LA BLOGOSPHERE DES AVOCATS DE FRANCE NE DOIT PAS DISPARAITRE
Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 5 mars 2014
N° de pourvoi: 13-11.415
Non publié au bulletin Cassation sans renvoi
Sur le premier moyen :
Vu l'article 582 du code de procédure civile, ensemble l'article 1351 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 23 novembre 2012), que la société Espace Europ a confié à la société Mate, assurée en responsabilité civile décennale auprès de la société Aviva assurances, la fourniture et l'installation d'une pompe à chaleur destinée à la climatisation et au chauffage de ses bureaux ; que, se plaignant de dysfonctionnements survenus dès la mise en route de l'installation, la société Espace Europ a, après expertise, assigné la société Mate en résolution de la vente et en dommages-intérêts ; que la société Mate a assigné en garantie la société Aviva assurances ; que les deux instances n'ont pas été jointes ; que la société Mate a été condamnée à payer des dommages-intérêts à la société Espace Europ par jugement du 27 octobre 2009 contre lequel la société Aviva assurances a formé tierce opposition ;
Attendu que pour déclarer la tierce opposition recevable, l'arrêt retient que la société Aviva assurances a un intérêt à agir, dès lors qu'en exécution du contrat la liant à la société Mate, dont l'exécution repose sur la qualification préalable du contrat intervenu avec la société Espace Europ ainsi que sur la nature des dommages constatés, elle est susceptible d'être condamnée à garantir son assurée des condamnations mises à sa charge ;
Qu'en statuant ainsi, en se fondant sur les motifs du jugement du 27 octobre 2009 et non sur son dispositif, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, et sans qui'l y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit la tierce opposition de la société Aviva assurances irrecevable ;
Dit n'y avoir lieu de modifier la condamnation aux dépens prononcée par les juges du fond ;
Condamne la société Aviva assurances aux dépens du présent arrêt ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Aviva assurances ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Mate.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré la société Aviva assurances recevable en sa tierce opposition, et d'avoir en conséquence dit que le jugement du 27 octobre 2009 rendu par le Tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon lui est inopposable ;
AUX MOTIFS QUE « la société Aviva Assurance, qui n'était ni partie ni représentée dans le cadre de la procédure initiée par la société Espace Europ contre la seule société Mate ayant donné lieu au jugement rendu le 27 octobre 2009 est recevable à former tierce opposition à l'encontre de cette décision, qui a condamné son assuré la société Mate à payer à la société Espace Europ le coût des travaux de remise en état des dysfonctionnements constatés par l'expert, qu'en effet la société Aviva a un intérêt à agir, dès lors qu'en exécution du contrat d'assurance la liant à la société Mate, dont l'exécution repose sur la qualification préalable du contrat intervenu avec la société Espace Europ ainsi que sur la nature des dommages constatés elle est susceptible d'être condamnée à garantir son assurée des condamnations mises à sa charge et alors qu'il n'est pas plus allégué qu'établi que le contrat d'assurance liant la société Mate et la société Aviva Assurances comporte une clause de direction du procès ; que dans ces conditions infirmant le jugement déféré, il y a lieu de déclarer la société Aviva Assurances recevable en sa tierce opposition » ;
1° ALORS QUE la tierce opposition ne peut tendre qu'à la remise en question du dispositif d'une décision auquel seul est attaché l'autorité de chose jugée ; qu'en l'espèce le dispositif du jugement prononcé le 27 octobre 2009 par le Tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon se borne à homologuer un rapport d'expert judiciaire et à condamner la société Mate à payer à la société Espace Europ la somme de 44.252 ¿ ainsi que les intérêts légaux à compter de la date de l'assignation, que le dispositif ne faisait l'objet d'aucune contestation de la part de la société Aviva assurances qui concluait devant la Cour d'appel que la société Mate était effectivement responsable avec la société Espace Europ ; qu'en déclarant recevable une tierce opposition manifestement dépourvue de tout objet, la Cour d'appel a violé l'article 582 du code de procédure civile ;
2° ALORS QUE les motifs d'une décision n'ont aucune autorité de chose jugée ; qu'ils ne peuvent donc, quelle que soient les critiques formées à leur encontre par un tiers, causer le moindre préjudice à ce dernier, susceptible de le rendre recevable à former tierce opposition contre cette décision ; que la seule circonstance que les motifs du jugement du 27 octobre 2009 aient placé la société Mate et Espace Europ dans le cadre d'une garantie décennale était insusceptible de créer un préjudice à l'assureur de la société Mate dont les droits restent entiers dans le cadre de l'action en garantie intentée contre lui ; que la Cour d'appel a violé les articles 582 et 1351 du code civil ;
3° ALORS QUE comme l'avaient jugé les premiers juges, la société Mate faisait précisément valoir qu'aucun préjudice ne résultant du dispositif du jugement du 27 octobre 2009, c'est-à-dire de la décision elle-même et non des motifs, tandis qu'il est toujours loisible à la société Aviva d'exposer ses prétentions dans le cadre de l'instance en garantie qui demeure pendante, sa tierce opposition devait être déclarée irrecevable ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen relatif à l'autorité de chose jugée du seul dispositif de la décision frappée de tierce opposition, la Cour d'appel a privé sa décision de motifs au regard de l'article 455 du code de procédure civile ;
4° ALORS QUE la tierce opposition ne peut avoir pour objet et pour effet que d'obtenir la rétractation ou la réformation de la décision attaquée ; qu'une décision « d'inopposabilité » est étrangère aux pouvoirs du juge statuant sur tierce opposition ; que la Cour d'appel a donc violé l'article 582 du Code de procédure civile ;
5° ALORS QUE la société Aviva assurances sollicitait la réformation du jugement et non son inopposabilité ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a méconnu le cadre du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le jugement du 27 octobre 2009 rendu par le Tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon est inopposable à la société Aviva assurances ;
AUX MOTIFS QUE « il résulte de l'examen du devis et de la facture des 12 octobre 2005 et 31 janvier 2006, que contrairement à ce que soutient la société Aviva Assurances, la société Mate a à tout le moins assuré une mission de conception et de réalisation de l'installation litigieuse, que sa pose, son réglage et son adaptation à l'existant constituent un travail au sens de l'article 1787 du code civil, ce d'autant qu'à l'opposé de ce qui est soutenu par l'appelante il découle de l'examen du marché sus-visé que les travaux réalisés pour assurer le transport du fluide caloporteur entre les générateurs placés à l'extérieur du bâtiment ne peuvent être qualifiés de menus travaux, alors de surcroît qu'ils représentent plus du quart du coût de ce marché ; qu'il convient donc qualifier de contrat de louage d'ouvrage au sens de l'article 1787 du code civil le contrat intervenu entre la société Espace Europ et la société Mate ; qu'à supposer que l'installation en cause soit aisément démontable, sans détérioration ou enlèvement de matière et constitue donc un élément d'équipement dissociable seulement adjoint à un ouvrage d'équipement, il n'empêche qu'elle est susceptible de relever de la garantie décennale, dès lors qu'elle présente des désordres qui rendent l'ouvrage impropre à sa destination ; qu'aux termes des observations détaillées dans le rapport d'expertise judiciaire tel est bien le cas de l'espèce, puisque l'expert relève notamment que le système présente d'importantes périodes de surchauffe (pointes de température à 25° ou 26°) ou au contraire des arrêts de chauffage l'hiver ainsi qu'une impossibilité sur un étage de rafraîchir une zone à apports thermiques importants liés aux équipements alors que le chauffage est nécessaire du fait de la saison dans les autres locaux, de sorte que dans l'état actuel des réglages la température de 19° est très largement dépassée ou est insuffisante par grand froid à tel point (outre les règles relatives aux économies d'énergie) que l'installation qui n'est pas conforme aux recommandations normatives ou réglementaires de l'Inrs et de la cram pour la température des locaux est impropre à sa destination à usage de bureaux ; dès lors qu'elle entraîne un mal être régulier des salariés de la société Espace Europ ; qu'il résulte du rapport d'expertise précité (à l'exclusion du rapport amiable déposé par le cabinet d'expertise et d'arbitrage mandaté par l'appelante) qu'il n'y pas eu de réception des travaux formalisée, qu'elle doit donc être de fait arrêtée à la date d'entrée dans les locaux soit aux termes des observations de M. X... (qui n'est pas contredit sur ce point) à la date du 15 février 2006 ; qu'il résulte du courrier explicite du gérant de la société Espace Europ du 15 février 2006 qu'en dépit du paiement début mars 2006 du solde du marché, la prise de possession des locaux contemporaine du courrier du 15 février 2006 est insuffisante pour valoir réception tacite, suite aux réserves importantes qui y sont développées par la société Espace Europ quant à l'efficacité du système mis en place ; en conséquence que nonobstant la motivation péremptoire et lapidaire du jugement du 27 octobre 2009, il y a lieu de dire que faute de réception la garantie décennale ne peut être mise en oeuvre ; qu'en conséquence qu'infirmant le jugement du 22 février 2011 au titre des dispositions préjudiciables à la société Aviva Assurances il y a lieu de dire que le jugement du 27 octobre 2009 est inopposable à la société Aviva Assurances, assureur responsabilité décennale de la société Mate, mais qu'il conserve tous ses effets entre la société Espace Europ et la société Mate sur les chefs annulés » ;
ALORS QUE la réception tacite, caractérisée par la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage d'accepter les travaux, découle nécessairement de la prise de possession des lieux suivie du paiement de l'intégralité du prix, qui établissent une réception contradictoire, nonobstant la formulation de réserve tenant à certains dysfonctionnements dans la régulation de l'installation ; qu'en considérant qu'en dépit du paiement début mars 2006 du solde du marché, la prise de possession des lieux le 15 février 2006 est insuffisante pour valoir réception tacite, en l'état de réserves importantes formulées le même jour quant à l'efficacité du système, la Cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé l'article 1792-6 du code civil.
--------------------------------------------------------------------------------
Pas de contribution, soyez le premier