Le Code du travail répertorie trois modes de rupture du contrat de travail : la démission, le licenciement ou la rupture conventionnelle. De jurisprudence traditionnelle, la rupture à l'initiative du salarié devait être « claire et non équivoque » pour recevoir la qualification de démission, de sorte que lorsque le salarié invoquait des manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles, la Cour de cassation considérait que la démission n'était pas claire et non équivoque et devait être considérée comme un licenciement. C'est ainsi qu'est apparu la notion d' « autolicenciement ».
Face à cette situation, l'employeur adoptait des solutions diverses :
- soit, il constatait qu'en l'absence d'une démission claire et non équivoque, le contrat de travail n'était pas rompu,
- soit, il constatait l'abandon de fonctions du salarié et procédait à son licenciement pour faute grave,
- soit, il constatait que les griefs n'étant pas établis, il s'agissait en réalité d'une démission.
L'arbitrage de la Cour de cassation étant attendu, elle décida par un arrêt du 25 juin 2003 de remettre en cause les pratiques antérieures, de sorte que dorénavant « lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ». Aujourd'hui, l'employeur ne peut donc qu'enregistrer la démission de son salarié et attendre, le cas échéant, la disqualification par le juge. Mais pour arriver à requalifier la démission en un licenciement abusif, il appartient au salarié de justifier des manquements de son employeur, manquements qui doivent être considérérés comme suffisants pour rendre inéluctable la rupture.
A partir de là, la Cour de cassation a affiné sa jurisprudence. Elle a progressivement admis qu'une démission, même non motivée ou motivée pour des raisons personnelles, pouvait tout de même être requalifiée en un licenciement. Mais dans tous les cas, le juge doit rechercher s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque. C'est l'intérêt de l'arrêt rendu le 19 décembre 2007 par la Cour de cassation. En effet, dans cette affaire, le salarié avait démissionné par courrier sans invoquer un quelconque manquement de son employeur (par exemple, non paiement des salaires, modification de son contrat, harcèlement...). Puis, un an plus tard, il s'est adressé au Conseil de prud'hommes pour obtenir la requalification de sa démission en un licenciement abusif en invoquant des frais professionnels non payés.
Que dit la Cour de cassation ? Elle rappelle d'abord que la lettre de démission du salarié ne comportait aucune réserve et manifestait ainsi clairement sa volonté de mettre fin au contrat. Elle ajoute que le salarié ne justifiait par ailleurs pas d'un différend antérieur ou contemporain de la démission et qui l'aurait opposé à son employeur. Elle termine par relever que la contestation de la rupture n'avait été élevée que plusieurs mois plus tard, « ce dont il résultait que rien ne permettait de remettre en cause la manifestation de sa volonté claire et no équivoque de démissionner ».
Par conséquent, et dans la droite ligne de ce qui avait été jugé le 9 mai 2007, pour que la remise en cause d'une démission sans réserves soit accueillie, il appartient au salarié ;
- de justifier d'un différend antérieur ou contemporain de sa démission,
- d'établir l'existence d'un lien de causalité entre ces manquements et son acte de démission,
- d'établir le caractère suffisant des manquements imputés à l'employeur,
- et de contester rapidement sa démission.
Soc. 19 décembre 2007 n° 06-42.550
Jean-Philippe SCHMITT,
Avocat à DIJON (21)
Spécialiste en Droit du Travail
03.80.48.65.00
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