Un désordre connu du maître de l'ouvrage dans toute son ampleur et, partant dans ses conséquences, avant la réception, est couvert par une réception sans réserve
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 21-13.441
- ECLI:FR:CCASS:2022:C300436
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 25 mai 2022
Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, du 14 janvier 2021
Président
Mme Teiller (président)
Avocat(s)
SARL Delvolvé et Trichet, SARL Le Prado - Gilbert, SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SAS Buk Lament-Robillot, SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, SCP Gadiou et Chevallier, SCP Le Bret-Desaché
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 25 mai 2022
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 436 F-D
Pourvoi n° U 21-13.441
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2022
La société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), dont le siège est [Adresse 11], a formé le pourvoi n° U 21-13.441 contre l'arrêt rendu le 14 janvier 2021 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 8],
2°/ à M. [E] [T], domicilié [Adresse 6],
3°/ à M. [L] [Y], domicilié [Adresse 7],
4°/ à M. [U] [Y], domicilié [Adresse 4],
5°/ à la société Geslodis, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 14],
6°/ à la société Finamur, société anonyme, dont le siège est [Adresse 10], et actuellement [Adresse 3],
7°/ à la société Bertrand Leroy Martin, société anonyme, dont le siège est [Adresse 13],
8°/ à la société d'assurances Allianz IARD, dont le siège est [Adresse 2],
9°/ au groupement d'intérêt économique (GIE) Ceten Apave international, dont le siège est [Adresse 5],
10°/ à la société Nord Dallages, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 9],
11°/ à la société Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres, dont le siège est [Adresse 12], prise en la personne de son mandataire général en France la société Lloyd's France,
12°/ à la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole de Paris Val-de-Loire, dont le siège est [Adresse 1], (Groupama Val-de-Loire),
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Geslodis, de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Finamur, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole de Paris Val-de-Loire, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société d'assurances Allianz IARD, de la SCP Le Bret-Desaché, avocat du GIE Ceten Apave international et de la société Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Bertrand Leroy Martin, après débats en l'audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 14 janvier 2021, rectifié le 4 mars 2021), le 25 juillet 2000, la société Ucabail immobilier, aux droits de laquelle vient la société Finamur, crédit-bailleur, a conclu avec la société civile immobilière Geslodis (la SCI), crédit-preneur, un contrat de crédit-bail immobilier portant sur la construction d'un bâtiment à usage de stockage.
2. La société Ucabail immobilier a souscrit, en sa qualité de maître de l'ouvrage, une assurance dommages-ouvrage auprès de la société Axa France IARD (la société Axa).
3. La maîtrise d'oeuvre a été confiée à M. [Y], assuré auprès de la société AGF, devenue Allianz IARD.
4. Sont notamment intervenus à l'opération de construction, au titre du lot bardage et couverture, la société Ser, désormais en liquidation judiciaire, assurée auprès de la SMABTP, puis, à la suite de l'abandon de chantier par celle-ci, la société Bertrand Leroy Martin (la société BLM), assurée auprès de la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Paris Val-de-Loire (la société Groupama) et, en qualité de contrôleur technique, le groupement d'intérêt économique Ceten Apave international (l'Apave), assuré auprès de la société Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres (la Lloyd's).
5. Le procès-verbal de réception des travaux de couverture et de bardage a été signé le 6 novembre 2001 sans réserve.
6. Le 26 septembre 2016, la SCI est devenue propriétaire de l'ouvrage.
7. Se plaignant de désordres de condensation et d'infiltrations, la société Finamur et la SCI ont, après expertise, assigné en indemnisation la société Axa, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, laquelle a appelé en garantie les intervenants à l'acte de construire et leurs assureurs.
Examen des moyens
Sur les premier et quatrième moyens, ci-après annexés
8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
9. La SMABTP fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec M. [Y], à payer une certaine somme à la société Axa, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, au titre des travaux réparatoires, alors « que le désordre, connu du maître de l'ouvrage, est couvert par une réception sans réserves, de sorte que la responsabilité décennale de l'entreprise de travaux n'est pas engagée à l'égard du maître d'ouvrage, et la garantie de l'assureur de responsabilité décennale n'est pas mobilisable ; que la SMBATP faisait valoir, dans ses conclusions, que les désordres de nature décennale avaient été constatés avant la réception, en l'état des constatations de l'huissier de justice qui indiquait qu'« il est visible que la toiture présente une mauvaise étanchéité. L'eau s'infiltre à de nombreux endroits et inonde le sol. Je constate des retenues d'eau? », et que le nombre et l'importance des infiltrations telles que décrites par l'huissier et confirmés expressément par l'expert judiciaire, ne permettaient en aucune manière de faire valoir qu'elles n'auraient pas été perçues dans toute leur étendue et leurs conséquences par la société Geslodis ; que, pour décider que la SMABTP devait sa garantie au titre des désordres décennaux affectant l'ouvrage, la cour d'appel se borne à énoncer que les travaux ont été réceptionnés sans réserve par procès-verbal de réception dressé contradictoirement le 6 novembre 2001 et que la société Ser est de plein droit responsable des désordres de nature décennale dont l'origine se trouve dans son activité ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le maître d'ouvrage connaissait l'existence des désordres affectant l'ouvrage bien avant la réception sans réserve du 6 novembre 2001, de sorte que la responsabilité décennale de la société Ser ne pouvait être recherchée, ni la garantie de son assureur à ce titre mise en oeuvre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil, ensemble l'article L. 241-1 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1792 du code civil et L. 241-1 du code des assurances :
10. Il résulte de ces textes qu'un désordre ne peut engager la responsabilité décennale du locateur d'ouvrage et déterminer la mise en oeuvre de la garantie obligatoire de son assureur que s'il est apparu après réception.
11. Il est jugé qu'un désordre connu du maître de l'ouvrage dans toute son ampleur et, partant dans ses conséquences, avant la réception, est couvert par une réception sans réserve (3e Civ., 27 mars 2012, pourvoi n° 11-15.468).
12. Pour condamner la SMABTP, en sa qualité d'assureur de responsabilité décennale de la société Ser, à payer une certaine somme à la société Axa, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, l'arrêt retient que les désordres d'infiltrations d'eau ayant pour origine les défauts affectant la toiture et les bardages, ainsi que les phénomènes d'engorgement, refoulement ou débordement provoqués par la section insuffisante des gouttières, tuyaux de descente d'eau et du réseau enterré d'évacuation des eaux pluviales compromettent la solidité de l'ouvrage et le rendent impropre à sa destination et que, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre les désordres décennaux avant réception et les désordres décennaux après réception, ils engagent de plein droit la responsabilité de la société Ser, chargée du lot bardage et couverture, et la garantie décennale de son assureur, la SMABTP.
13. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le maître de l'ouvrage n'avait pas eu connaissance de tout ou partie de ces désordres avant la réception prononcée sans réserve, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
14. La SMABTP fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la SCI, in solidum avec M. [Y], une certaine somme au titre de la perte des loyers, alors « que l'assurance obligatoire de la responsabilité du constructeur, qui garantit le paiement des travaux de réparation de l'ouvrage à la réalisation duquel l'assuré a contribué, ne s'étend pas, sauf stipulation contraire, aux dommages « immatériels », c'est-à-dire consécutifs aux désordres de l'ouvrage ; qu'en affirmant que la SMABTP, assureur de responsabilité décennale, devait être condamnée au paiement de la perte des loyers subie par la société Geslodis, dès lors qu'avait été déclarée engagée la responsabilité de son assurée, et qu'il n'était pas établi que la SMABTP ne la garantissait pas de ce chef, sans caractériser la stipulation contractuelle par laquelle la SMABTP se serait engagée à garantir son assurée du paiement des dommages immatériels consécutifs aux désordres de l'ouvrage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 241-1 et A. 243-1 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 241-1 et A. 243-1 du code des assurances :
15. Il résulte de ces textes que l'assurance obligatoire de la responsabilité du constructeur, qui garantit le paiement des travaux de réparation de l'ouvrage à la réalisation duquel l'assuré a contribué, ne s'étend pas, sauf stipulation contraire, aux dommages immatériels consécutifs aux désordres de l'ouvrage.
16. Pour condamner la SMABTP à payer à la SCI une certaine somme au titre de la perte de loyers, l'arrêt retient qu'il n'est pas établi que la SMABTP ne garantit pas son assurée de ce chef.
17. En se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si ce préjudice était couvert par la police, dont les conditions particulières et générales étaient produites, n'a pas donné de base légale à sa décision.
Mise hors de cause
18. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause l'Apave, la Lloyd's et les sociétés BLM, Finamur et Allianz, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
19. En application de ce même texte, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la SCI, dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, l'arrêt rendu le 14 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens, mais seulement :
- en ce qu'il condamne la SMABTP, in solidum avec M. [Y], à payer à la société Axa France IARD, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, la somme de 292 672,96 euros au titre des travaux réparatoires,
- en ce qu'il condamne la SMABTP, in solidum avec M. [Y], à payer à la société civile immobilière Geslodis la somme de 32 976,16 euros au titre de la perte des loyers,
- en ce qu'il dit que la SMABTP sera tenue dans les limites contractuelles de la police souscrite,
- en ses dispositions condamnant la SMABTP à payer, in solidum avec M. [Y], à la société civile immobilière Geslodis des indemnités en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et pour la procédure d'appel et la condamnant aux dépens,
- en ce qu'il fixe, dans les rapports entre coobligés, la contribution à la dette sur ces sommes à hauteur de 10 % pour M. [Y] et 90 % pour la SMBATP ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Met hors de cause la société Bertrand Leroy Martin, le groupement d'intérêt économique Ceten Apave international, la société Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres et la société Allianz IARD ;
Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société civile immobilière Geslodis ;
Condamne la société Axa France IARD aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 25 mai 2022
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 436 F-D
Pourvoi n° U 21-13.441
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2022
La société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), dont le siège est [Adresse 11], a formé le pourvoi n° U 21-13.441 contre l'arrêt rendu le 14 janvier 2021 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 8],
2°/ à M. [E] [T], domicilié [Adresse 6],
3°/ à M. [L] [Y], domicilié [Adresse 7],
4°/ à M. [U] [Y], domicilié [Adresse 4],
5°/ à la société Geslodis, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 14],
6°/ à la société Finamur, société anonyme, dont le siège est [Adresse 10], et actuellement [Adresse 3],
7°/ à la société Bertrand Leroy Martin, société anonyme, dont le siège est [Adresse 13],
8°/ à la société d'assurances Allianz IARD, dont le siège est [Adresse 2],
9°/ au groupement d'intérêt économique (GIE) Ceten Apave international, dont le siège est [Adresse 5],
10°/ à la société Nord Dallages, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 9],
11°/ à la société Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres, dont le siège est [Adresse 12], prise en la personne de son mandataire général en France la société Lloyd's France,
12°/ à la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole de Paris Val-de-Loire, dont le siège est [Adresse 1], (Groupama Val-de-Loire),
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Geslodis, de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Finamur, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole de Paris Val-de-Loire, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société d'assurances Allianz IARD, de la SCP Le Bret-Desaché, avocat du GIE Ceten Apave international et de la société Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Bertrand Leroy Martin, après débats en l'audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 14 janvier 2021, rectifié le 4 mars 2021), le 25 juillet 2000, la société Ucabail immobilier, aux droits de laquelle vient la société Finamur, crédit-bailleur, a conclu avec la société civile immobilière Geslodis (la SCI), crédit-preneur, un contrat de crédit-bail immobilier portant sur la construction d'un bâtiment à usage de stockage.
2. La société Ucabail immobilier a souscrit, en sa qualité de maître de l'ouvrage, une assurance dommages-ouvrage auprès de la société Axa France IARD (la société Axa).
3. La maîtrise d'oeuvre a été confiée à M. [Y], assuré auprès de la société AGF, devenue Allianz IARD.
4. Sont notamment intervenus à l'opération de construction, au titre du lot bardage et couverture, la société Ser, désormais en liquidation judiciaire, assurée auprès de la SMABTP, puis, à la suite de l'abandon de chantier par celle-ci, la société Bertrand Leroy Martin (la société BLM), assurée auprès de la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Paris Val-de-Loire (la société Groupama) et, en qualité de contrôleur technique, le groupement d'intérêt économique Ceten Apave international (l'Apave), assuré auprès de la société Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres (la Lloyd's).
5. Le procès-verbal de réception des travaux de couverture et de bardage a été signé le 6 novembre 2001 sans réserve.
6. Le 26 septembre 2016, la SCI est devenue propriétaire de l'ouvrage.
7. Se plaignant de désordres de condensation et d'infiltrations, la société Finamur et la SCI ont, après expertise, assigné en indemnisation la société Axa, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, laquelle a appelé en garantie les intervenants à l'acte de construire et leurs assureurs.
Examen des moyens
Sur les premier et quatrième moyens, ci-après annexés
8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
9. La SMABTP fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec M. [Y], à payer une certaine somme à la société Axa, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, au titre des travaux réparatoires, alors « que le désordre, connu du maître de l'ouvrage, est couvert par une réception sans réserves, de sorte que la responsabilité décennale de l'entreprise de travaux n'est pas engagée à l'égard du maître d'ouvrage, et la garantie de l'assureur de responsabilité décennale n'est pas mobilisable ; que la SMBATP faisait valoir, dans ses conclusions, que les désordres de nature décennale avaient été constatés avant la réception, en l'état des constatations de l'huissier de justice qui indiquait qu'« il est visible que la toiture présente une mauvaise étanchéité. L'eau s'infiltre à de nombreux endroits et inonde le sol. Je constate des retenues d'eau? », et que le nombre et l'importance des infiltrations telles que décrites par l'huissier et confirmés expressément par l'expert judiciaire, ne permettaient en aucune manière de faire valoir qu'elles n'auraient pas été perçues dans toute leur étendue et leurs conséquences par la société Geslodis ; que, pour décider que la SMABTP devait sa garantie au titre des désordres décennaux affectant l'ouvrage, la cour d'appel se borne à énoncer que les travaux ont été réceptionnés sans réserve par procès-verbal de réception dressé contradictoirement le 6 novembre 2001 et que la société Ser est de plein droit responsable des désordres de nature décennale dont l'origine se trouve dans son activité ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le maître d'ouvrage connaissait l'existence des désordres affectant l'ouvrage bien avant la réception sans réserve du 6 novembre 2001, de sorte que la responsabilité décennale de la société Ser ne pouvait être recherchée, ni la garantie de son assureur à ce titre mise en oeuvre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil, ensemble l'article L. 241-1 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1792 du code civil et L. 241-1 du code des assurances :
10. Il résulte de ces textes qu'un désordre ne peut engager la responsabilité décennale du locateur d'ouvrage et déterminer la mise en oeuvre de la garantie obligatoire de son assureur que s'il est apparu après réception.
11. Il est jugé qu'un désordre connu du maître de l'ouvrage dans toute son ampleur et, partant dans ses conséquences, avant la réception, est couvert par une réception sans réserve (3e Civ., 27 mars 2012, pourvoi n° 11-15.468).
12. Pour condamner la SMABTP, en sa qualité d'assureur de responsabilité décennale de la société Ser, à payer une certaine somme à la société Axa, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, l'arrêt retient que les désordres d'infiltrations d'eau ayant pour origine les défauts affectant la toiture et les bardages, ainsi que les phénomènes d'engorgement, refoulement ou débordement provoqués par la section insuffisante des gouttières, tuyaux de descente d'eau et du réseau enterré d'évacuation des eaux pluviales compromettent la solidité de l'ouvrage et le rendent impropre à sa destination et que, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre les désordres décennaux avant réception et les désordres décennaux après réception, ils engagent de plein droit la responsabilité de la société Ser, chargée du lot bardage et couverture, et la garantie décennale de son assureur, la SMABTP.
13. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le maître de l'ouvrage n'avait pas eu connaissance de tout ou partie de ces désordres avant la réception prononcée sans réserve, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
14. La SMABTP fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la SCI, in solidum avec M. [Y], une certaine somme au titre de la perte des loyers, alors « que l'assurance obligatoire de la responsabilité du constructeur, qui garantit le paiement des travaux de réparation de l'ouvrage à la réalisation duquel l'assuré a contribué, ne s'étend pas, sauf stipulation contraire, aux dommages « immatériels », c'est-à-dire consécutifs aux désordres de l'ouvrage ; qu'en affirmant que la SMABTP, assureur de responsabilité décennale, devait être condamnée au paiement de la perte des loyers subie par la société Geslodis, dès lors qu'avait été déclarée engagée la responsabilité de son assurée, et qu'il n'était pas établi que la SMABTP ne la garantissait pas de ce chef, sans caractériser la stipulation contractuelle par laquelle la SMABTP se serait engagée à garantir son assurée du paiement des dommages immatériels consécutifs aux désordres de l'ouvrage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 241-1 et A. 243-1 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 241-1 et A. 243-1 du code des assurances :
15. Il résulte de ces textes que l'assurance obligatoire de la responsabilité du constructeur, qui garantit le paiement des travaux de réparation de l'ouvrage à la réalisation duquel l'assuré a contribué, ne s'étend pas, sauf stipulation contraire, aux dommages immatériels consécutifs aux désordres de l'ouvrage.
16. Pour condamner la SMABTP à payer à la SCI une certaine somme au titre de la perte de loyers, l'arrêt retient qu'il n'est pas établi que la SMABTP ne garantit pas son assurée de ce chef.
17. En se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si ce préjudice était couvert par la police, dont les conditions particulières et générales étaient produites, n'a pas donné de base légale à sa décision.
Mise hors de cause
18. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause l'Apave, la Lloyd's et les sociétés BLM, Finamur et Allianz, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
19. En application de ce même texte, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la SCI, dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, l'arrêt rendu le 14 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens, mais seulement :
- en ce qu'il condamne la SMABTP, in solidum avec M. [Y], à payer à la société Axa France IARD, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, la somme de 292 672,96 euros au titre des travaux réparatoires,
- en ce qu'il condamne la SMABTP, in solidum avec M. [Y], à payer à la société civile immobilière Geslodis la somme de 32 976,16 euros au titre de la perte des loyers,
- en ce qu'il dit que la SMABTP sera tenue dans les limites contractuelles de la police souscrite,
- en ses dispositions condamnant la SMABTP à payer, in solidum avec M. [Y], à la société civile immobilière Geslodis des indemnités en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et pour la procédure d'appel et la condamnant aux dépens,
- en ce qu'il fixe, dans les rapports entre coobligés, la contribution à la dette sur ces sommes à hauteur de 10 % pour M. [Y] et 90 % pour la SMBATP ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Met hors de cause la société Bertrand Leroy Martin, le groupement d'intérêt économique Ceten Apave international, la société Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres et la société Allianz IARD ;
Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société civile immobilière Geslodis ;
Condamne la société Axa France IARD aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
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