COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE MARSEILLE.

6ème Chambre

PLEIN CONTENTIEUX

N° 09MA00342

4 mars 2013.

Inédite au recueil Lebon.

Vu avec les mémoires et pièces qui y sont visés, l'arrêt du 4 juillet 2011par lequel la Cour a, jusqu'à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir quel ordre de juridiction était compétent pour connaître du litige opposant la société Compagnie des eaux et de l'ozone aux sociétés Sogea et OTV, sursis à statuer sur la requête enregistrée sous le nº 09MA0342 présentée pour la société Compagnie des eaux et de l'ozone tendant à l'annulation du jugement nº 0602997 du 21 novembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande de condamnation solidaire de la société Sogea, de la société OTV et de l'Etat au titre des désordres résultant de défauts de construction, de la corrosion des parties métalliques et de ceux affectant les ouvrages en béton d'une station d'épuration ;

Vu l'arrêt du 9 juillet 2012par lequel le Tribunal des conflits a, d'une part, déclaré que la juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant la société Compagnie des eaux et de l'ozone aux sociétés Sogea et OTV et, d'autre part, déclaré nulles et non avenues l'ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Créteil du 5 novembre 2005 et, en tant qu'elle porte sur les conclusions dirigées contre les sociétés Sogea et OTV, la procédure suivie devant la cour administrative d'appel de Marseille, à l'exception de l'arrêt rendu le 4 juillet 2011par cette cour ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er février 2013, présenté pour la société Compagnie des eaux et de l'ozone qui demande à la Cour :

1º) de se déclarer compétente pour connaître des conclusions indemnitaires dirigées à l'encontre de l'Etat (direction départementale de l'équipement) ;

2º) de condamner l'Etat à lui payer la somme globale de 2 109 607 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du dépôt du rapport d'expertise, soit le 7 mars 2005, capitalisés et subsidiairement, de condamner l'Etat au paiement de cette somme suivant des pourcentages de responsabilité qui ne pourront pas être inférieurs à ceux définis par l'expert judiciaire dans son rapport d'expertise ;

3º) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrativeainsi que les frais d'expertise taxés à la somme de 31 430,01 euros HT ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 février 2013 :

- le rapport de Mme Carotenuto, rapporteur,

- les conclusions de Mme Markarian, rapporteur public,

- et les observations de Me Carré représentant la société Compagnie des eaux et de l'ozone ;

1. Considérant que, par une délibération en date du 11 décembre 1989, le syndicat intercommunal à vocation multiple de la Côte Vermeille, devenu depuis communauté des communes de la Côte Vermeille, a approuvé le projet de construction d'une station d'épuration devant traiter les eaux usées des communes de Collioure et de Port-Vendres ; que, par une délibération en date du 31 décembre 1992, le syndicat intercommunal à vocation multiple de la Côte Vermeille a décidé de concéder à la société Compagnie des eaux et de l'ozone les travaux de construction et l'exploitation de cette station d'épuration ; que par une convention conclue le 15 janvier 1993, le syndicat intercommunal à vocation multiple a concédé à la société appelante la construction et l'exploitation de la station d'épuration pendant une durée de trente ans ; que pour la construction de l'ouvrage public, la société Compagnie des eaux et de l'ozone a passé deux marchés de travaux, le premier dit " de génie civil " avec la société Sogea, le 20 octobre 1993, le second dit " d'équipement " avec la société OTV, le 6 décembre 1993, et a fait appel, pour assurer certaines missions relevant de la maîtrise d'oeuvre, à la direction départementale de l'équipement des Pyrénées-Orientales, déjà auteur d'un avant-projet sommaire de la station d'épuration élaboré à la demande du syndicat intercommunal à vocation multiple de la Côte Vermeille ; qu'après la réception des travaux prononcée sans réserves les 8 novembre 1994 et 1er janvier 1995, des désordres sont apparus ; que la société Compagnie des eaux et de l'ozone a recherché devant le tribunal administratif de Montpellier la responsabilité solidaire de l'Etat, de la société OTV et de la société Sogea, au titre de la responsabilité décennale des constructeurs afin d'être indemnisée des désordres affectant la station d'épuration, et au titre de leur responsabilité contractuelle s'agissant des seuls désordres liés à la corrosion affectant des équipements métalliques ou en béton ; que la société Compagnie des eaux et de l'ozone a relevé appel du jugement du 21 novembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Montpelliera rejeté sa demande ; que par un arrêt du 4 juillet 2011, la cour de céans a sursis à statuer et a saisi le Tribunal des conflits de la question de la juridiction compétente pour connaître des conclusions dirigées contre les sociétés Sogea et OTV ; que par un arrêt du 9 juillet 2012, le Tribunal des conflits a considéré que dans le cadre de la convention de concession conclue le 15 janvier 1993, la société Compagnie des eaux et de l'ozone a agi pour son propre compte et non pour celui de la personne publique et qu'ainsi les contrats relatifs à la construction de l'ouvrage conclus avec les sociétés Sogea et OTV par le concessionnaire, personne morale de droit privé agissant pour son compte, sont des contrats de droit privé de sorte que le litige né de leur exécution ressortit à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ; que par cet arrêt, le Tribunal des conflits a également déclaré nulle et non avenue, en tant qu'elle porte sur les conclusions dirigées contre les sociétés Sogea et OTV, la procédure suivie devant la cour administrative d'appel de Marseille, à l'exception de l'arrêt rendu le 4 juillet 2011par cette cour ; que la Cour reste donc saisie de l'appel du jugement du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il s'est prononcé sur les conclusions dirigées contre l'Etat ;

2. Considérant qu'un contrat conclu pour la conception ou la réalisation d'une opération de construction par une personne morale de droit privé agissant pour son propre compte est un contrat de droit privé, que cette opération ait ou non le caractère de travaux publics ; qu'il en va ainsi alors même que l'un des constructeurs est une personne morale de droit public, dès lors qu'elle intervient dans les mêmes conditions qu'un prestataire de droit privé ;

3. Considérant que, comme il a été dit, dans le cadre de la convention de concession conclue le 15 janvier 1993, la société Compagnie des eaux et de l'ozone a agi pour son propre compte pour la réalisation des ouvrages et non pour celui de la personne publique ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, que la société appelante a confié au service de la direction départementale de l'équipement des Pyrénées-Orientales, service de l'Etat, une mission normalisée de maîtrise d'oeuvre sur le fondement des dispositions de l'arrêté interministériel du 7 décembre 1979modifiant l'arrêté du 7 mars 1949relatif aux concours apportés aux collectivités locales et divers organismes par l'Etat en application des lois nº48-1530 du 29 septembre 1948 et nº55-985 du 26 juillet 1955 ; que ce contrat de maîtrise d'oeuvre n'a pas été passé en application du code des marchés publics et ne contient aucune clause exorbitante du droit commun ; que la mission de maîtrise d'oeuvre effectuée par le service de la direction départementale de l'équipement des Pyrénées Orientales correspondait à une mission complète de maîtrise d'oeuvre de contenu M3 au sens de l'article 3 du décret nº73-207 du 28 février 1973relatif aux conditions de rémunération des missions d'ingénierie et d'architecture remplies pour le compte des collectivités publiques par des prestataires de droit privé ; qu'il s'ensuit que ce contrat de maîtrise d'oeuvre constitue un contrat de droit privé, quand bien même il porterait sur une opération de travaux publics ; que, par suite, les conclusions dirigées contre l'Etat ne relèvent pas de la compétence de la juridiction administrative et doivent donc être rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

Sur les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 21 novembre 2008est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions dirigées contre l'Etat.

Article 2 : Les conclusions présentées devant le tribunal administratif de Montpellier pour la société Compagnie des eaux et de l'ozone à l'encontre de l'Etat sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 3 : Les conclusions des parties tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrativesont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Compagnie des eaux et de l'ozone, au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, à la société Sogea et à la société OTV.