Depuis son instauration en 1992, le permis à points à fait couler beaucoup d'encre et de nombreuses décisions de justice ont été rendues. Régulièrement, le juge administratif est appelé à se prononcer sur la légalité d'un retrait de points que tel ou tel contrevenant conteste. Le contrôle du juge porte alors essentiellement sur l'information que le contrevenant est sensée avoir reçu, l'article L233-3 du Code de la route disposant que lorsque l'intéressé est avisé qu'une infraction a été relevée à son encontre, il doit être informé du retrait de points qu'il est susceptible d'encourir, de l'existence d'un traitement automatisé de ces points et de la possibilité pour lui d'exercer ce droit d'accès. Et en pratique, cette information doit figurer sur le formulaire qui est communiqué au contrevenant ou sur le procès verbal qu'il signe.

Un jugement rendu par le Tribunal administratif de DIJON le 27 décembre 2007 nous permet de revenir sur le sujet. Dans cette affaire, un automobiliste perd le contrôle de son véhicule et occasionne un accident. Auditionné par les services de police, il est ensuite convoqué devant le Tribunal correctionnel pour répondre de l'infraction de défaut de maîtrise. Après être condamné à une peine d'amende et de suspension de son permis, il reçoit de l'administration la notification d'un retrait de points. Etonné, il s'adresse alors au juge administratif en soutenant principalement n'avoir jamais été informé du risque de retrait de points occasionné par l'infraction commise. En effet, depuis 1995, le Conseil d'Etat reconnaît le caractère substantiel de l'obligation d'information préalable dans ces termes « l'accomplissement de ces formalités substantielles qui constituent une garantie essentielle donnée à l'auteur de l'infraction pour lui permettre d'en contester la réalité et d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis, conditionne la régularité de la procédure suivie et partant la légalité du retrait de points ».

Ainsi, pour reconnaître une infraction, encore faut-il être dûment avisé des conséquences de cette reconnaissance qui, en l'espèce, ne pouvait que résulter d'une information préalable sur le retrait de points susceptible d'être encouru. Cela a pour conséquence qu'un retrait de points notifié alors que l'information préalable n'a pas été donnée au contrevenant doit être annulé puisqu'il intervient au terme d'une procédure irrégulière. Dans ces conditions, il appartient à l'administration de prouver qu'elle a donné cette information préalable, et la jurisprudence précise que cette preuve peut être rapportée par tout moyen. Le procès-verbal d'infraction ou l'avis de contravention sont souvent suffisants mais il arrive que ces documents soient mal renseignés ou même que l'information n'ait pas été donnée à cette occasion. Aussi, en cas de contestation, l'administration s'évertue à opposer différentes raisons l'ayant empêché d'informer le contrevenant de la perte de points susceptible d'être prononcée, empêchement qui exonérerait ladite information. Dans notre affaire, le ministère de l'intérieur soutenait que l'accident ayant entraîné des blessures, il n'avait pas été possible aux services de police d'informer le contrevenant de la perte de points encourue. Il ajoutait qu'en toute hypothèse, la décision pénale rendait automatique le retrait de points consécutif.

La juridiction dijonnaise a écarté les moyens développés par l'administration et annulé la décision de retrait de points. Ceci au terme d'une motivation parfaitement claire :

- l'information préalable du retrait de points encouru est une formalité substantielle permettant à l'auteur de l'infraction d'en contester la réalité et d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis,

- le fait que l'officier de police judiciaire ne soit pas en mesure d'apprécier au moment des faits la gravité des blessures occasionnées aux tiers ni, par conséquent, le degré de responsabilité de l'auteur de l'infraction, ne fait pas obstacle à ce que ledit officier délivre au contrevenant les informations prévues par le texte, lequel n'exige d'ailleurs pas que soit communiqué le nombre exact de points dont le retrait est encouru,

- la circonstance que l'auteur d'une infraction a fait l'objet d'une condamnation devenue définitive prononcée par le juge pénal, laquelle établit la réalité de l'infraction, ne peut dispenser l'agent verbalisateur d'accomplir la formalité substantielle d'information dont s'agit puisque ladite information doit nécessairement être délivrée avant la saisine de l'autorité judiciaire.

Il faut dire que cette décision est en tout point conforme à la jurisprudence dorénavant constante, ce qui n'empêche pourtant pas le ministère de l'intérieur de continuer à refuser d'admettre l'illégalité d'une décision de retrait de points, ceci donc en dépit de l'évidence pour certains dossiers.

Tribunal Administratif DIJON, 27 décembre 2007, n° 0602607

Jean-Philippe SCHMITT,

Avocat à DIJON

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