Dans un arrêt du 1er juillet 2019 (CE, 1er juillet 2019, n°421403), le Conseil d’État précise quelles sont les modalités de fixation pour l’occupation sans titre du domaine public

Faits :

Un célèbre café parisien sur les Champs-Élysées a été destinataire d’un titre exécutoire en mars 2015 pour un montant d’un peu plus de 78.000 euros pour le paiement de droits de voirie additionnels au titre de l’année 2014. Ces droits de voirie comprenaient les dispositifs de chauffage et d’écrans parallèles installés sur la contre-terrasse qu’elle avait installé à hauteur de son établissement. La société exploitant le café a contesté ce titre devant le TA de Paris, lequel a annulé le titre exécutoire. La Cour d’appel a confirmé cette décision.

La Ville de Paris se pourvoit donc contre cette décision.

Question de droit :

Quelles sont les modalités de fixation de l’indemnité d’occupation sans titre du domaine public ?

Considérant de principe :

« A cette fin, il doit rechercher le montant des redevances qui auraient été appliquées si l'occupant avait été placé dans une situation régulière, soit par référence à un tarif existant, lequel doit tenir compte des avantages de toute nature procurés par l'occupation du domaine public, soit, à défaut de tarif applicable, par référence au revenu, tenant compte des mêmes avantages, qu'aurait pu produire l'occupation régulière de la partie concernée du domaine public. »

Enseignement n°1 :

Il est entendu que nul ne peut occuper le domaine public sans disposer d’une autorisation ou d’un titre en bonne et due forme. L’occupation du domaine public donne traditionnellement obligation pour l’occupant de verser au propriétaire une indemnité d’occupation ou autrement appelée redevance (article L.2125-1 du CG3P). En ce qui concerne l’occupation irrégulière du domaine public, il est de jurisprudence constante qu’il ouvre droit à indemnité (CE, 13 février 2015, n°366036)

Enseignement n°2 :

Toutefois, dans certains cas, le législateur a entendu ouvrir la possibilité d’une occupation du domaine public à titre gratuit (article L.2125-3 du CG3P). Il faut, pour que certaines occupations privatives du domaine public soient consenties à titre gratuit, qu’un intérêt public le justifie et que l’activité exercée sur le domaine soit dépourvue de tout caractère lucratif. Selon le juge administratif, l’intérêt général justifiant une occupation gratuite du domaine au bénéfice d’associations à but non lucratif peut notamment résider dans « la tenue de manifestations à caractère caritatif, social ou humanitaire organisées par des associations type loi 1901 », ou encore de « manifestations présentant, pour la ville, un intérêt communal certain. En revanche, la qualité du bénéficiaire de l’autorisation n’a aucune influence sur la gratuité de la redevance. En d’autres termes, il ne suffit pas que l’autorisation soit accordée à une autre personne publique ou à une association, mais il faut que l’activité projetée présente un intérêt public suffisant. À défaut de justifier de l’une ou de l’autre de ces conditions, une mise à disposition gratuite du domaine public ou une faible redevance viole les articles L.2125-1 alinéa 1 et L.2125-3 du CG3P et constitue une libéralité entachée d’illégalité, voire une atteinte au principe de la liberté du commerce et de l’industrie. Et, au-delà de la sanction de nature administrative, la méconnaissance du caractère onéreux de l’occupation privative du domaine public peut être sanctionnée pénalement : la complaisance du maire peut en effet être constitutive du délit de concussion par autorité dépositaire de l’autorité publique visé à l’article 432-10 alinéa 2 du code pénal.

Enseignement n°3 :

En ce qui concerne les modalités de fixation de la redevance, elle peut se faire par voie contractuelle lorsque l’occupation prend la forme d’un contrat ou d’une convention. Dans un tel cas c’est l’organe délibérant qui devra fixer le montant de cette dernière. Le montant de la redevance peut également être fixé de manière unilatérale par la collectivité propriétaire, chargée de la gestion du domaine. Lorsque l’occupation est illégale, le juge va chercher à déterminer ce montant en se référant soit au tarif usuellement pratiqué pour une occupation légale soit au revenu que générerait une telle occupation si elle était régulière. En l’espèce, la mairie de Paris s’était fondée sur les redevances réclamées pour les terrasses ouvertes. La Cour d’appel avait censuré ce raisonnement en considérant que les tarifs des terrasses ne pouvaient être étendues aux tarifs des contre-terrasses. Le Conseil d’État censure le raisonnement de la Cour d’appel et renvoie les parties devant la CAA de Paris.