Dans cette décision intéressante de la Cour de cassation rendue le 11 février 2009, la chambre sociale juge que la privation d'une prime de fin d'année en cas de rupture du contrat pour faute grave constitue une sanction pécuniaire prohibée par les textes, de sorte qu'elle ne pouvait pas être prévue par les dispositions conventionnelles applicables (accords sur les négociations sociales).

En l'espèce, le texte conventionnel instituait une prime liée uniquement à la présence du salarié, comme une prime de fin d'année, de vacances ou de 13ème mois, avec comme condition supplémentaire qu'il n'y ait pas rupture du contrat pour faute grave.

La légitimité d'une telle exclusion à la prime était délicate compte tenu de l'interdiction des sanctions pécuniaires, sanction définie comme une mesure affectant la rémunération du salarié prise par l'employeur en raison d'une exécution fautive du contrat de travail. Il faudrait pour l'employeur subordonner la prime à des conditions d'assiduité ou de rendement, ce qui est par contre parfaitement légal (sous réserve que ce principe s'applique de la même manière à tous les salariés de l'entreprise).

Ce n'était pas la distinction faite par l'employeur qui s'était borné à refuser le versement de la prime de fin d'année en raison de la rupture du contrat pour faute grave. S'agissant d'une sanction disciplinaire et même d'une double sanction pour les mêmes faits, la Cour de cassation a nécessairement sanctionné l'employeur.

Jean-Philippe SCHMITT

Avocat à DIJON (21)

Spécialiste en droit du travail

03.80.48.65.00

Cass. Soc. 11 février 2009 pourvoi n° 07-42.584

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Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du mercredi 11 février 2009

N° de pourvoi: 07-42584

Publié au bulletin Cassation partielle

Mme Collomp, président

Mme Grivel, conseiller rapporteur

M. Petit, avocat général

SCP Bachellier et Potier de la Varde, SCP Vincent et Ohl, avocat(s)

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M. X..., qui avait été engagé le 19 mai 1999 en qualité d'employé commercial de caisse par la société Europa Discount ED, a été licencié le 17 novembre 2004 pour faute grave ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de paiement de diverses indemnités au titre de la rupture et d'un rappel de salaire ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article L. 122-42 devenu L. 1331-2 du code du travail ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de prime de fin d'année, l'arrêt retient qu'il résulte des accords sur les négociations sociales que cette prime n'est pas due en cas de faute grave ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la privation d'une prime de fin d'année, en cas de faute grave, constitue une sanction pécuniaire prohibée qui ne pouvait faire l'objet d'une disposition conventionnelle, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de prime de fin d'année, l'arrêt rendu le 10 octobre 2006, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne la société Europa Discount ED aux dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Vincent et Ohl, avocat aux Conseils pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

En ce que l'arrêt attaqué déboute l'exposant de ses demandes tendant à voir dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et voir condamner l'employeur à lui payer diverses sommes à titre notamment d'indemnité de préavis et dommages-intérêts ;

Aux motifs que le salarié a emporté avec lui des piles en quittant le magasin et n'a envisagé d'en régler le prix que lorsque le témoin lui en a fait la réflexion ; qu'il a ainsi gravement manqué à ses obligations contractuelles ; que cette faute légitime le licenciement sans exécution du préavis en raison de la perte de confiance induite par ce comportement et des risques de récidive ; que l'employeur peut résilier le contrat de travail en période de suspension pour accident du travail s'il justifie d'une faute grave de l'intéressé ;

Alors qu'il est constant et il résulte du certificat médical d'accident du travail que, souffrant de lombalgies, l'exposant a dû quitter son travail le 19 octobre 2004 au matin, date des faits incriminés et que les piles électriques emportées - au demeurant de faible valeur - ont été réglées par un de ses collègues dans la journée ; qu'en retenant cependant l'existence d'une faute grave, la Cour d'appel a violé les articles L.122-6, L.122-8 et L.122-14-3 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) :

En ce que l'arrêt attaqué déboute l'exposant de ses demandes tendant notamment à voir condamner l'employeur à lui payer la somme de 1.103,18 euros au titre de la prime de fin d'année ;

Au motif qu'il résulte des accords sur les négociations sociales que la prime de fin d'année n'est pas due en cas de licenciement pour faute grave ;

Alors que les sanctions pécuniaires sont interdites ; que la Cour d'appel a donc violé l'article L.122-42 du Code du travail.

Publication :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 10 octobre 2006

Titrages et résumés : CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Pouvoir disciplinaire - Sanction - Sanction prohibée - Applications diverses

La privation d'une prime de fin d'année, en cas de faute grave, constitue une sanction pécuniaire prohibée qui ne peut faire l'objet d'une disposition conventionnelle.

Une cour d'appel ne peut donc, pour débouter le salarié de sa demande de prime de fin d'année, retenir qu'il résulte d'un accord collectif que cette prime n'est pas due en cas de faute grave sans violer l'article L. 122-42, devenu L. 1331-2 du code du travail

Précédents jurisprudentiels : Sur la caractérisation d'une sanction pécuniaire illicite, à rapprocher :Soc., 16 février 1994, pourvoi n° 90-45.915, Bull. 1994, V, n° 56 (rejet), et les arrêts cités ;Soc., 12 décembre 2000, pourvoi n° 98-44.760, Bull. 2000, V, n° 416 (cassation) ;Soc., 20 décembre 2006, pourvoi n° 05-45.365, Bull. 2006, V, n° 392 (rejet), et les arrêts cités

Textes appliqués :

article L. 122-42 devenu L. 1331-2 du code du travail