Le dommage né d'un manquement aux obligations d'information et de conseil dues à l'assuré sur l'adéquation de la garantie souscrite à ses besoins se réalise au moment du refus de garantie opposé par l'assureur

 

 

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 10 mars 2022




Rejet


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 251 FS-B

Pourvoi n° N 20-16.237




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 MARS 2022

1°/ M. [U] [K], domicilié [Adresse 3],

2°/ la société Pépinières Bernard, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° N 20-16.237 contre l'arrêt rendu le 12 février 2020 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [L] [M], domicilié [Adresse 1],

2°/ à la société CGPA, société d'assurance mutuelle, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guého, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de M. [K] et de la société Pépinières Bernard, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de M. [M] et de la société CGPA, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Guého, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, MM. Besson, Martin, Mme Chauve, conseillers, MM. Talabardon, Ittah, Pradel, Mme Brouzes, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 12 février 2020), la société Moulin d'Andrieux a acquis des plants de pruniers auprès de la société Pépinières [K] et a constaté une croissance anormalement faible de son verger.

2. Après avoir obtenu en référé la désignation d'un expert, elle a assigné en indemnisation M. [K] et la société Pépinières [K], lesquels ont appelé en garantie leur assureur, la société AGF devenue Allianz IARD (l'assureur).

3. Par arrêt du 7 mai 2012, la cour d'appel d'Agen a condamné M. [K] et la société Pépinières [K] à payer certaines sommes à la société Moulin d'Andrieux en réparation de ses préjudices et a mis hors de cause l'assureur.

4. Le 30 décembre 2014 et le 7 janvier 2015, M. [K] et la société Pépinières [K] ont assigné en indemnisation M. [M], agent général de l'assureur, ainsi que l'assureur de ce dernier, la société CGPA, pour manquement à son devoir de conseil lors du renouvellement, en 2006, des contrats souscrits en 1989 et 1993.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. M. [K] et la société Pépinières [K] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite leur action diligentée contre M. [M] et la société CGPA, alors « que le délai de prescription de l'action en responsabilité exercée contre l'agent général d'assurances pour manquement à son devoir de conseil court à compter du dommage subi par l'assuré consacré par la décision en force de chose jugée condamnant ce dernier à réparation ; qu'en jugeant que le délai de prescription commençait à courir du jour du refus de garantie invoqué par l'assureur en 2008 quand, à cette date, M. [K] et la société Pépinières [K] n'étaient pas en mesure de connaître le dommage résultant du manquement de l'agent général et que seule la décision de condamnation de la cour d'appel d'Agen du 7 mai 2012 lui conférait un caractère certain, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. Il résulte des articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce que les actions personnelles ou mobilières entre commerçants et non commerçants se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

8. Le dommage né d'un manquement aux obligations d'information et de conseil dues à l'assuré sur l'adéquation de la garantie souscrite à ses besoins se réalise au moment du refus de garantie opposé par l'assureur.

9. Il s'ensuit que le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité engagée par l'assuré contre le débiteur de ces obligations se situe au jour où il a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance du refus de garantie.

10. Après avoir énoncé à bon droit que le délai de prescription de l'action en responsabilité contre l'agent général d'assurance pour manquement à son obligation de conseil vis-à-vis de l'assuré court à compter de la notification par l'assureur du refus de garantie à l'assuré, qui est alors en capacité de prendre conscience des conséquences de cette décision et d'apprécier la suite à y donner, la cour d'appel a souverainement retenu que M. [K] et la société Pépinières [K] avaient su dès 2008 que l'assureur ne couvrait plus le sinistre déclaré, faute pour eux d'avoir souscrit en 2006 un contrat garantissant l'activité professionnelle de pépiniériste, et que l'agent général avait pu vendre un contrat inadapté. Elle en a exactement déduit que le point de départ de la prescription de l'action exercée contre ce dernier devait être fixé à cette date, et non pas à celle de la condamnation de l'assuré par l'arrêt du 7 mai 2012.

11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [K] et la société Pépinières [K] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [K] et la société Pépinières [K] et les condamne à payer à M. [M] et à la société CGPA la somme globale de 3 000 euros ;