Selon l’article L 123-15 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) : «Le locataire d'une parcelle atteinte par l'aménagement foncier agricole et forestier a le choix ou d'obtenir le report des effets du bail sur les parcelles acquises en échange par le bailleur, ou d'obtenir la résiliation totale ou partielle du bail, sans indemnité, dans la mesure où l'étendue de sa jouissance est diminuée par l'effet de l'aménagement foncier agricole et forestier».

Pour qu’un échange amiable puisse être assimilé à une opération d’aménagement foncier agricole, deux conditions doivent être remplies  (art. L 124-3, al.2) :

  1. les immeubles échangés doivent être ruraux , c’est-à-dire affectés à la production agricole ou à la production forestière.
  2. ils doivent également :
    1. être situés dans un même canton.
    2. ou dans un canton et une commune limitrophe à ce dernier.
    3. à défaut, être contigüs.

Si ces deux conditions sont réunies, ce sont les dispositions de l'article L 123-15 qui s'appliquent (par renvoi de l'article L 124-1 alinéa 1er).

Ainsi, en cas d'échange en propriété des parcelles, le preneur dispose donc d’une option entre :

  • l’acceptation du report de son bail sur les parcelles attribuées à son bailleur (en effet, le preneur est titulaire d'un droit personnel et, à ce titre, engagé vis-à-vis de son bailleur. Il semble donc logique que l'échange soit sans incidence sur le cocontractant originaire).

et

  • la résiliation totale ou partielle de son bail (sans indemnité cependant). En effet, il se peut que les parcelles reçues en échange par le bailleur améliore la structure de la propriété de ce dernier, mais désavantage la structure de l'exploitation du preneur.

Si l’échange ne remplit pas les deux conditions ci-dessus, il s’agit alors d’un échange de droit commun, régi par les articles 1702 à 1707 du Code civil. En particulier, ce sont les règles de la vente qui s’appliquent. De sorte que, dans ce cas, le preneur conserve le bail sur les parcelles originairement louées et «change» de bailleur.

Indifférence de la nature du bail.

Peu importe qu’il ne s’agisse pas d’un bail statutaire dès lors que la convention d’exploitation constitue un bail (bail de « petites parcelles », bail d’un an, bail pastoral, …). Seules doivent être exclues les conventions d’occupation précaires (qui ne constituent pas des baux).

Nécessité d’une notification par le bailleur au preneur au titre du choix qui s’offre à lui.

Le preneur n'encourt aucune sanction tant que le bailleur ne lui a pas notifié l'échange, en lui indiquant le choix qui s'offre à lui à cette occasion.

Délai pour répondre.

La réponse du preneur n’est encadrée par aucun délai. On peut, toutefois, considérer que la réponse doit intervenir dans un délai raisonnable.

En tout état de cause, le preneur ne peut prendre position que dès lors qu’il a connaissance des conditions apportées au bail (notamment l'identification précises des parcelles qui lui sont proposées en échange et, éventuellement, le nouveau montant du fermage).

La réponse peut être tacite.

La prise de possession effective par le locataire des parcelles attribuées au bailleur peut s’analyser comme une manifestation de la volonté du preneur d'exercer son droit au bail sur les parcelles reçues en échange.

Inversement, le fait, pour le preneur, de laisser le fonds (qui lui est proposé) inculte doit être considéré comme emportant le choix de la résiliation du bail.

Situation du fonds loué à plusieurs preneurs.

Lorsque des parcelles exploitées par plusieurs preneurs font l’objet d’un aménagement foncier global, le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux est compétent pour statuer sur la répartition entre les différents exploitants, à défaut d’accord pour fixer les droits respectifs des preneurs sur le terrain attribué au propriétaire. La solution est la même en cas d'échange.

La solution est la même lorsque le fonds échangé n’est loué que pour une partie au preneur. Dans ce cas, ce n’est pas au propriétaire du bail de décider, à sa seule initiative, parmi les parcelles qui lui sont attribuées, celles qui feront l’objet du report du bail au profit du preneur et celles qu’il peut exploiter lui-même. Il convient, alors, dans ce cas, de saisir le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux pour trancher, à défaut d'accord.

Révision (éventuelle) du montant du fermage.

L'échange  peut être une cause de modification du montant du fermage. Soit à la hausse (si les parcelles reçues sont de meilleure qualité que celles qui ont été cédées). Soit à la baisse (dans le cas inverse).

Notification au preneur au titre du droit d'opposition - Homologation par le Tribunal judiciaire en cas d’opposition du preneur

L'échange doit donc être notifié au preneur puisque ce dernier dispose du droit de s'opposer à l'échange (au même titre que  les titulaires de droit réel).

En cas d’opposition de ce dernier, l’échange est soumis à homologation – ou non – par le Président du tribunal judiciaire qui statue alors par voie d'ordonnance (art. L 124-1 al. 2 du CRPM).

Dans ce cas, le tribunal doit notamment apprécier si l'échange ne fait pas obstacle à l'exercice par le preneur de ses droits issus du bail. En cas de refus d’homologation, l’échange ne peut se réaliser.

Sort de l’indemnité au preneur sortant en cas d'améliorations apportées au fonds par ce dernier : une question en suspens.

La loi est muette sur le sort de l'indemnité due au preneur qui a procédé, avant l'échange, à des améliorations au fonds. C'est le nouveau propriétaire (co-échangiste) des parcelles ainsi améliorées qui en profitera et, par ricochet, le preneur de ce dernier (dans l'éventualité où le co-échangiste avait également loué ses terres par bail).

L'équité voudrait que l'indemnité soit réglée au moment du report du bail sur les nouvelles parcelles, c'est-à-dire au moment de l'échange quand bien même le preneur exerce l'option pour le report du bail. Mais, cette faculté se heurte au fait que la loi ne prévoit l'exigibilité de cette indemnité qu'en fin de bail. Or, le report du bail sur les nouvelles parcelles n'a pas pour effet de mettre fin au bail.

De sorte que le bailleur ne sera, finalement, redevable d'aucune indemnité à l'égard du preneur en fin du bail, puisque les nouvelles parcelles (sur lesquelles porte dorénavant le bail) ne sont pas celles qui ont été améliorées.

Seule l'option pour la résiliation du bail, solution radicale, permettrait au preneur de rendre exigible ladite indemnité.