chambre civile 2
Audience publique du jeudi 5 mars 2020
N° de pourvoi: 18-25.192
Non publié au bulletin Rejet
M. Pireyre (président), président
SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, avocat(s)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 mars 2020
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 299 F-D
Pourvoi n° E 18-25.192
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 MARS 2020
La société Chubb European Group SE société européenne, dont le siège est [...] ), anciennement dénommée ACE European Group, et ayant un établissement le [...] , a formé le pourvoi n° E 18-25.192 contre l'arrêt rendu le 25 septembre 2018 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Air Quality Process, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
2°/ à la société Office français de courtage d'assurances (OFRACAR), société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
3°/ à la société Axa France IARD, dont le siège est [...] ,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Besson, conseiller, les observations de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Chubb European Group SE, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Air Quality Process, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Office français de courtage d'assurances, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 janvier 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Besson, conseiller rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Cos, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 25 septembre 2018) et les productions, que l'Office français de courtage d'assurance (l'OFRACAR) a souscrit en 2005 auprès de la société ACE European Group Limited, (la société ACE), aujourd'hui dénommée Chubb European Group Limited (l'assureur), un contrat d'assurance responsabilité civile dit de seconde ligne ayant pour vocation d'apporter à des assurés un complément de garantie mobilisable au-delà des plafonds d'indemnisation par sinistre et/ou année d'assurance stipulés par un contrat de première ligne conclu avec la société Axa ; que la société Air Quality Process, qui avait adhéré en 2006, par l'intermédiaire de l'OFRACAR, aux deux contrats de première et de seconde ligne Axa et ACE, a déclaré un sinistre à la suite de dysfonctionnements ou pannes ayant affecté en 2007, puis en 2008, un groupe de production de froid qu'elle avait livré à la société Fermière Quenaudon ; qu'ayant été condamnée à indemniser cette société, la société Air Quality Process a assigné en paiement l'assureur qui lui refusait la mise en oeuvre de la garantie de seconde ligne en invoquant sa déchéance pour déclaration tardive du sinistre ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la deuxième branche du premier moyen et sur le second moyen, annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le premier moyen pris en ses première et troisième branches :
Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de condamner la société ACE, aux droits de laquelle elle vient, à payer la somme de 195 000 euros à la société Air Quality Process au titre de la police d'assurance de seconde ligne, alors selon le moyen :
1°/ que les exceptions que l'assureur peut opposer au souscripteur d'une assurance pour le compte de qui il appartiendra sont également opposables à l'assuré pour compte ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les conditions particulières signées par l'Ofracar pour le compte de la société Air Quality Process contenaient non seulement les plafonds de garantie, la clause de déchéance de garantie mais également l'intégralité des clauses d'exclusion applicables, de sorte que lesdites conditions étaient opposables à l'assuré bénéficiaire identifié au certificat d'adhésion pour le compte duquel le contrat avait été souscrit, à savoir la société Air Quality Process ; qu'en décidant cependant que la société Chubb ne pouvait se prévaloir, à l'encontre de la société Air Quality Process, de la déchéance de garantie, dûment stipulée aux conditions particulières, pour défaut de déclaration du sinistre dans les cinq jours de sa survenance, au prétexte que cette clause de déchéance ne figurait pas sur le certificat d'assurance transmis par l'assureur à cette société, la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales s'en évinçant et a violé les articles L. 112-1 et L. 112-6 du code des assurances ;
2°/ que l'assureur peut opposer à l'assuré, pour lui refuser sa garantie, un manquement à une obligation contractuelle, stipulée à peine de déchéance, de déclarer tout sinistre dans un délai fixé ; qu'en affirmant que la société Chubb ne pouvait « invoquer le manquement de l'assuré à une obligation personnelle dont la mise en oeuvre de la garantie dépend », la cour d'appel a violé les articles L. 112-1 et L. 112-6 du code des assurances, ensemble l'article 1134 ancien du code civil devenu 1103 dudit code ;
Mais attendu que les clauses édictant des exceptions ou des déchéances de garantie ne sont opposables à l'adhérent à une assurance collective que si elles ont été portées à sa connaissance avant la date du sinistre ;
Et attendu que l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que l'OFRACAR, courtier en assurances, était le souscripteur de la police d'assurance de seconde ligne négociée auprès de la société ACE au bénéfice de sociétés adhérentes exerçant certaines activités limitativement énumérées, notamment liées à des installations frigorifiques et de conditionnement d'air, que l'adhésion de la société Air Quality Process est intervenue dans ce cadre, et que la clause de déchéance pour déclaration tardive du sinistre invoquée par l'assureur ne figurait pas sur le certificat d'assurance transmis à cette société adhérente ;
Qu'il en résulte qu'en présence, comme en l'espèce, d'une assurance collective à adhésion individuelle, et non d'une assurance pour compte, la clause de déchéance litigieuse, faute d'avoir été portée à la connaissance de la société adhérente, lui était inopposable ;
Que par ce motif de pur droit suggéré par la défense, substitué à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et sur le premier moyen pris en sa quatrième branche :
Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de statuer comme il le fait, alors selon le moyen, que le juge est tenu de répondre aux conclusions des parties ; que la société Chubb European invoquait la déchéance de la garantie non seulement en raison d'une absence de déclaration du sinistre par l'assuré, soit la société Air Quality Process, dans les cinq jours de sa survenance, mais également en raison d'une absence de déclaration dudit sinistre par le souscripteur, soit l'Ofracar, lequel s'était engagé « à informer annuellement ACE Europe de tous sinistres atteignant la première ligne de plus de 50 000 euros » (plafond de déclaration porté à 200 000 euros en 2008) ; qu'en appréciant la seule opposabilité de la clause de déchéance à l'assuré, tenu de déclarer le sinistre dans les cinq jours de sa survenance, sans répondre au moyen pris de la déchéance tenant également à l'attitude du souscripteur s'étant engagé à une déclaration annuelle, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que, dès lors qu'il résultait des motifs réputés adoptés des premiers juges que la cause de déchéance tenant à l'attitude du souscripteur était stipulée dans la clause de déchéance qu'elle déclarait inopposable à la société Air Quality Process, la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à un moyen que ses constatations rendaient inopérant ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Chubb European Group aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Chubb European Group et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Air Quality Process, d'une part, à l'Office français de courtage d'assurance, d'autre part, ainsi que la somme de 1 500 euros à la société Axa France IARD ;
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