Les règlements adoptés depuis le début de « l’état d’urgence sanitaire » ont été presque tous abrogés par ceux du lundi 23 mars, publiés au Journal Officiel le lendemain matin. Les nouvelles dispositions reprennent néanmoins peu ou prou celles qui préexistaient puisque les arrêtés et décrets du lundi 23 mars n’ont été pris que pour satisfaire aux injonctions reçues par le Premier ministre et le Ministre de la santé. 

 

En effet, Conseil d’Etat ayant été saisi par une requête en référé du Syndicat des jeunes médecins visant à contraindre le Gouvernement à ordonner un confinement beaucoup plus strict (étant observé que le Conseil national de l’Ordre des médecins est intervenu volontairement à cette procédure pour soutenir ce syndicat), il a rendu une ordonnance le dimanche 22 mars au soir, rejetant les mesures audacieuses sollicitées par le corps médical, tout en soulignant l’imprécision et le caractère ambigu des exceptions à l’interdiction de déplacement prévues par le décret n° 2020-260 du 16 mars 2020.

 

Ainsi, le Conseil d’Etat a « enjoint au Premier Ministre et au Ministre de la santé de prendre, dans les quarante-huit heures les mesures suivantes :

  • préciser la portée des dérogations au confinement pour raison de santé ;
  • réexaminer le maintien de la dérogation pour « déplacements brefs, à proximité du domicile » compte tenu des enjeux majeurs de santé publique et de la consigne de confinement ;
  • évaluer les risques pour la santé publique du maintien en fonctionnement des marchés ouverts, compte tenu de leur taille et de leur niveau de fréquentation. »

 

Afin de remédier à la carence rédactionnelle mise en lumière par le Conseil d’Etat (laquelle est en tout état de cause inconstitutionnelle puisque contraire au principe de la légalité des délits et des peines, imposant une définition précise et non ambiguë des infractions pénales), le Gouvernement a pris le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020, en abrogeant le précédent n° 2020-260 du 16 mars 2020.

 

Désormais, en application de l’article 3 du décret n° 2020-293 : « Jusqu’au 15 avril 2020, tout déplacement de personne hors de son domicile est interdit à l’exception [notamment] des déplacements pour motif de santé à l’exception des consultations et soins pouvant être assurés à distance et, sauf pour les patients atteints d’une affection de longue durée, de ceux qui ne peuvent être différés ; »

 

Si l’on peut regretter la rédaction perfectible de cette disposition, il convient toutefois de retenir que les patients sont autorisés à se rendre dans un cabinet médical ou paramédical qu’à la double condition cumulative que la consultation et/ou le soin soit impossible à réaliser par téléconsultation et urgente (ou, à tout le moins, insusceptible d’être différé), étant observé que la seconde condition est supprimée pour les patients atteints d’une affection de longue durée.

 

Autrement dit, pour ne pas se rendre complices des infractions qui pourraient être commises par les patients, depuis le 24 mars 2020 et jusqu’à la fin du confinement, les professionnels et auxiliaires de santé devraient théoriquement annuler toutes les consultations présentielles susceptibles d’être assurées à distance ainsi que celles non urgentes (sauf lorsqu’elles concernent des patients atteints d’une affection de longue durée). 

 

Sur ce dernier point, l’urgence mérite d’être appréciée au regard de la faculté offerte aux pharmaciens par les articles 4 et 5 de l’arrêté du 23 mars de dispenser certains traitements lorsque la durée de validité d’une ordonnance renouvelable est expirée, et ce, afin d'éviter toute interruption de traitement préjudiciable à la santé du patient. Sont notamment concernés les traitements chroniques, les substances à propriétés hypnotiques ou anxiolytiques, les opiacés à base de méthadone et les médicaments stupéfiants, étant observé que les conditions de dispensation varient selon le type de produit concerné.

 

Enfin, bien qu’aucun texte réglementaire n’impose la fermeture des cabinets médicaux et paramédicaux et que les préconisations émises par les Conseils des Ordres des professions concernées varient significativement, tous imposent aux professionnels et auxiliaires de santé de prendre toutes les mesures propres à limiter la propagation du Covid-19 notamment entre patients (par exemple : en privilégiant les téléconsultations, en distinguant les zones d’attente ou en prévoyant des créneaux horaires destinés aux patients susceptibles d’être atteints du virus).

 

D’ailleurs, ceux qui omettraient de s’en soucier pourraient se voir reprocher un manquement déontologique (pour les médecins, la violation de l’article R. 4127-40 du code de la santé publique prévoyant que « Le médecin doit s’interdire, dans les investigations et interventions qu’il pratique comme dans les thérapeutiques qu’il prescrit, de faire courir au patient un risque injustifié ») passible d’une sanction disciplinaire.

 

Si, l’engagement d’une responsabilité – qu’elle soit pénale, civile ou disciplinaire – semble très théorique, ce risque ne doit pas être négligé, tout comme celui de transmission du Covid-19 entre les patients d’un même Cabinet ou Centre médical et/ou paramédical.

 

Mylène BERNARDON, 

Avocate à la Cour