Le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ne relève pas de l'article 1792-4-3 du code civil, mais de l'article 2224 et se prescrit par cinq ans...
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 20-14.639
- ECLI:FR:CCASS:2021:C300309
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du jeudi 01 avril 2021
Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, du 15 janvier 2020
Président
M. Chauvin (président)
Avocat(s)
SCP Boulloche, SCP Didier et Pinet, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er avril 2021
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 309 F-D
Pourvoi n° A 20-14.639
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER AVRIL 2021
La société Gilbert Autret architecture, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° A 20-14.639 contre l'arrêt rendu le 15 janvier 2020 par la cour d'appel d'Orléans (chambre des urgences), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Etablissements Coulmeau, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
2°/ à la [...] , société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
3°/ à la société [...] , société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
4°/ à la société Antares, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
5°/ à la société Eiffage construction Centre, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
6°/ à la société Bureau Veritas exploitation, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] ,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Boulloche, avocat de la société Gilbert Autret architecture, de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société Eiffage construction Centre, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société [...] , après débats en l'audience publique du 2 mars 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 15 janvier 2020), rendu en référé, la société Gilbert Autret architecture (l'architecte), ayant assuré la maîtrise d'oeuvre de la construction [...], dont la réception est intervenue le 11 décembre 2007, a été assignée le 7 décembre 2017, en référé-expertise, par le syndicat des copropriétaires [...], se plaignant de désordres.
2. Le 7 février 2019, l'architecte a assigné les autres constructeurs pour leur voir déclarer commune l'expertise diligentée à la suite de l'ordonnance du 16 mars 2018 ayant accueilli la demande du syndicat des copropriétaires.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La société Gilbert Autret architecture fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à ce que l'ordonnance de référé prescrivant une expertise soit déclarée commune et opposable aux autres constructeurs, alors « que le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relève non de l'article 1792-4-3 du code civil mais de l'article 2224 du code, et se prescrit donc par cinq ans à compter du jour où le requérant a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, la société Gilbert Autret architecture a soutenu que les recours entre constructeurs devaient être soumis aux délais réservés aux actions en responsabilité civile de droit commun, donc à l'article 2224 du code civil, de sorte que son recours contre les autres constructeurs était recevable ; qu'en décidant, pour rejeter ce recours, qu'il était soumis à l'article 1792-4-3 du code civil, le délai de forclusion qu'il prévoit étant applicable à tous les recours entre constructeurs, la cour d'appel a violé les articles 1792-4-3 et 2224 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1792-4-3 et 2224 du code civil :
4. Il résulte de ces textes que le recours d'un constructeur contre un autre constructeur, qui ne peut être fondé sur la garantie décennale, ne relève pas de l'article 1792-4-3 du code civil, mais de l'article 2224 du même code et se prescrit par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action.
5. Pour rejeter la demande de l'architecte contre les autres constructeurs, l'arrêt retient que le délai de forclusion, prévu à l'article 1792-4-3 du code civil, est applicable à toute action dirigée contre les constructeurs et à tous les recours entre constructeurs, quel que soit le fondement juridique y compris extra-contractuel, et court dans tous les cas à compter de la réception des travaux et non à compter de la date à laquelle celui qui l'exerce a été assigné par le maître de l'ouvrage.
6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deux dernières branches du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de la cour d'appel d'Orléans ;
Renvoie remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne les sociétés Etablissements Coulmeau, Etablissements J... U..., C... E..., Antarès, Eiffage construction Centre et Bureau Veritas exploitation aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
CIV. 3
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er avril 2021
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 309 F-D
Pourvoi n° A 20-14.639
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER AVRIL 2021
La société Gilbert Autret architecture, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° A 20-14.639 contre l'arrêt rendu le 15 janvier 2020 par la cour d'appel d'Orléans (chambre des urgences), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Etablissements Coulmeau, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
2°/ à la [...] , société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
3°/ à la société [...] , société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
4°/ à la société Antares, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
5°/ à la société Eiffage construction Centre, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
6°/ à la société Bureau Veritas exploitation, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] ,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Boulloche, avocat de la société Gilbert Autret architecture, de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société Eiffage construction Centre, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société [...] , après débats en l'audience publique du 2 mars 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 15 janvier 2020), rendu en référé, la société Gilbert Autret architecture (l'architecte), ayant assuré la maîtrise d'oeuvre de la construction [...], dont la réception est intervenue le 11 décembre 2007, a été assignée le 7 décembre 2017, en référé-expertise, par le syndicat des copropriétaires [...], se plaignant de désordres.
2. Le 7 février 2019, l'architecte a assigné les autres constructeurs pour leur voir déclarer commune l'expertise diligentée à la suite de l'ordonnance du 16 mars 2018 ayant accueilli la demande du syndicat des copropriétaires.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La société Gilbert Autret architecture fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à ce que l'ordonnance de référé prescrivant une expertise soit déclarée commune et opposable aux autres constructeurs, alors « que le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relève non de l'article 1792-4-3 du code civil mais de l'article 2224 du code, et se prescrit donc par cinq ans à compter du jour où le requérant a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, la société Gilbert Autret architecture a soutenu que les recours entre constructeurs devaient être soumis aux délais réservés aux actions en responsabilité civile de droit commun, donc à l'article 2224 du code civil, de sorte que son recours contre les autres constructeurs était recevable ; qu'en décidant, pour rejeter ce recours, qu'il était soumis à l'article 1792-4-3 du code civil, le délai de forclusion qu'il prévoit étant applicable à tous les recours entre constructeurs, la cour d'appel a violé les articles 1792-4-3 et 2224 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1792-4-3 et 2224 du code civil :
4. Il résulte de ces textes que le recours d'un constructeur contre un autre constructeur, qui ne peut être fondé sur la garantie décennale, ne relève pas de l'article 1792-4-3 du code civil, mais de l'article 2224 du même code et se prescrit par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action.
5. Pour rejeter la demande de l'architecte contre les autres constructeurs, l'arrêt retient que le délai de forclusion, prévu à l'article 1792-4-3 du code civil, est applicable à toute action dirigée contre les constructeurs et à tous les recours entre constructeurs, quel que soit le fondement juridique y compris extra-contractuel, et court dans tous les cas à compter de la réception des travaux et non à compter de la date à laquelle celui qui l'exerce a été assigné par le maître de l'ouvrage.
6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deux dernières branches du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de la cour d'appel d'Orléans ;
Renvoie remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne les sociétés Etablissements Coulmeau, Etablissements J... U..., C... E..., Antarès, Eiffage construction Centre et Bureau Veritas exploitation aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
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