En droit du travail, l'intérêt d'une clause de mobilité est de permettre à l'employeur de modifier le lieu de travail de son salarié sans que celui-ci puisse s'y opposer en invoquant notamment la modification de son contrat. En faisant jouer cette clause, l'employeur use ainsi de son pouvoir de direction, à condition toutefois que la mise en application de la clause de mobilité soit dictée par l'intérêt de l'entreprise et ne constitue pas un abus de droit ou un détournement de pouvoir de la part de l'entreprise (cas où le jeu de la clause est dicté par une sanction disciplinaire). Sous cette réserve, le salarié n'aurait donc pas son mot à dire si, ayant accepté une clause de mobilité dans son contrat de travail ou ultérieurement à l'occasion d'un avenant, son employeur décidait de le muter en respectant préalablement un délai de prévenance suffisant.

Les choses ne sont toutefois pas aussi simple. En effet, la Cour de Cassation est intervenue à de très nombreuses reprises pour préciser le régime juridique de la clause de mobilité qui n'est pas définie au Code du Travail. C'est ainsi que dans un arrêt important rendu le 19 mai 2004, la Cour de Cassation a considéré qu'une clause de mobilité devait impérativement être définie dans son champ géographique, à défaut de quoi le salarié pouvait valablement opposer la nullité de la clause. Ce même arrêt précisait par ailleurs que tout refus du salarié d'acquiescer à une clause de mobilité valable ne constituait pour autant pas une faute, de sorte que le principe retenu était un licenciement pour motif personnel.

Dorénavant, la Cour de Cassation veille à ce que, sous couvert de mettre en œuvre une telle clause de mobilité, l'employeur ne touche pas à certains éléments essentiels du contrat de travail. C'est ce qu'illustrent plusieurs arrêts rendus le 14 octobre 2008. Dans l'un d'eux, l'employeur avait décidé d'affecter son salarié sur un autre site de la région en modifiant ses horaires, de sorte qu'il passait d'un horaire de nuit à un horaire de jour. Le salarié a refusé cette nouvelle affectation au motif qu'il entendait continuer à bénéficier d'un horaire de nuit qui, en l'espèce, lui permettait de bénéficier d'une prime. La Cour de Cassation juge que lorsqu'elle s'accompagne d'un passage d'un horaire de nuit à un horaire de jour ou d'un horaire de jour à un horaire de nuit, la mise en œuvre la clause de mobilité suppose, nonobstant toute clause contractuelle ou conventionnelle contraire, que le salarié accepte cette mise en œuvre. En effet, un horaire de jour ou un horaire de nuit est un élément essentiel du contrat qui ne peut donc être modifié unilatéralement par l'employeur. Et le même jour, la Cour de Cassation rendait un autre arrêt qui cette fois ci précise que le jeu d'une clause de mobilité ne peut avoir pour effet de modifier la rémunération contractuelle du salarié car, dans un tel cas, l'accord de ce dernier est nécessaire (exemple d'un directeur de magasin commissionné sur le chiffre d'affaires et muté dans un magasin dont le chiffre d'affaires était inférieur).

Cette jurisprudence s'applique indépendamment du fait que le contrat lui-même, ou la convention collective, prévoit que le salarié ne peut refuser toute nouvelle affectation compte tenu du jeu de la clause de mobilité. Ce qui laisse dire certains spécialistes qu'il ne suffit plus d'examiner les raisons d'application de la clause de mobilité (comme par exemple la réorganisation de l'entreprise ou la nécessité de pourvoir à la vacance d'un poste sur tel ou tel site de l'entreprise) mais qu'il faut aussi s'assurer que le jeu de la clause n'aura aucun impact sur les éléments essentiels du contrat que sont le salaire, l'horaire, la durée du travail, les fonctions occupées...

Jean-Philippe SCHMITT,

Avocat à DIJON

Spécialiste en Droit du Travail

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