Cour de cassation

chambre civile 1

Audience publique du mercredi 13 mars 2013

N° de pourvoi: 12-20.573

Publié au bulletin Rejet

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 mars 2012), que la société Coop Atlantique, société coopérative de consommateurs liée à la société Carrefour par des contrats d'enseigne conclus en 1997 pour l'exploitation de plusieurs hypermarchés et supermarchés, a constitué avec celle-ci une filiale commune, Carcoop, détenue à parité par ses fondatrices ; que les relations entre les associées au sein de cette dernière ont été régies par un contrat de partenariat et management, dont l'article 9 tel qu'amendé par avenant de 1986, prévoit qu'en cas de prise de contrôle de l'une d'elles par un concurrent, l'autre aura la faculté de demander à la première de lui céder sa participation ; que des différends étant survenus entre les parties, la société Coop Atlantique a mis en oeuvre la clause d'arbitrage insérée au contrat ; qu'un tribunal arbitral ad hoc, dont le président était M. X..., statuant en amiable composition, a, par une sentence rendue à Paris le 13 décembre 2010, dit, en substance, que les titres des sociétés Carcoop et Carcoop France ainsi que la valeur des six hypermarchés exploités par ces sociétés devraient être appréciés par des experts désignés par les parties, que la société Carrefour devrait acquérir tous les titres détenus par la société Coop Atlantique dans les filiales communes et vendre trois hypermarchés choisis par elle à celle-ci, sans obligation de maintien par celle-ci de l'enseigne Carrefour ; que, le 3 février 2011, la société Carrefour a formé un recours contre cette sentence ; que la société Coop Atlantique ayant sollicité du tribunal arbitral une interprétation de sa sentence, la société Carrefour a saisi d'une demande de récusation de M. X..., le président du tribunal de grande instance de Paris en tant que juge d'appui, qui l'a rejetée, par ordonnance du 22 juillet 2011 ;

Sur le premier moyen, qui est recevable :

Attendu que la société Carrefour fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation de la sentence arbitrale, alors, selon le moyen, que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a été tranché dans le dispositif des jugements, au regard d'une triple identité, de parties, de cause et d'objet ; que le juge d'appui n'a pas compétence pour se prononcer sur une sentence arbitrale ; qu'en l'espèce, après qu'a été rendue la sentence arbitrale du 13 décembre 2010, la société Carrefour a découvert que la société Cabinet CMS-Bureau Francis Lefebvre, dont le président de ce tribunal, M. X..., était associé, était le conseil de la société Système U Est, alors que cette société était directement intéressée à l'exécution de la sentence ; que l'objet de la saisine du juge d'appui a dès lors été, sans remettre en cause la sentence elle-même, de faire juger qu'au regard de cette révélation « le maintien de M. X... au sein du tribunal arbitral compromettrait le droit de Carrefour à un tribunal indépendant et impartial » dans le cadre de la procédure en interprétation de la sentence rendue ; qu'ainsi, la décision du juge d'appui n'a pu, dans le cadre de cet objet, que décider que, postérieurement à la sentence, aucune cause de récusation n'était établie pour empêcher M. X... de poursuivre sa mission pour interpréter ladite sentence ; qu'en revanche, la demande présentée au juge de l'annulation avait pour objet de dire et juger que la sentence elle-même était nulle ; qu'en jugeant dès lors que cette demande était irrecevable parce qu'elle avait le même objet que celle qui avait déjà été irrévocablement jugée par l'ordonnance rendue le 22 juillet 2011 par le juge d'appui, la cour a violé l'article 1351 du code civil, ensemble l'article 1492-2 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que la demande de récusation d'un des arbitres pour défaut d'indépendance et d'impartialité avait été rejetée par le juge d'appui et que la société Carrefour fondait sa demande d'annulation de la sentence arbitrale sur les mêmes circonstances, en relevant que l'objet de la contestation était identique dans les deux instances et que la société Carrefour n'excipait d'aucun élément nouveau survenu après l'ordonnance du juge d'appui, la cour d'appel en a exactement déduit que la décision de rejet de la demande de récusation ayant irrévocablement statué sur la contestation de l'indépendance et l'impartialité de cet arbitre, le moyen d'annulation tiré de l'irrégularité de la composition du tribunal arbitral était irrecevable ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deuxième et troisième moyens réunis, pris en leurs diverses branches, ci-après annexés :

Attendu que la société Carrefour fait les mêmes griefs à l'arrêt ;

Attendu que l'arrêt constate, en premier lieu, que l'article 9 du contrat de partenariat, tel qu'amendé en 1986, prévoyait un mécanisme permettant de dénouer le partenariat capitalistique de la société Carcoop et que la clause compromissoire soumettait à l'arbitrage toutes contestations relatives à l'interprétation et à l'exécution de la convention, en second lieu qu'après la réouverture des débats ordonnée par le tribunal arbitral, la prorogation du délai de reddition de la sentence ayant été acceptée par les deux parties, la société Coop Atantique a, par mémoire du 24 septembre 2010, demandé que soit recherchée, en amiable composition, une solution pouvant consister dans l'acquisition des parts de la société Carrefour, ou dans la cession de sa propre participation ou encore dans un partage des actifs de la société Carcoop, et que la société Carrefour y a répondu par une note du 6 octobre 2010, sans répondre aux nouveaux éléments avancés par la société Coop Atlantique, qu'en retenant que la mission des arbitres consistait à fixer les modalités d'une sortie équitable du partenariat, sans s'attacher uniquement à l'énoncé des questions litigieuses dans l'acte de mission, et que la société Carrefour avait été mise en mesure de débattre de l'ensemble des termes du litige, la cour d'appel en a exactement déduit, hors dénaturation, que la demande formée par la société Coop Atlantique après la réouverture des débats entrait dans les prévisions de la convention d'arbitrage à laquelle il fallait donner un effet utile, de sorte que les arbitres, qui n'avaient pas à soumettre à la discussion des parties l'argumentation juridique étayant leur motivation, n'ont manqué ni à leur mission ni au principe de la contradiction ; que les moyens ne sont pas fondés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Carrefour aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Carrefour, la condamne à payer à la société Coop Atlantique la somme de 3 000 euros ;