Bail commercial : procédure collective du locataire, quelles conséquences pour le bailleur qui a déjà engagé la procédure judiciaire ?
Revenons sur l’arrêt rendu par la Cour d'appel, Paris, Pôle 1, chambre 8, 24 Mai 2024 – n° 24/01114
Faits :
Un bail commercial est consenti le 30 novembre 2017.
Le 29 juin 2023, le bailleur assigne la locataire devant le juge des référés aux fins de constat de la résolution du bail par l'effet de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers, expulsion de la locataire et condamnation de cette dernière à lui payer, à titre provisionnel, la somme de 433.998,01 euros arrêtée au 17 avril 2023, outre les loyers échus jusqu'au prononcé de la décision, une pénalité forfaitaire de 43.399,80 euros ainsi qu'une indemnité d'occupation calculée forfaitairement sur la base du double du dernier loyer exigible outre les charges et accessoires.
Le 6 novembre 2023, le juge des référés a constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail, ordonné l'expulsion de la locataire et condamné cette dernière à payer au bailleur, à titre provisionnel, la somme de 433.998,01 euros et une indemnité d'occupation égale au montant du loyer, augmentée des charges, taxes et accessoires qu'elle aurait dû payer si le bail ne s'était pas trouvé résilié, jusqu'à complète libération des lieux ;
Le 29 décembre 2023, la locataire fait appel de cette décision.
Le 17 janvier 2024, le tribunal de commerce prononce l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la locataire et désigne un administrateur judiciaire et un mandataire judiciaire.
Arguments de la locataire :
En appel, la locataire et les organes de la procédure collective soulèvent le fait que l’ordonnance de référé est devenue caduque du fait de l'ouverture de la procédure collective.
Rappel de la règle de l’article L.622-21 du Code de commerce :
« I.-Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.[…] ».
C’est la règle de l’arrêt des poursuites.
Analyse de la cour d’appel :
1. La cour d’appel rappelle la règle de l’arrêt des poursuites.
Conséquence : l'action introduite par le bailleur avant l'ouverture du redressement ou de la liquidation judiciaire du preneur, en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail commercial pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure ne peut, dès lors qu'elle n'a donné lieu à aucune décision passée en force de chose jugée, être poursuivie après ce jugement.
Le fait que le jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la locataire soit intervenu au cours de la procédure d’appel est sans incidence.
Pourquoi ?
Parce que l’ordonnance de référé n'était pas passée en force de chose jugée lors du jugement d'ouverture de la procédure collective … en raison de l’appel.
Cela signifie que l'action en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure ne peut être poursuivie.
2. Autre point tranché par la cour d’appel : la demande de provision obtenue au profit du bailleur en première instance.
La demande de provision est également affectée par l'ouverture de la procédure collective de la locataire.
La cour d'appel, qui dans cette affaire statue dans le cadre d'une instance en référé, qui tend à obtenir une condamnation provisionnelle, ne peut rendre une décision définitive sur l'existence et le montant de cette créance.
La créance du bailleur doit suivre le circuit classique de déclaration de créance, procédure normale de vérification et décision du juge-commissaire.
Rappel : le bailleur doit déclarer sa créance dans le délai de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture de la procédure collective du débiteur au BODACC (https://www.bodacc.fr/).
Si l’ouverture de la procédure collective paralyse l’action du bailleur pour les dettes de loyers et charges antérieures en l’absence de décision de justice définitive, il reste que le bailleur retrouve sa liberté d’action en cas de non paiement des loyers et charges postérieurs au jugement d'ouverture de la procédure collective.
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Nawal BELLATRECHE-TITOUCHE
Avocate spécialiste en droit immobilier
Formatrice en droit immobilier
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NB : cet article n’est pas généré par l’IA
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