Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 18 février 2016
N° de pourvoi: 14-18.004
Non publié au bulletin Rejet

M. Chauvin (président), président
Me Le Prado, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Boutet-Hourdeaux, SCP Foussard et Froger, avocat(s)

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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 19 novembre 2008 et 19 mars 2014), que M. X... a entrepris divers travaux de démolition puis de reconstruction sur son terrain ; que sont intervenus à l'opération de construction, M. Y..., maître d'oeuvre, assuré auprès de la société Mutuelles du Mans, la société Est terrassements, chargée du lot démolition et terrassement, assurée auprès de la MAAF, l'entreprise Z..., chargée d'une partie du lot « gros-oeuvre », assurée auprès de la société Axa assurances devenue la société Axa France IARD (société Axa) ; que M. et Mme A..., voisins de M. X..., se plaignant de troubles anormaux du voisinage, ont, après expertise, assigné celui-ci en indemnisation de leurs préjudices ; que M. X... a sollicité la garantie de la société Est terrassements, de l'entreprise Z..., de M. Y... et de leurs assureurs ;

Sur le premier et le deuxième moyens, réunis :

Attendu que M. X... fait grief au premier arrêt de le condamner, au titre de la réparation des troubles anormaux du voisinage, à verser certaines sommes à M. et Mme A..., alors, selon le moyen :

1°/ que dans ses conclusions d'appel, M. X... soutenait qu'un certain nombre de désordres ne pouvaient être imputés aux travaux qu'il avait entrepris dans la mesure où ces désordres préexistaient à l'engagement des travaux ; que les premiers juges avaient retenu pour partie cet argumentaire ; que les constatations d'un huissier de justice et l'énoncé imprécis de l'expert ¿ qui n'était d'ailleurs pas chargé de se prononcer sur l'origine des désordres et leur date d'apparition ¿ suivant laquelle « l'exécution des travaux ne pouvait aboutir qu'à des protestations des voisins par manque de précaution » étaient insuffisantes pour faire la lumière sur le moyen concernant la date d'apparition des désordres et l'antériorité de cette date par rapport à l'engagement des travaux ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point qui était de nature à exclure tout droit à réparation, à l'égard de certains désordres, les juges du second degré ont privé leur décision de base légale au regard des règles gouvernant les troubles anormaux de voisinage ;

2°/ que les juges du fond ont estimé que l'imputabilité aux phénomènes ayant justifié l'état de catastrophe naturelle ne pouvait être retenue ; que si cet énoncé pouvait peut-être écarter l'imputation des désordres à un certain phénomène, il laissait entière la question de l'antériorité des désordres ; que de ce point de vue également, l'arrêt souffre d'un défaut de base légale, s'agissant de la question de l'antériorité des désordres au regard des règles gouvernant les troubles anormaux de voisinage ;

3°/ que l'idée que M. X... aurait dû prendre des précautions ou encore les considérations relatives à la date du permis de construire ne dispensaient en aucune façon les juges du fond de s'expliquer sur la chronologie pour établir l'antériorité ou non des désordres invoqués, et de ce point de vue, l'arrêt souffre à nouveau d'un défaut de base légale au regard des règles gouvernant les troubles anormaux de voisinage ; que l'arrêt souffre à nouveau d'un défaut de base légale au regard des règles gouvernant les troubles anormaux de voisinage ;

4°/ que le droit à réparation sur le fondement des troubles anormaux de voisinage ne peut être total dès lors qu'une faute peut être imputée à la partie qui se prévaut du dommage ; qu'en l'espèce, M. X... faisait valoir que M. et Mme A... avaient empiété sur la propriété de M. X... et l'avaient ainsi contraint à s'écarter du pignon de leur construction ; qu'en s'abstenant de rechercher si, à raison de cette faute, le droit à réparation ne devait pas être exclu ou à tout le moins réduit, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des règles gouvernant les troubles anormaux de voisinage ;

5°/ qu'en s'abstenant de s'expliquer sur la nécessité où se trouvaient M. et Mme A... ¿ pour se conformer aux règles d'usage ¿ de renforcer les fondations préalablement à la réalisation d'un étage supplémentaire, la maison étant assise sur des argiles vertes, les juges du fond ont de nouveau privé leur décision de base légale au regard des règles gouvernant les troubles anormaux de voisinage ;

6°/ qu'en s'abstenant de s'expliquer sur le point de savoir, comme le relevait M. X..., si M. A... n'aurait pas dû réaliser des chaînages en élévation pour rigidifier l'ensemble de la construction afin d'éviter les déformations, les juges du fond, ont privé leur décision de base légale au regard des règles régissant les troubles anormaux de voisinage ;

Mais attendu qu'ayant retenu, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve soumis à son examen, que l'expert avait constaté une fissure verticale sur le mur pignon et une dégradation de la façade du pavillon de M. et Mme A..., qu'il imputait aux travaux de M. X..., et que ce pavillon s'inclinait vers le chantier, provoquant des fissures à chaque niveau, la cour d'appel, qui a constaté que les défauts d'étanchéité entre les bâtiments ne faisaient plus l'objet de réclamations, a, sans être tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, légalement justifié sa décision ;

Sur le troisième et le quatrième moyens, réunis :

Attendu que M. X... fait grief au second arrêt de rejeter ses demandes en garantie, alors, selon le moyen :

1°/ que lorsqu'il est condamné au titre des troubles de voisinage, le maître d'ouvrage peut agir contre le constructeur en se prévalant des droits du tiers dès lors qu'il a été condamné à l'égard de ce tiers sans qu'il soit besoin d'un paiement ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les règles gouvernant les troubles anormaux de voisinage ;

2°/ que le maître d'ouvrage dont la responsabilité est recherchée sur le fondement des troubles anormaux de voisinage, peut solliciter la condamnation des constructeurs, en se prévalant des droits du tiers, dès lors qu'il fait l'objet d'une demande de la part de ce tiers ; qu'en décidant le contraire, s'agissant des sommes réclamées par M. et Mme A... dans le cadre de la procédure postérieure à l'arrêt du 19 novembre 2008, les juges du fond ont de nouveau violé les règles gouvernant les troubles anormaux de voisinage ;

3°/ que dans le cadre de son arrêt du 19 novembre 2008, la cour d'appel de Paris avait retenu que certains désordres étaient imputables à M. X..., en retenant notamment que, selon l'expert judiciaire « l'exécution des travaux ne pouvait aboutir qu'à des protestations des voisins par manque de précaution », et encore que si même « la construction de M. et Mme A... était fragile » mais « la difficulté pouvait être surmontée en prenant des précautions d'usage lors des terrassements » ; qu'en retenant, aux termes de sa décision du 19 mars 2014 et sur l'appel en garantie s'agissant des manques de précautions dans la conduite des travaux, que l'expert judiciaire n'a pas été affirmatif quant au lien entre les travaux des entreprises de démolition-terrassement ou de gros oeuvre, compte tenu de l'ancienneté du pavillon, et que s'il évoque des fissures verticales ouvertes consécutivement aux vibrations du chantier de M. X..., il a retenu ce fait comme établi sans explication supplémentaire tout en considérant, in fine, que les seules fautes concernaient l'absence préalable de constat préalable aux travaux, sans rechercher si, l'arrêt du 19 novembre 2008 ayant été rendu en présence des constructeurs, l'autorité de chose jugée attachée à cette première décision n'imposait pas de considérer qu'il y avait un lien entre les travaux entrepris sur la propriété de M. X... et les désordres invoqués par M. et Mme A..., les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 480 du code de procédure civile et 1351 du code civil ;

4°/ que si même les conditions de l'autorité de la chose jugée ne sont pas remplies, dès lors qu'une partie se prévaut d'une décision de justice, précédemment rendue, pour établir un point de fait, les juges du fond ont l'obligation de s'expliquer sur les constatations résultant de cette décision de justice ; en l'espèce, examinant le droit à réparation de M. et Mme A... à l'encontre de M. X..., les juges du fond, dans l'arrêt du 19 novembre 2008, ont imputé les désordres liés au chantier à M. X... en relevant notamment que, selon un premier expert, l'exécution des travaux ne pouvait aboutir qu'à des protestations des voisins par manque de précaution, ou encore que si même la construction de M. et Mme A... était fragile, elle pouvait être surmontée en prenant des précautions d'usage lors des terrassements ; en s'abstenant de s'expliquer sur ces constatations et leur force probante, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 1137 et 1147 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a retenu à bon droit que M. X..., qui ne justifiait pas avoir indemnisé les préjudices résultant des troubles anormaux du voisinage, n'était pas subrogé dans les droits de M. et Mme A... ;

Attendu, d'autre part, que, le premier arrêt n'ayant pas autorité de la chose jugée s'agissant de la responsabilité des constructeurs à l'égard de M. X..., la cour d'appel, a, sans être tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;