Lorsqu'elle figure dans un contrat de travail ou un avenant, la clause de non concurrence empêche le salarié d'exercer une activité professionnelle concurrente à la fin de son contrat. Pour être valable, une telle clause doit toutefois répondre à certaines conditions : être limitée dans le temps et dans l'espace, et être assortie d'une contrepartie financière. Même si ces 3 conditions cumulatives sont remplies, encore faut-il que la clause soit « indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise et qu'elle tienne compte des spécificités de l'emploi du salarié » pour être licite.

Ces derniers mois, la Cour de cassation a apporté des précisions importantes en ce qui concerne la contrepartie financière qui, il faut l'avouer, fait l'objet d'un fort contentieux devant les prud'hommes. L'occasion de faire le point sur le régime applicable.

La première règle à rappeler est que la contrepartie soit d'un montant suffisant. Ce montant doit être fixé proportionnellement à la durée et à l'importance de l'atteinte portée à la liberté professionnelle du salarié au regard de ses revenus professionnels antérieurs (notamment compte tenu du champ géographique de la non concurrence). Ainsi, l'ancienneté du salarié au sein de l'entreprise ne peut pas être un critère. Si l'indemnité de non-concurrence est fixée par rapport à un pourcentage du salaire, l'employeur doit la calculer à partir de la rémunération brute du salarié. Et lorsque le salarié a été absent pour maladie dans la période précédant la rupture du contrat et n'a pas perçu sa rémunération habituelle, il faut se référer au salaire normal (c'est ce que les juges ont décidé concernant une salariée ayant le statut de VRP). S'agissant du montant en tant que tel, le plus courant est un taux de 33% du salaire mensuel perçu par le salarié avant son départ, somme qui sera donc versée chaque mois jusqu'au terme de la clause (à moins que le contrat ait prévu un versement intégral dès le début de la clause). Mais il peut très bien être prévu un montant supérieur ou inférieur, la seule limite étant que la contrepartie ne devienne pas dérisoire. Ce caractère dérisoire n'est défni ni par le législateur, ni par la jurisprudence qui a toutefois déjà jugée que le paiement d'une indemnité égale à 1/10ème de salaire brut mensuel par le nombre de mois composant la période de non-concurrence constituait une contrepartie dérisoire. La conséquence est implacable, ce qu'a rappelé la haute juridiction dans une décision du 16 mai 2012 selon laquelle une contrepartie financière dérisoire équivalait à une absence de contrepartie rendant la clause nulle. Dans un tel cas, si le juge n'a aucune latitude pour fixer lui-même le montant de la contrepartie, il octroiera néanmoins des dommages et intérêts au salarié si celui-ci a respecté la clause.

La seconde règle est que la contrepartie financière est due quel que soit le motif de la rupture, peu importe donc qu'il s'agisse d'une démission, d'un licenciement ou même d'une rupture conventionnelle. C'est dans la droite ligne de cette jurisprudence que la Cour de cassation a rappelé, dans un arrêt du 25 janvier 2012, que la stipulation contractuelle minorant en cas de démission la contrepartie financière est réputée non écrite. La clause ne peut en effet conditionner le versement d'une contrepartie au mode de rupture du contrat. Ainsi, notamment, le fait que le salarié ait pu être licencié pour faute n'a aucune incidence sur la contrepartie qui ne saurait dès lors être minorée. Dans tous les cas, la contrepartie est due même si le salarié a retrouvé un emploi immédiatement (peu importe aussi que le salarié ait fait part de son intention de ne pas retravailler ou qu'il ait été déclaré inapte), à moins que l'employeur ait libéré le salarié de l'obligation dans les délais et les formes prescrites.

La troisième et dernière règle est que la contrepartie est due « dès le départ effectif du salarié de l'entreprise ». Dans l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 22 juin 2011, le débat était de savoir si la contrepartie devait être réglée au terme du préavis dispensé ou dès la dite dispense d'exécution. La haute juridiction a tranché en considérant qu'elle était due dès le départ effectif de l'entreprise et donc sans attendre le terme du préavis parallèlement payé.

Pour être complet, il faut préciser que la contrepartie ne peut en aucun cas être réglée en cours de contrat, et qu'elle ouvre droit lors de son versement à congés payés, ce qui signifie qu'elle doit être majorée de 10 %.

Jean-philippe SCHMITT

Avocat à DIJON (21)

Spécialiste en droit du travail

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Article paru dans la revue Ecodocs21 le 26 septembre 2012