Voir note Vial-Pedroletti, rev. "loyers et copropriété", 2016, n° 1, p. 15.

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 19 novembre 2015
N° de pourvoi: 14-24.612
Publié au bulletin Cassation partielle

M. Chauvin (président), président
SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, SCP Boulloche, avocat(s)

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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1719 du code civil ;

Attendu que le bailleur est obligé, par la nature du contrat et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de faire jouir paisiblement de la chose louée le preneur pendant la durée du bail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 juin 2014), que la société Neolog est locataire de locaux appartenant à la société civile immobilière Entre Meurthe et Brot (la SCI) ; que la SCI a entrepris en 2007 des travaux de remplacement de la toiture de l'immeuble composée de plaques de fibrociment contenant de l'amiante dont elle a confié la réalisation à la société Coanus ; qu'à la demande de condamnation en paiement d'un arriéré de loyers d'avril et mai 2008, la locataire a opposé qu'elle avait été contrainte, en avril 2008, d'évacuer son personnel qui n'a pu réintégrer les locaux que le 1er juin 2008 après levée des réserves le 30 mai 2008, en raison d'un risque de propagation d'amiante identifié par l'inspection du travail dans ses lettres des 7 et 11 avril 2008 ;

Attendu que, pour écarter l'exception de non-exécution opposée par la locataire, l'arrêt retient que les prélèvements d'air, effectués le jour-même de la visite du contrôleur du travail, se sont révélés négatifs, qu'il ne ressort d'aucune des deux lettres précitées qu'il ait été signifié à l'employeur, dans les formes appropriées des mesures contraignantes telles que l'évacuation des locaux ou l'arrêt temporaire d'activité, que la société Coanus, professionnel qualifié pour le traitement amiante, a adressé dès le 15 avril 2008 une réponse motivée au contrôleur du travail qui ne s'est plus manifesté par la suite et que la société Neolog, qui a fait choix d'évacuer sans délais les locaux donnés à bail alors qu'elle n'y était pas contrainte par une décision administrative, ne démontre pas la faute du bailleur ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que, le 11 avril 2008, l'inspecteur du travail, connaissance prise des résultats négatifs de prélèvements, soulignait l'impossibilité d'affirmer que la poursuite des travaux dans les conditions constatées ne présentait aucun risque pour les salariés, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions condamnant la société Neolog à payer à la SCI Entre Meurthe et Brot la somme de 30 462,19 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2008, intérêts capitalisés dans les termes de l'article 1154 du code civil, et déboutant la société Neolog de ses demandes à l'encontre de la SCI Entre Meurthe et Brot, l'arrêt rendu le 4 juin 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne la société Entre Meurthe et Brot aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Entre Meurthe et Brot à payer la somme de 3 000 euros à la société Neolog ; rejette la demande de la société AME ;