Au sein de l'entreprise, l'outil informatique étant un outil de travail, l'on pourrait penser que le salarié ne peut l'utiliser à des fins personnelles. Et bien non puisque la jurisprudence autorise l'usage personnel d'internet et de la messagerie électronique au travail, sauf abus.

Et qu'il y ait ou non une charte informatique dans l'entreprise (qui indique précisément aux salariés ce qu'ils ont droit de faire et ce qui leur est interdit), cette même jurisprudence estime que le secret des correspondances est primordial. Le célèbre arrêt NIKON rendu par la Cour de cassation le 2 octobre 2001 précisait déjà à cette époque ; "le salarié a droit, même au temps et lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée ; celle-ci implique en particulier le secret des correspondances ; l'employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l'employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l'ordinateur" (Soc. 2 octobre 2001).

Mais attention, par défaut, les emails reçus ou adressés sur une boîte mail professionnelle ont un caractère professionnel, ce qui signifie que l'employeur peut en prendre connaissance et même les utiliser au soutien d'une sanction disciplinaire.

Pour préserver sa correspondance électronique "privée", il suffit donc au salarié d'identifier ses messages personnels avec la mention "PERSO", "PERSONNEL"...

Un arrêt intéressant vient d'être rendu le 5 juillet 2011 par la Cour de cassation sur ce sujet.

Dans cette affaire, un salarié avait, avec sa messagerie électronique professionnelle, échangé des messages à caractère érotique et entretenu une correspondance intime avec une salariée de l'entreprise. L'employeur en avait pris connaissance à l'occasion d'un contrôle inopiné de la boite mail de son salarié ; il s'en était alors servi pour prononcer le licenciement dudit salarié.

Dans son arrêt du 5 juillet 2011, la Cour de cassation a réaffirmé le droit pour le salarié, même au temps et au lieu du travail, au respect de l'intimité de sa vie privée. Elle a dès lors estimé que ces échanges de mails n'étaient pas un motif suffisant pour justifier le licenciement, en ajoutant, et c'est là l'intérêt de la décision, que si l'employeur peut toujours consulter les fichiers qui n'ont pas été identifiés comme personnels par le salarié, il ne peut les utiliser pour le sanctionner s'ils s'avèrent relever de sa vie privée.

Ainsi, même un mail non identifié comme "personnel" est protégé dès lors que son contenu révèle qu'il a un caractère privé.

Jean-Philippe SCHMITT

Avocat à Dijon (21)

Spécialiste en droit du travail

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Soc. 5 juillet 2011 n° 10-17284