Le 14 décembre 2022 (n°21-24.539), la Cour de cassation a indiqué que l'acquéreur n'est pas tenu de donner suite à la vente s'il obtient un prêt d'un montant inférieur à celui de la promesse de vente.


I. Exposé des faits et de la procédure

Par  l’intermédiaire  d’une  agence  immobilière,  une promesse  de  vente  d'un  appartement est conclue entre un vendeur et des acquéreurs.  La  promesse  contenait  une  condition  suspensive  d'obtention  d'un  prêt  d'un montant maximum fixé, remboursable sur vingt-cinq ans au taux de 2 % l'an hors assurance.

Les acquéreurs déposent une demande de prêt conforme à la promesse de vente. Mais ils recçoivent une offre de prêt  d’un  montant  inférieur  de  la  part  de  leur banque.

Aussi, les acquéreurs notifient au vendeur qu'ils doivent renoncer à leur acquisition, mais le vendeur refuse de rendre l'indemnité d'immobilisation.

Un procès s'ensuite à l'initiative de l'agence immobilière qui refuse de passer outre sa commission et assigne les acquéreurs en paiement, lesquels assignent à leur tour le vendeur et la société qu'ils avaient mandatée pour l'obtention d'un prêt, ainsi que le notaire ayant reçu la promesse de vente, afin d'obtenir la restitution par le vendeur de la somme versée au titre de l'indemnité d'immobilisation et séquestrée entre les mains du notaire, outre des dommages et intérêts.

Le vendeur demande alors la condamnation des acquéreurs à lui verser une somme équivalente au titre de l’indemnité d’immobilisation prévue à la promesse.

Le 22 octobre 2021, la Cour d’appel de PARIS déclare la promesse de vente caduque et déboute le vendeur de sa demande, si bien que l'agence est privée de sa commission et les acquéreurs se voient restituer leur indemnité d'immobilisation.

Un pouvoi en cassation est initié, mais la Cour de cassation le rejette, donnant raison aux juges d'appel.

Elle relève que les  acquéreurs  avaient  fait  une  demande  de  prêt conforme aux caractéristiques définies dans la promesse de vente, pour un montant maximal défini, qui leur avait été refusé par leur banque, étant donné qu"elle n'avait consenti à leur accorder qu'un prêt d’un montant inférieur.

Aussi, à juste titre, la Cour d'appel de PARIS a retenu que l'indication, dans la promesse, d'un montant du prêt n'était pas de nature à contraindre les acquéreurs à accepter  toute offre d'un montant inférieur.

Les juges d'appel ont donc déduit à bon droit que, la défaillance de la condition  suspensive d'obtention du prêt n'était pas imputable aux acquéreurs, la promesse était devenue caduque.


II. Que retenir de cette affaire ?

Cette décision est parfaitement justifiée : les acquéreurs sollicitant un prêt conforme aux conditions imposées dans la promesse de vente, mais obtenant une offre de crédit inférieure à ce qui a été demandé, ne sont pas responsables du retour de la banque.

De fait, la condition suspensive n'étant pas réalisée et sa défaillance n'étant pas imputable aux  acquéreurs, l'indemnité d'immobilisation doit leur être restituée.  

Il en aurait été autrement si les acquéreurs avaient sollicité un prêt pour une durée et à un taux inférieurs aux conditions prévues dans le contrat. Dans ce cas, les acquéreurs auraient perdu le bénéfice de la condition suspensive (Cass.  civ.  3,  17  octobre  2019,  n°  17-21.859).

En revanche si, dans la présente affaire, les acquéreurs avaient sollicité un prêt d’un montant inférieur à celui stipulé dans la promesse et que celui-ci leur avait été accordé par la banque, mais que le vendeur avaient refusé réitérer la vente par acte authentique, les acquéreurs auraient pu exiger en justice une vente forcée.

Effectivement, un acquéreur qui demande un montant inférieur à celui stipulé à la promesse, ne met pas en péril la réalisation de la condition suspensive (Cass. 3e civ., 14 janvier 2021, n°20-11.224) et il peut même renoncer au bénéfice de la condition suspensive, et proposer d’acquérir finalement sans prêt (Cass. civ. 1, 17 mars 1998, n° 96-13.972).

Cette décision ne vient pas contredire l'arrêt commenté, car dans ces deux affaires, le montant du prêt visé dans la promesse, représentait le « maximum » du montant du prêt à obtenir afin de bénéficier de la condition suspensive et non, le montant exact du prêt à solliciter.

D'aucuns rétorqueraient que de telles solutions manquent de logique, mais ce n'est pas le cas.

Si l’acquéreur demande un prêt d'un d'un montant inférieur à celui prévu dans la promesse, il n’augmente pas le risque de défaillance de la condition suspensive.

En revanche, s'il demande un prêt d'un montant supérieur, il fragilise, voire rend impossible la levée de la condition suspensive, car il a des chances sérieuses de se heurter à un refus bancaire. Si tel est le cas, la conditions suspensive est défaillie à ses torts.


III. En résumé

  1. En cas de demande de prêt conforme aux caractéristiques définies dans la promesse de vente : les acquéreurs ne sont pas obligés d'accepter une offre de la banque d’un montant inférieur.  
  2. En cas de demande de prêt inférieure aux caractéristiques définies dans la promesse de vente : le vendeur ne peut s'opposer à la vente, dès lors que les acquéreurs peuvent réger  l'intégralité du prix de la vente (frais notariés compris).  
  3. En cas de demande de prêt inférieure aux caractéristiques définies dans la promesse de vente (durée trop courte ou taux trop bas), l'acquéreur perd le bénéfice de la condition suspensive et ainsi de l'indemnité d'immobilisation.

Me Grégory ROULAND - avocat au Barreau de PARIS

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