J’ai récemment invité, dans un précédent article, les professionnels, et notamment les restaurateurs, à interroger leur assureur professionnel et à déclarer un sinistre au titre de la garantie perte d’exploitation qui serait incluse dans leur contrat d’assurance multirisques professionnel.

Episode 1 :

Il est rappelé que le 22 mai 2020, le Tribunal de commerce de PARIS a répondu favorablement à la demande de condamnation de l’assureur à payer une somme provisionnelle au titre de la perte d’exploitation d’un restaurateur, à hauteur de 45.000 €, et a désigné un expert ayant pour mission d’évaluer le montant des dommages résultant de la perte de marge brute ainsi que celui relatif aux frais supplémentaires d’exploitation sur la période de fermeture administrative du restaurant.

Episode 2 :

C’est au tour du Tribunal de commerce de de LYON, saisi en référé, de s’être prononcé le 10 juin 2020.

Les conditions particulières du contrat, souscrit par le restaurateur exerçant dans le Beaujolais auprès d’Axa, prévoient :

« Perte d’exploitation suite à fermeture administrative

La garantie est étendue aux pertes d’exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l’établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

  1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même,
  2. La décision de fermeture est la conséquence d’une maladie contagieuse, d’un meurtre, d’un suicide, d’une épidémie ou d’une intoxication. »

L’assureur a limité la portée de l’exigibilité de la clause « perte d’exploitation » en ajoutant l’exclusion suivante :

« les pertes d’exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, qu’elle que soit sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire départemental, que celui de l’établissement assuré, d’une mesure administrative, pour une cause identique ».

Le restaurateur estimait que l’exclusion consistait en une clause abusive et devant être considérée comme non-écrite ; les parties se sont également opposées sur les définitions des termes épidémie ou pandémie.

Le juge des référés a à juste titre relevé que l’utilisation du terme épidémie incluait celui de pandémie.

Il a rappelé :

  • que ses pouvoirs juridictionnels lui permettaient de faire application d’un contrat mais pas de l’interpréter et, qu’il pouvait considérer une clause comme non-écrite uniquement si cet élément était non sérieusement contestable,
  • que pour faire droit aux demandes du restaurateur, il serait nécessaire de relever qu’il est non sérieusement contestable que la clause d’exclusion vide de sa substance la clause de garantie, autrement dit qu’elle prive la garantie de l’essentiel recherché par le souscripteur.

Le magistrat a ainsi considéré :

« l’hypothèse d’une fermeture administrative circonscrite à un seul établissement n’est pas totalement inconcevable en début ou en fin d’épidémie lorsque des regroupements de cas, dits clusters, naissent. »

« l’exclusion n’étant pas totale et illimitée, il convient d’analyser si l’essentiel de l’obligation a été retirée ; que ce pouvoir n’appartient pas au juge des référés mais au juge du fond. »

Le restaurateur a donc été débouté et l’affaire a été renvoyée au fond à l’audience du Tribunal du 1er juillet 2020.

Cette décision semble logique au vu du cas d’espèce et il reviendra au juge du fond de trancher le litige.

L’ordonnance est disponible au lien ci-dessous.

https://www.linkedin.com/posts/gtclyon_ordonnance-r%C3%A9f%C3%A9r%C3%A9-pertes-exploitation-covid-activity-6676379632972902401-a1Bi 

Episode 3 :

Le Tribunal de commerce de BORDEAUX a lui aussi été saisi en référé à la requête d’un restaurateur à l’encontre de la compagnie Axa.

L’assureur a refusé sa garantie au motif que « sont exclues de la garantie les pertes d’exploitation lorsqu’à la date de la fermeture, au moins un établissement (…) fait l’objet, (…) d’une mesure de fermeture administrative pour une cause identique » et ce, dans le même département.

Il semble donc que les faits d’espèce soient les mêmes que ceux présentés au juge lyonnais.

La décision sera rendue le 23 juin et tout porte à croire que le juge des référés, tout comme celui de LYON, se déclarera incompétent au profit du juge du fond.

La saga ne fait que commencer et nous attendons l’épisode 4.