Pour en savoir plus : voir « Traité de la responsabilité des constructeurs », par A. CASTON, F.-X. AJACCIO, R. PORTE et M. TENDEIRO, 7ème édition (960 pages), septembre 2013, éd. « Le Moniteur », page 899.

Cour de cassation

chambre civile 2

Audience publique du jeudi 21 mars 2013

N° de pourvoi: 12-15.304

Non publié au bulletin Rejet

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 11 janvier 2012) et les productions que la société " Société générale " (la banque), propriétaire d'un volume dans le centre commercial de la Coupole à la Défense, a assigné, en référé, l'Etablissement public pour l'aménagement de la région de la Défense (l'EPAD), devenu l'Etablissement public pour l'aménagement de la Défense Seine-Arche (l'EPADESA), ainsi que les sociétés d'assurances CNA Insurance compagny Ltd, Axa France IARD et AGF IART, devenue la société Allianz IARD, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, afin que soit ordonnée une expertise en vue d'examiner les travaux envisagés et fournir tous éléments permettant de déterminer les responsabilités et préjudices éventuels ;

Attendu que l'EPADESA fait grief à l'arrêt d'ordonner une mesure d'expertise et de désigner deux experts judiciaires, avec la mission détaillée au dispositif de l'ordonnance du 26 mars 2010, alors selon le moyen :

1°/ que, pour apprécier l'existence d'un motif d'intérêt légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile, il appartient au juge de rechercher si les faits dont il s'agit de conserver ou d'établir la preuve, au moyen de la mesure sollicitée, sont de nature à exercer une influence sur l'issue d'une action qui n'apparaît pas manifestement vouée à l'échec ; que l'EPADESA a soutenu qu'aucun motif légitime ne justifiait d'ordonner la mesure d'instruction que sollicitait la Société générale en vue de rechercher par la suite sa responsabilité sur le fondement de la théorie des troubles du voisinage dès lors qu'une telle action était vouée à un échec certain en raison des liens contractuels unissant les deux parties qui avaient adhéré à l'Union Leclerc ; qu'en affirmant, pour retenir l'existence d'un motif d'intérêt légitime, que la théorie des troubles du voisinage était applicable aux rapports entre la Société générale et l'EPADESA qui devait répondre des inconvénients anormaux résultant de l'exécution des travaux de rénovation dans les volumes de passage dont il était propriétaire au sein du centre commercial, à la suite des annonces successives de fermeture du centre commercial, de la fermeture du centre commercial et de l'incertitude sur les projets de restructuration du centre, au lieu de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le principe de non-cumul des deux ordres de responsabilité ne constituait pas un obstacle manifeste au succès de l'action en responsabilité que la Société générale se proposait d'engager contre l'EPADESA en raison des troubles de voisinage dès lors que chacune des parties étaient liées l'une à l'autre par un contrat, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser l'existence d'un motif d'intérêt légitime ; qu'ainsi, elle a privé sa décision de base légale au regard l'article 145 du code de procédure civile, ensemble l'article 1147 du code civil et le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui, un trouble anormal de voisinage ;

2°/ qu'en s'abstenant de répondre au moyen tiré de ce que le principe de non-cumul des deux ordres de responsabilité interdisait à la Société générale de solliciter une mesure d'instruction in futurum en vue de rechercher la responsabilité de l'EPADESA pour troubles de voisinage dès lors qu'ils avaient tous deux adhéré aux statuts de l'Union Leclerc, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que l'EPADESA a rappelé que l'article 2. 1 du règlement intérieur de l'Union Leclerc prévoit expressément que « les membres doivent souffrir sans indemnité l'exécution des travaux et réparations qui deviendraient nécessaires aux ouvrages d'intérêt collectif ou qui seraient décidés par l'Union Leclerc, quelle qu'en soit la durée » ; qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions par lesquelles l'EPADESA a soutenu que l'application du règlement intérieur manifeste constituait un obstacle manifeste à l'action en responsabilité pour trouble de voisinage que la Société générale se proposait d'engager à son encontre et qui privait la mesure sollicitée de tout motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que le juge doit respecter et faire respecter le principe du contradictoire ; qu'en relevant de sa propre initiative le moyen tiré de ce que l'EPADESA s'était engagé à indemniser les commerçants lors de la réunion de son conseil d'administration du 5 novembre 2010, aux termes d'un courrier du préfet des Hauts-de-Seine du 15 novembre 2010, sans inviter les parties à en débattre, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant rappelé que seule une prétention manifestement vouée à l'échec commanderait le rejet de la mesure, que les parties étaient opposées sur la possibilité d'une responsabilité fondée sur l'existence d'un trouble anormal de voisinage et qu'il avait été judiciairement enjoint à l'EPAD d'exécuter les travaux puis relevé que la banque avait vu son exploitation perturbée en raison des annonces successives de fermeture du centre, de l'obligation de fermeture provisoire fin 2010 de son agence et de l'incertitude sur les projets de restructuration totale du centre commercial, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la quatrième branche, motivant sa décision, a retenu que la banque justifiait d'un motif légitime de recourir à une mesure d'instruction ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

condamne l'Etablissement public pour l'aménagement de la Défense Seine-Arche aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la Société générale la somme de 2 500 euros et à la société Allianz IARD celle de 1 500 euros ;