Pour en savoir plus : voir « Traité de la responsabilité des constructeurs », par A. CASTON, F.-X. AJACCIO, R. PORTE et M. TENDEIRO, 7ème édition (960 pages), septembre 2013, éd. « Le Moniteur », page 672.

Etude par Mme. DEHARO, Gaz. Pal., 2013, n° 41, p. 19. A propos de Cass. civ. 1ère n° 12-30.107 et 12-14.439.

Cet arrêt est commenté par :

- Mme. POULIQUEN, Revue LAMY « DROIT CIVIL », mars 2013, p. 16.

- Mme. LE NESTOUR DRELONRevue LAMY « DROIT CIVIL », mars 2013, p. 29.

- M. LEDUC, Revue « RESPONSABILITE CIVILE ET ASSURANCES », 2013, n° 4, avril, p. 8.

- Mme GUEGAN-LECUYER, Gaz. Pal., 2013, n° 111, p. 14.

- M. MEKKI, Gaz. Pal., 2013, n° 156, p. 19.

- M. STOFFEL-MUNCK, SJ G, 2013, p. 2239.

Cour de cassation

chambre civile 1

Audience publique du jeudi 20 décembre 2012

N° de pourvoi: 12-30.107

Non publié au bulletin Acceptation de la requête en indemnisation

Vu l'article 13, alinéa 2, de l'ordonnance du 10 septembre 1817 modifiée ;

Vu l'avis émis le 5 juillet 2011 par le conseil de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation qui a retenu la responsabilité professionnelle de Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;

Vu la requête présentée par les époux Y... et Mme Marie Z... le 23 mars 2012 et leurs observations complémentaires de ce même jour ;

Attendu que, par un acte du 19 novembre 1983, M. Gérard Y... et son épouse, née Colette Z..., ont acquis un appartement situé au premier étage d'un immeuble, que par un autre acte de ce même jour, M. André Z... et son épouse, née Marie A..., ont acquis le droit au bail sur le local commercial sis au rez-de-chaussée du même immeuble, que la vente prévue de ce local aux époux Z... n'a pas pu être régularisée faute de paiement du prix par ces derniers ;

Que les époux Y..., pour réaliser leur acquisition, avaient contracté, le 19 novembre 1983, deux prêts remboursables en vingt ans, l'un de 100 000 francs, l'autre de 247 500 francs ;

Que le vendeur, qui avait fait insérer dans chacun des actes une clause résolutoire subordonnant chaque acte à la bonne fin des autres, a obtenu notamment la résolution de la vente de l'appartement par jugement du 29 novembre 1988, confirmé par arrêt du 10 janvier 1991 ;

Que les époux Y... ont sollicité en 1996 le remboursement du prix de vente versé et l'annulation des prêts puis formé, en 1998, à titre subsidiaire, une demande à l'encontre de M. B..., avocat, en reprochant à celui-ci de n'avoir pas appelé en la cause, dans la précédente instance, les organismes prêteurs, ni demandé la liquidation des conséquences financières de la résolution prononcée ;

Que par arrêt du 16 octobre 2003, la cour d'appel de Lyon, retenant que les époux Y... ne démontraient pas que M. B... avait manqué à son devoir de conseil les a déboutés de leur demande formée à l'encontre de celui-ci ainsi que de celle en résolution des contrats de prêts en estimant qu'ils avaient manifesté une volonté délibérée d'écarter toute interdépendance entre les contrats de prêts et de vente souscrits ;

Attendu que les époux Y... et Mme Marie Z... ont alors chargé Me X... de former un pourvoi contre cet arrêt ; que par arrêt du 1er mars 2005, la Cour de cassation a constaté, en application de l'article 978 du code de procédure civile, la déchéance du pourvoi en tant que dirigé à l'encontre de M. B..., le mémoire en demande ne lui ayant pas été signifié ;

Attendu que les époux Y... et Mme Marie Z... soutiennent que Me X... a ainsi commis une faute leur causant un préjudice, qu'ils sollicitent à titre d'indemnisation la somme de 201 384, 42 euros se décomposant comme suit :

remboursement des prêts.................. 171 050, 13 euros

préjudice moral.................................. 10 000, 00 euros

dépens et frais irrépétibles.................. 20 334, 29 euros

Sur la recevabilité examinée d'office de la demande de Mme Marie Z... après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Attendu que la déchéance du pourvoi en tant que dirigé à l'encontre de M. B... et de l'assureur de ce dernier n'ayant affecté que les droits des époux Y..., Mme Marie Z... est sans intérêt à agir ;

Sur la faute de Me X... :

Attendu que Me X... a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en faisant signifier le mémoire en demande concernant M. B..., non pas à ce dernier, mais à une société d'avocats qui ne venait pas aux droits de celui-ci, alors retraité ;

Sur le préjudice des époux Y... :

Attendu que la déchéance du pourvoi prononcée en conséquence de la faute de Me X... a pour effet d'interdire aux époux Y... de rechercher la responsabilité de M. B... auquel ces derniers reprochaient de ne pas avoir sollicité en temps opportun la restitution du prix de vente et la résolution des prêts consentis pour la réalisation de l'acquisition projetée ;

Attendu que dans leur mémoire en demande, invoquant une inversion de la charge de la preuve, ils sollicitaient, dans le troisième moyen, la cassation de l'arrêt du 16 octobre 2003 de la cour d'appel de Lyon, notamment dans ses dispositions relatives à la responsabilité de M. B... dans la mesure où cet arrêt énonce " qu'il n'est pas démontré par les époux Y... un manquement de M. B... à son devoir de conseil pour ne pas avoir appelé les organismes prêteurs dans la cause initiale, ne pas avoir fait rechercher en temps utile la responsabilité du notaire rédacteur et ne pas avoir demandé reconventionnellement la liquidation des conséquences financières des résolutions prononcées " ;

Attendu que ce moyen aurait eu de sérieuses chances d'aboutir à une cassation dès lors qu'il incombe à l'avocat de prouver qu'il a exécuté son obligation de conseil ; qu'il s'en déduit que le préjudice subi par les époux Y... s'analyse en une perte de chance d'obtenir la prise en charge par M. B... et son assureur des intérêts et frais accessoires des prêts consentis qui, au lieu d'être annulés, ont poursuivi leurs effets ;

Qu'au vu des pièces produites, cette perte appelle à titre d'indemnisation l'allocation de la somme de 82 000 euros en ce compris les dépens et frais irrépétibles mis à leur charge dans les procédures antérieures les ayant opposés à la Caisse d'épargne Loire Drôme Ardèche et au Crédit immobilier de France Forez ; qu'il y a lieu, en outre, de leur allouer celle de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans la présente instance ; qu'en revanche, la preuve d'un préjudice moral n'est pas établi ;

PAR CES MOTIFS :

DECLARE IRRECEVABLE la demande de Mme Marie Z... ;

Condamne Me X... à payer aux époux Y... la somme de 82 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Condamne Me X... aux dépens ;

Vu l'article 700 code de procédure civile, condamne Me X... à payer aux époux Y... la somme de 3 500 euros ;