [11]. Il s’agissait en l’espèce de la remise tardive de documents de rupture (bulletins de paie, certificat de travail).

Par la suite, la Cour de cassation a aussi considéré qu’il n’y avait pas de préjudice automatique en l’absence de visite médicale d’embauche [12] ou en l’absence de document unique d’évaluation des risques [13].

2.3) Retour du préjudice nécessaire dès janvier 2022.

La Cour de cassation a ensuite infléchi sa jurisprudence.

A cet égard, au visa de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 relatif à certains aspects de l’aménagement du temps de travail, la Cour de cassation a affirmé dans un arrêt du 26 janvier 2022 [14] que le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail au cours d’une semaine « ouvre droit à réparation ».

Concernant la durée quotidienne de travail, au visa de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 qui vise à garantir la sécurité et la santé des travailleurs, la Cour de cassation affirme que le seul constat du dépassement de la durée quotidienne maximale de travail ouvre droit à la réparation [15].

Dans un arrêt du 27 septembre 2023 [16], la Cour de cassation étend la théorie du préjudice nécessaire au cas de dépassement de la durée hebdomadaire maximale de travail du travailleur de nuit calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives.

Plus récemment, le fait de contraindre une salariée à travailler pendant son congé de maternité ouvre droit à réparation automatique pour cette dernière [17].

C’est aussi le cas si un salarié travaille pendant son arrêt maladie [18].

En revanche, ne donne pas droit à réparation automatique, pour un salarié, notamment en cas de nullité d’un forfait jours [19], ce dernier devra prouver son préjudice.

4.4) Extension du préjudice nécessaire à la discrimination syndicale.

Dans l’arrêt de la Cour d’appel de Dijon affirmait que

« la satisfaction de sa demande visant à ce qu’il soit jugé qu’il a été victime de discrimination suffit à réparer le préjudice allégué, outre le fait que M. [G] n’apporte aucun élément permettant de justifier de la réalité d’un préjudice ».

La motivation de la Cour d’appel de Dijon était très contestable, le salarié devant se contenter du fait que, dans sa bienveillance, la Cour d’appel reconnaisse la discrimination.

Désormais, en cas de reconnaissance d’une discrimination syndicale, il y aura automatiquement une condamnation de l’employeur au bénéfice du salarié.

Il faut saluer cette jurisprudence qui permet de renforcer la lutte contre les discriminations syndicales.

Les syndicats s’engagent pour défendre les salariés.

Il est nécessaire que les salariés protégés bénéficient du principe de réparation automatique en cas de discrimination, sans avoir à démontrer un préjudice.

Sources.

Pour lire l’intégralité de la brève, cliquez sur le lien ci-dessous

https://www.village-justice.com/articles/discrimination-syndicale-salarie-prejudice-necessaire-qui-ouvre-droit,54590.html

Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

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