Par une décision du 6 février 2019 (n°414064), le Conseil d’État confirme que lorsque les travaux à l’origine du dommage ont été réceptionnés sans réserve et qu’il ne peut être poursuivi sur le fondement de la garantie de parfait achèvement ou de la garantie décennale :

« Lorsque sa responsabilité est mise en cause par la victime d’un dommage dû aux désordres affectant un ouvrage public, le constructeur de celui-ci est fondé, sauf clause contractuelle contraire, à demander à être garanti en totalité par le maître d’ouvrage dès lors que la réception des travaux à l’origine des dommages a été prononcée sans réserve et que ce constructeur ne peut pas être poursuivi au titre de la garantie de parfait achèvement ni de la garantie décennale. Il n’en irait autrement que dans le cas où la réception n’aurait été acquise au constructeur qu’à la suite de manœuvres frauduleuses ou dolosives de sa part ».

Les faits sont relativement simples : une SIVOM a passé un certain nombre de marchés afin de procéder à la rénovation/modernisation d’un centre d’incinération. La réception a été prononcée sans réserve en 2001. L’exploitation de l’usine (GEVAL) a été confiée à une société en 2000 pour une durée de 8 ans. Un certain nombre de désordres sont apparus au cours de l’exploitation dont la responsabilité était imputable à la société (SOLIOS) ayant procédé à la construction du dispositif de traitement des fumées de l’usine.

Le TA de Rennes, à la demande du SIVOM, a condamné le constructeur à l’indemniser (+ de 900.000 euros) ainsi que l’exploitant. La société SOLIOS avait interjeté appel et appelé en garantie un certain nombre de constructeurs ainsi que le maitre d’ouvrage. La CAA de Nantes a fait partiellement droit aux demandes de SOLIOS puisqu’elle a sensiblement réduit (229.000 euros) le montant des condamnations pécuniaires prises à l’encontre de SOLIOS mais avait rejeté l’appel en garantie. C’est de ce refus dont le Conseil d’État a été saisi.

Enseignement n°1 :

Avant la réception des travaux, le maître d’ouvrage peut appeler en garantie le constructeur sur le fondement contractuel (CE, 16 février 1972, n°81919). Cette pratique est même directement consacrée par l’article 35.1 du CCAG Travaux de 2009.

Enseignement n°2 :

Lorsque la réception est prononcée avec des réserves, le maitre d’ouvrage peut appeler en garantie le constructeur sur le fondement contractuel et ce, jusqu’à ce que lesdites réserves aient été levées (CE, 26 janvier 2007, n°264306)

Enseignement n°3 :

Le Conseil d’État rappelle que le maître d’ouvrage ne peut pas rechercher, par la voie de l’appel en garantie, la responsabilité du constructeur lorsque l’ouvrage a été réceptionné sans réserve, que ce soit sur le fondement contractuel ou extracontractuel. Il doit alors supporter l’ensemble des dommages causés aux tiers du fait de l’ouvrage public. La solution est classique, et ne connait des atténuations que si cette réception a été obtenue par fraude ou que des stipulations contractuelles contraires font mention d’une extension de la responsabilité du constructeur (CE, 28 avril 1997, n°148477). Le maitre d’ouvrage ne peut faire jouer que la GPA (CE, 17 mai 2004, n°247367) ainsi que la décennale, si les dommages s’y prêtent (CE, 13 novembre 2009, n°306061).

Enseignement n°4 :

Le constructeur, en revanche, peut appeler en garantie et ce, à tout moment, le maitre d’ouvrage. Il peut donc invoquer la fin des relations contractuelles consécutives à la réception pour demander à ce que le maître de l’ouvrage le relève indemne des condamnations prononcées à son encontre (CE, 19 novembre 2004, n°237287). A l’inverse, il est toujours loisible pour les tiers d’engager la responsabilité du constructeur, puisque les opérations de réception ne sont pas opposables aux tiers (CE, 14 février 1958, n°36364).

Cette décision du Conseil d’État ne permet donc pas de modifier une jurisprudence désormais bien établie mais très défavorable à la personne publique.