L'article L321-4-4 du Code du Travail issu de la loi du 18 janvier 2005 fait obligation aux entreprises qui occupent moins de 1000 salariés ou qui sont en redressement ou liquidation judiciaire, qu'elle que soit leur taille, de proposer une convention de reclassement personnalisé (CRP) à chacun des salariés dont le licenciement économique est envisagé. C'est au cours de l'entretien préalable que l'employeur donne l'information à son salarié en lui remettant la convention, et ce contre récépissé pour faire courir le délai de réflexion de 14 jours offert au salarié. Si ce dernier refuse, que ce soit explicitement ou implicitement (en laissant expirer le délai de 14 jours), il est licencié économique par une lettre recommandée qui doit être motivée. Par contre, si le salarié accepte en retournant dans le délai le bulletin d'acceptation accompagnée de la demande d'allocations spécifique de reclassement dûment complétée et signée par lui, le contrat de travail est considéré comme rompu d'un commun accord, et ce à la date d'expiration du délai de réflexion. Cette rupture d'un commun accord ne comporte ni délai congé ni indemnité de préavis, sauf la fraction supérieure à 2 mois de préavis si le salarié avait droit à un préavis plus important en cas de rupture « classique ». Par contre, le salarié qui accepte la CRP reçoit l'indemnité de licenciement, soit légale, soit conventionnelle.

Mais qu'en est-il de la contestation de cette rupture ? Le salarié peut-il saisir le Conseil de prud'hommes pour contester le « licenciement » économique ? La difficulté résulte de ce que, selon l'article L321-4-2 du Code du travail, le contrat de travail est rompu d'un commun accord, soit donc en quelque sorte à l'amiable, ce qui a permis jusque là à certaines Cours d'appel de juger le salarié irrecevable à contester la rupture de son contrat. C'est le cas notamment des Cour d'appel de Douai et Montpellier qui ont jugé en 2007 que le salarié qui a accepté le bénéfice de la convention de reclassement personnalisé est mal fondé à contester le caractère économique du licenciement. Par contre, d'autres Cours dont celle de Paris ont jugé la même année l'inverse... En effet, considérant que l'employeur ne pouvait valablement proposer une CRP qu'autant qu'il justifiait d'un motif économique réel et sérieux pour le licenciement, les magistrats parisiens ont estimé que le salarié ne pouvait être que légitime à contester ce motif économique, quand bien même il aurait accepté la convention de reclassement personnalisé en raison des avantages spécifiques que cela peut lui procurer en matière de recherche d'emploi et de reclassement.

La Cour de cassation vient de valider cette dernière analyse, confirmant en cela ce qu'elle jugeait à l'époque pour la convention de conversion. Ainsi, dans un arrêt du 5 mars 2008, la plus haute juridiction a sans ambiguïté indiqué que l'adhésion à une CRP ne saurait en aucun cas priver le salarié de son droit de contester le motif économique de son licenciement. Le Conseil de prud'hommes reste donc parfaitement compétent pour examiner la réalité du motif économique invoqué à l'appui de la CRP, à charge ainsi pour l'employeur de prouver les difficultés économiques de l'entreprise. Et pour enfoncer le clou, la Cour de cassation a précisé, dans un avis du 7 avril 2008, que le salarié était également recevable à contester l'ordre des licenciements. Ce qui signifie sans nul doute que le salarié qui a accepté une convention de reclassement personnalisé peut, de la même manière, contester son licenciement en invoquant le non respect de l'obligation préalable de reclassement.

Ce positionnement de la Cour de cassation était attendu et a le mérite de clarifier la situation. L'employeur doit, dans tous les cas, s'assurer de l'existence d'un motif économique tout en respectant tant l'obligation de reclassement que l'ordre des licenciements, ceci avant de proposer à son salarié une CRP qui, de toute façon, n'est pas libératoire devant le Tribunal.

Jean-Philippe SCHMITT, Avocat au Barreau de DIJON

Spécialiste en Droit du Travail

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Soc. 5 mars 2008 n° 07-41.964

Cass. Avis 7 avril 2008 n° 0080002