Pour en savoir plus : voir « Traité de la responsabilité des constructeurs », par A. CASTON, F.-X. AJACCIO, R. PORTE et M. TENDEIRO, 7ème édition (960 pages), septembre 2013, éd. « Le Moniteur », page 721.

Deux arrêts rendus le même jour et publiés tous deux au Bulletin reviennent sur le régime de responsabilité des désordres pour dommage intermédiaire.

Tous deux sont commentés ci-dessous par M. BOUGUIER, ainsi qu'également par :

- Mme. PAGES DE VARENNE, Revue « CONSTRUCTION URBANISME », 2013, n° 4, avril, p. 32.

- M. MALINVAUD, Revue de droit immobilier, « RDI », 2013, p. 223 (arrêt n° 11-22.427 seulement).

- MM. Tournafond et Tricoire, Revue de droit immobilier 2013 p. 329, (n° 11-28.376).

- M. LIONEL-MARIE, Revue trimestrielle de droit immobilier (RTDI), 2013, n° 2, p. 31.

- Mme GAVIN-MILLAN-OOSTERLYNCK, Revue trimestrielle de droit immobilier (RTDI), 2013, n° 2, p. 32.

COMMENTAIRE :

Le premier arrêt (publié ci-dessous : C.Cass.Civ.3 , 13 février 2013, pourvoi 11-28.376) n'est pas inédit et vient répéter ce qu'une précédente décision avait déjà posé le 6 octobre 2010 (pourvoi 09-66.521) à propos de l'obligation du vendeur d'immeuble au titre des vices cachés, à savoir qu'il faut démontrer, en dehors de l'hypothèse d'un désordre décennal, la faute du promoteur en lien avec le désordre.

Le second arrêt (également publié ci-dessous C.Cass.Civ.3, 13 février 2013, pourvoi 11-22.427) est plus remarquable.

En l'espèce, l'entreprise générale avait constitué un groupement dont elle était le mandataire. Après réception de l'ouvrage sans réserves, la copropriété avait dénoncé l'apparition de tâches brunâtres sur le parement de façade en pierre, ce qui correspond à la migration du mastic en silicone au travers de la pierre, phénomène depuis bien connu des techniciens.

L'expert judiciaire avait imputé le désordre à la fois au maître d'oeuvre, pour son manque de vigilance, et aussi au titulaire du lot pour l'utilisation de silicone lors du collage de la pierre en façade.

Le juge d'appel condamna ainsi l'architecte, le titulaire du lot (en liquidation cependant) et l'entreprise générale, in solidum, sur le fondement des vices intermédiaires.

Dans son pourvoi, l'entreprise générale critiquait la décision en ce qu'elle n'avait pas relevé sa faute personnelle dans la survenance du dommage.

Plus précisément, elle faisait observer que son obligation solidaire de mandataire du groupement découlait certes du CCTP, mais que cette obligation contractuelle prenait fin avec la réception de l'ouvrage, et, en tout cas, à l'expiration du délai de parfait achèvement pour les réserves éventuelles.

L'argument se tient. On sait en effet qu'en matière de marchés publics, et conformément au CCAG travaux (article 2.31), le mandataire d'un groupement conjoint n'est plus solidaire à l'expiration du délai de parfait achèvement.

L'auteur du pourvoi avait d'ailleurs insisté sur ce point, tandis que le maître d'oeuvre opposait, avec malice, que rien ne permettait de conclure que le CCAG avait inspiré la rédaction du CCTP pour cette opération en VEFA.

Pourtant, il était clair que la solidarité découlait spécifiquement de l'exercice du mandat : « le mandataire est solidaire, vis-à-vis du maître de l'ouvrage, de l'ensemble des entreprises du groupement et s'engage, en cas de faillite, à remplacer l'entreprise défaillante sans demander une augmentation du prix ou une prolongation de délais. Les entreprises, autres que le mandataire, ne sont pas solidaires entre elles. Le mandataire est responsable, vis-à-vis du maître de l'ouvrage, du parfait achèvement, de la qualité et du respect du prix des ouvrages ».

Or, le mandat expirait en principe après l'exécution du marché, le groupement étant momentané. Il ne pourrait en être différemment que si une clause en disposait ou, toujours par analogie avec le CCAG, si le groupement était solidaire au lieu d'être conjoint.

Pour autant, la 3ème chambre civile a approuvé la décision d'appel, le mandataire devant répondre de la qualité des ouvrages solidairement avec les membres du groupement même après la réception. Cette solution tranche nettement avec celle qui prévaut en droit public (CE 15 juin 1983, société Solétanche).

Jean-Luc BOUGUIER

Cour de cassation

chambre civile 3

Audience publique du mercredi 13 février 2013

N° de pourvoi: 11-28.376

Publié au bulletin Cassation partielle

Sur le moyen unique :

Vu les articles 1147 et 1646-1 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 24 octobre 2011), qu'en 1998, la société civile immobilière Patrimoine Urbain Vitry (la SCI), aux droits de laquelle se trouve la société Kaufman and Broad, a entrepris la construction d'un immeuble à usage d'habitation qu'elle a vendu par lots en l'état futur d'achèvement ; qu'une mission limitée à la conception architecturale sans direction de travaux a été confiée à M. X..., architecte, la mission de maîtrise d'oeuvre d'exécution à la SCIB et le contrôle technique à la société CEP ; que la société civile immobilière GMB Lahournère (la SCI GMB) a acquis un appartement situé au cinquième étage, mais n'a pas réglé l'intégralité du prix en raison de l'existence d'infiltrations apparues sur sa loggia en provenance du sol du balcon de l'appartement du sixième étage ; que la SCI a assigné la SCI GMB en paiement du solde du prix de l'appartement et qu'une expertise a été ordonnée ;

Attendu que pour retenir la responsabilité de la société Kaufman and Broad et la condamner à faire réaliser les travaux préconisés par l'expert et à payer diverses sommes, l'arrêt retient que le vendeur d'immeuble à construire, tout comme les constructeurs, répond des dommages intermédiaires en cas de faute de sa part et que la défaillance de la société Kaufman and Broad est caractérisée pour avoir manqué à son obligation de remettre à l'acquéreur un ouvrage, objet du contrat, exempt de vices ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser la faute du vendeur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que la responsabilité de M. X... ne peut être recherchée par la SCI GMB au titre du désordre affectant la terrasse du sixième surplombant sa loggia, déboute cet acquéreur de toute demande de ce chef, déboute M. X... de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive, condamne la SCI GMB à payer à la société Kaufman and Broad la somme de 9 924,43 euros représentant le solde du prix de vente, l'arrêt rendu le 24 octobre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur le surplus, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée ;

Condamne la SCI GMB Lahournère aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Cour de cassation

chambre civile 3

Audience publique du mercredi 13 février 2013

N° de pourvoi: 11-22.427

Publié au bulletin Rejet

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 mai 2011), que la société Assurances générales de France immobilier, devenue la société Allianz Real Estate France, et la société civile immobilière Le Surmelin (la SCI), ont fait édifier un immeuble, que la SCI a vendu par lots en l'état futur d'achèvement ; qu'une police dommage-ouvrages et une police unique de chantier ont été consenties par la société Allianz ; que sont intervenus M. X..., maître d'oeuvre assuré par la MAF au titre d'une police unique de chantier et d'une police complémentaire, la société SAEP aux droits de laquelle se trouve la société Eiffage construction, chargée du lot gros oeuvre et mandataire commun du groupement momentané des locateurs d'ouvrage, la société Lauval, titulaire du lot revêtement de façade, en liquidation judiciaire ; que la réception des travaux est intervenue sans réserves le 9 mars 1992 ; que le syndicat des copropriétaires s'est prévalu de malfaçons affectant les façades de l'immeuble ; qu'après expertise, le syndicat des copropriétaires a assigné la société AGF immobilier, le Groupement foncier français, M. X..., la société AGF, ès qualités d'assureur PUC, la société SAEP, la MAF, la société Lauval, la SCI et le Bureau Véritas, en réparation des désordres ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que la société Eiffage construction fait grief à l'arrêt de la condamner à indemniser le syndicat des copropriétaires alors, selon le moyen :

1°/ que la responsabilité du constructeur pour les dommages

intermédiaires suppose la démonstration d'une faute d'exécution qui lui soit imputable, au regard de la mission dont il a été chargé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a condamné la société Eiffage construction Val-de-Seine à indemniser in solidum avec l'architecte et son assureur, le syndicat des copropriétaires des conséquences, des dommages affectant le revêtement des façades, qualifiés de dommages intermédiaires, au seul motif qu'elle était mandataire du groupement et, en cette qualité, " garante de la qualité de l'ouvrage réalisé et partant au titre du lot revêtement façades ", elle devait répondre de la faute d'exécution commise par la société Lauval chargée du lot revêtement de façades ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

2°/ que la responsabilité du constructeur pour les dommages

intermédiaires suppose la démonstration d'une faute qui lui soit imputable au regard de la mission dont il a été chargé ; que la cour d'appel a constaté que les travaux affectés des désordres avaient été réalisés par la société Lauval " membre du groupement qui n'avait pas respecté les prescriptions du CCP et du DTU lors de la fixation des pierres de façades ", que dès lors, en condamnant la société SAEP au titre de sa qualité de mandataire du groupement et non la société Lauval qui seule avait réalisé les travaux litigieux, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'article 0. 01. 01 du CCTP prévoyait que la société Eiffage, mandataire du groupement momentané d'entreprises, était " seule et personnellement responsable de l'ensemble des travaux, qu'ils soient exécutés par elle-même ou par ses co-traitants ", que l'article 0. 01. 02 du CCTP prévoyait que " le mandataire se déclare solidaire vis-à-vis du maître de l'ouvrage de l'ensemble des entreprises constituant le groupement " et que l'article 2 de l'engagement du mandataire énonçait que " le mandataire est responsable, vis-à-vis du maître de l'ouvrage, du parfait achèvement, de la qualité et du respect du prix des ouvrages ", la cour d'appel en a exactement déduit que la société Eiffage devait, ès qualités, répondre de la faute d'exécution commise par la société chargée du lot revêtement de façade ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi provoqué, ci-après annexé :

Attendu, d'une part, qu'ayant souverainement relevé que M. X..., chargé d'une mission de maîtrise d'oeuvre complète, avait, faute de pouvoir justifier avoir pris la précaution de vérifier l'absence de risque de migration de composants oléagineux provenant du mastic de silicone mis en oeuvre, manifestement manqué au savoir-faire professionnel propre à son métier, la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes ;

Attendu, d'autre part, que la cour d'appel a souverainement apprécié les modalités et le coût des réparations du désordre ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Eiffage construction, M. X... et la MAF à payer au syndicat des copropriétaires Résidence Le Diament vert la somme de 2 500 euros ; rejette les autres demandes ;