Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 19 mars 2015
N° de pourvoi: 14-14.571
Publié au bulletin Rejet

Mme Batut (président), président
SCP Boulloche, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat(s)

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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 mars 2014), rendu en référé, que M. X... a été révoqué de ses fonctions d'administrateur de première classe de l'Institut national de la statistique et des études économiques par décret du Président de la République en date du 25 janvier 1999 ; que soutenant que cette sanction disciplinaire avait été prise pour un motif discriminatoire, lié à ses activités syndicales, M. X... a saisi la juridiction judiciaire, sur le fondement de la voie de fait, aux fins d'obtenir l'annulation de ce décret et la condamnation de l'Etat à le réintégrer et à reconstituer sa carrière ; que l'Agent judiciaire de l'Etat a soulevé une exception d'incompétence au profit des juridictions administratives ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de déclarer les juridictions judiciaires incompétentes pour connaître du litige et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir alors, selon le moyen :

1°/ que saisi d'une exception de procédure tirée de l'incompétence de la juridiction judiciaire, le juge des référés est tenu de trancher la contestation, fut-elle sérieuse ; qu'en se déclarant incompétente faute d'établissement de l'existence d'une voie de fait avec l'évidence requise en référé, quand il lui appartenait de se prononcer sur l'existence de cette voie de fait, fût-elle sérieusement contestée, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790, ensemble le décret du 16 fructidor an III ;

2°/ qu'il y a voie de fait justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, dans la mesure où l'administration a soit procédé à l'exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d'une décision, même régulière, portant une atteinte grave au droit de propriété ou à une liberté fondamentale, soit pris une décision ayant l'un ou l'autre de ces effets à la condition toutefois que cette décision soit elle-même manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative ; qu'est manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative, fût-elle investie du pouvoir disciplinaire qui s'attache à l'autorité hiérarchique, une sanction prise pour un motif discriminatoire ; que dès lors, en se déclarant incompétente pour statuer sur la légalité d'un décret de révocation procédant un motif discriminatoire, la cour d'appel a méconnu ses pouvoirs au regard de la loi des 16-24 août 1790, ensemble le décret du 16 fructidor an III ;

3°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que pour dire qu'en l'absence de voie de fait établie avec l'évidence requise en référé, le juge judiciaire n'est pas compétent, la cour d'appel retient qu'il résulte du contenu de la lettre adressée le 27 janvier 2009 par M. Y... au ministre de l'économie, des finances et de l'emploi et des termes employés « me donne à penser » et « il me paraîtrait dès lors légitime » que M. Y... y exprime des considérations et propositions à titre personnel et non en qualité de président de la Halde, et que cette seule manifestation d'un avis personnel ne saurait, avec l'évidence requise en référé, établir l'existence d'une discrimination syndicale commise par l'administration fondant la décision de révocation prise par le décret du 25 janvier 1999 ; qu'en se prononçant ainsi, alors que ce courrier avait été rédigé sur papier à l'en-tête de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité et désignait expressément, en qualité d'émetteur « Le Président », la cour d'appel en a dénaturé les termes et, partant, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

4°/ que toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence, et qu'au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en l'espèce, pour se déclarer incompétente en l'absence de voie de fait, la cour d'appel a retenu qu'il n'était pas démontré avec l'évidence requise en référé l'existence d'une discrimination syndicale commise par l'administration ; qu'en statuant ainsi, quand il appartenait à l'État, l'administration ayant refusé à M. X... la communication du rapport de l'inspection générale des finances établi en 2006 à son sujet à la demande du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, d'établir que la révocation de M. X... par décret du 25 janvier 1999 était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et, partant, a violé l'article 4 de la loi du 27 mai 2008, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'il n'y a voie de fait de la part de l'administration, justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour en ordonner la cessation ou la réparation, que dans la mesure où l'administration soit a procédé à l'exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d'une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l'extinction d'un droit de propriété, soit a pris une décision qui a les mêmes effets d'atteinte à la liberté individuelle ou d'extinction d'un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative ; que la liberté syndicale n'entrant pas dans le champ de la liberté individuelle au sens de l'article 66 de la Constitution, l'atteinte qui lui est prétendument portée n'est pas susceptible de caractériser une voie de fait ; que par ce motif de pur droit suggéré par la défense, substitué à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;