L'emprise non autorisée d'une canalisation publique sur une propriété privée constitue une voie de fait.


La voie de fait est un agissement de l'administration ,qui porte matériellement et illégalement, une atteinte grave ,à une liberté fondamentale ou au droit de propriété. Les actes ainsi accomplis perdent leur qualité d'actes administratifs, et relèvent de la compétence judiciaire.

En l’espèce, une colonne enterrée, a été crée par le un syndicat intercommunal d’assainissement, permettant de transporter les eaux usées d’un village, vers la station de traitement des eaux du village voisin.

Par un acte sous seing privé du 13 août 2002, un propriétaire a autorisé le passage sur sa parcelle n° 173 avec promesse de concession de tréfonds pour la pose d’une colonne enterrée avec deux regards placés à chaque extrémité de la parcelle.

En effectuant la pose de cette colonne, le syndicat a procédé à deux branchements supplémentaires raccordant sur cette colonne les propriétés de deux riverains, entraînant la création d’un regard supplémentaire sur le terrain de la concédante.

Les travaux effectués n’étant pas conformes à l’autorisation qu’elle avait consentie, la concédante a refusé de signer le procès-verbal de réception des travaux, et a assigné le syndicat ,aux fins d’indemnisation et de démolition de la partie de l’ouvrage exécutée sans autorisation.

Ce dernier a soulevé l’incompétence du juge judiciaire au profit du juge administratif, précisant que les travaux en cause n’étaient pas constitutifs d’une voie de fait.

Pour refuser d’ordonner la démolition de l’ouvrage public, les juges du fond ont affirmé, que les tribunaux de l’ordre judiciaire, en présence d’une emprise administrative sur une propriété immobi-lière constitutive d’une voie de fait, ne peuvent réparer le préjudice subi, qu’en allouant à la requé-rante des dommages et intérêts, sans pouvoir ordonner la démolition de l’ouvrage public.

La Cour de Cassation censurant cette décision ,a dit et jugé que « ....... si les juridictions de l’ordre judiciaire ne peuvent prescrire aucune mesure de nature à porter atteinte, sous quelque forme que ce soit, à l’intégrité ou au fonctionnement d’un ouvrage public, il en va autrement dans l’hypothèse où la réalisation de l’ouvrage, procède d’un acte qui est manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l’autorité administrative...... »

La Haute Juridiction a rappelé les termes clairs et précis de l’article 544 du Code civil , violés par la décision querellée, selon lesquels, « ... la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. ».( Cass. Civ. 3e, 12 mai 2009 n° 08-12.994)

Même si la solution imposée par la Cour de Cassation est sévère pour les juges censurés, elle demeure classique, et mérite une approbation sans réserve aucune.