Dans le cadre de ce dossier suivi par le cabinet, le jugement rendu par le tribunal administratif de Nantes mérite l'attention à plusieurs titres.

 

En premier lieu, et toute réserves gardées naturellement compte tenu de l'immensité de l'auteur, il nous rappelle qu'il nous commande, à nous autres avocats de victimes comme tous d'ailleurs,  d'être Camusiens et de s'acharner au refus du renoncement !

 

Ce dossier en constitue exemple topique.

 

Le début du dossier est fort classique avec une prise en charge médicale en matière cardiologique au sein d'un centre hospitalier qui interroge.

 

Une procédure de référé expertise devant le TA est mise en place.

 

Malheureusement devant cette juridiction des référés il n'y a pas d'échange sur la qualification de l'expert désigné.

 

Or, en matière médicale, et en particulier en cardiologie, il n'existe pas une cardiologie mais DES cardiologies (cardiologie interventionnelle, rythmologie, chirurgie cardiaque, cardiologie de ville) qui relèvent de surspécialité en fin de cursus.

 

Cependant, pour cette prise en charge en l'espèce au sein d'un service hospitalier et questionnant l'opportunité d'un transfert en urgence au sein d'un service de chirurgie cardiaque, un cardiologue de ville, et disons "d'expérience..;" était désigné...!

 

Dès les premières minutes de l'expertise sa religion était faite et à la question légitime des ayants droits de la victime du" pourquoi il n'y avait pas, selon lui, d'erreur", la seule réponse de l'expert était en somme "parce que"...!

 

Nous avions alors sollicité la désignation d'un sapiteur puis même le remplacement de cet expert et nous avions essuyé il faut le dire deux échecs cuisants !

 

La procédure était partant bien mal engagée.

 

Néanmoins la famille faisait montre de détermination afin de ne pas en rester là et était en mesure d'assumer le coût de réalisation d'une expertise privée, ce qui malheureusement n'est pas le cas de toutes les victimes...

 

Par l'intermédiaire du cabinet, un collège d'experts, cette fois-ci composé d'un chirurgien cardiaque et d'un cardiologue interventionnel, se voyait confier l'entier dossier pour une nouvelle expertise sur pièces.

 

Les conclusions se révélaient alors radicalement, oui radicalement, opposées à celles du premier expert et surtout motivées à l'aune de la littérature médicale.

 

Fort de ces nouvelles conclusions motivées, nous saisissions donc le tribunal, espérant que celui-ci ne se satisfasse pas des conclusions de l'expertise judiciaire.

 

Le Tribunal acceptait de nous entendre et désignait avant dire droit un nouveau collège d'experts également composé d'un chirurgien cardiaque et d'un cardiologue interventionnel, lequel aboutissait aux mêmes conclusions que notre collège d'experts privés ! Avec un taux de perte de chance de 50 % (ce qui constituait notre seul point de désaccord avec ce collège dans la mesure où nous considérions que le taux était de 85 %).

 

Au final le Tribunal rendait le jugement [joint à la présente publication],  consacrant ainsi et sans ambages la responsabilité du centre hospitalier et ordonnant la liquidation des différents postes de préjudices, sur un taux de perte de chance de 85 % démontrant de plus fort que cela vaut également la peine de se battre sur ce point même si les experts judiciaires avaient conclu différemment, la juridiction n'étant jamais liée par le sens des conclusions des sachants.

 

Soyons donc Camusiens ! et conservons toujours la lucidité qui a été la sienne et dont son ami cher, l'immense René Char, disait qu'elle est sa blessure la plus rapprochée du soleil !

 

Vincent RAFFIN

Avocat Associé

Cabinet BRG Nantes - Paris