Non, la question de l’année lombarde n’est pas un débat clos. Preuve en est encore des décisions favorables aux emprunteurs et qui suivent les bases posées par la Cour de cassation.

On le sait, l’année 2018 a été plus mouvementée que les précédentes concernant la question de l’année lombarde, c’est-à-dire le recours par les Etablissements bancaires à l’année bancaire de 360 jours pour le calcul des intérêts conventionnels des prêts qu’ils consentent aux particuliers.

La jurisprudence a longtemps été très favorable aux emprunteurs mais a toutefois commencé à se resserrer début 2018 au profit des Banques.

Heureusement, encore beaucoup de décisions demeurent à l’avantage des emprunteurs, bien considérés comme profanes contre les Etablissements bancaires, et continuent ainsi de se ranger du côté de la tendance de la Cour de cassation.

Preuve en est trois arrêts remarqués rendus en juillet, août et septembre 2018 par différentes Cours d’appel, qui seront reprises ici une à une.

Tout d’abord, le 10 juillet 2018, la Cour d’appel de Reims a de nouveau sanctionné la pratique de l’année lombarde en infirmant la décision rendue en première instance et prononçant la nullité de la clause d’intérêt d’un prêt qui avait été consenti en l’espèce par le Crédit Lyonnais (LCL) à des particuliers.

Dans cette affaire, le prêt en question contenait une clause lombarde, c’est-à-dire qu’il était écrit noir sur blanc que la Banque calculait les intérêts conventionnels dudit prêt sur la base d’une année de 360 jours. Cette stipulation était en effet présente dans tous les contrats LCL fût un temps.

Aux termes de cette décision, la Cour a jugé :

"A titre liminaire, il convient de constater que la contestation des époux X porte sur les termes du contrat de prêt et plus précisément sur la méthode de calcul des intérêts conventionnels et non sur le calcul du taux effectif global.

Aux termes de Aux termes de l’’article 2 alinéa 3 du contrat de prêt immobilier relatif à l’’ajustement de la première échéance, il est stipulé que’ :

« ’Les intérêts courus entre deux échéances seront calculés sur la base de 360 jours, chaque mois étant compté pour 30 jours rapportés à 360 jours l’’an. En cas de remboursement anticipé, les intérêts courus depuis la dernière échéance seront calculés sur la base du nombre de jours exact de la période écoulée, rapportée à 360 jours l’’an. Nous vous précisons que le taux effectif global des prêts est indiqué sur la base du montant exact des intérêts rapportés à 365 jours l’’an (...)’ ».

Le taux d’’intérêt nominal conventionnel figurant dans l’’offre de prêt l’’avenant est de 2,60 et 2,25’%.

Il ressort du calcul effectué par les époux X, lequel n’’est pas contredit par la banque, que les intérêts ont été calculés sur 360 jours au lieu de l’’être sur une année civile (365 jours ou 366 jours pour une année bissextile).

La banque soutient que l’’opération qui consiste à calculer les intérêts sur un mois de 30 jours et une année de 360 jours revient au même que celle consistant à calculer les intérêts sur une année de 365 jours et un mois normalisé de 30,41666 jours’ ; elle se réfère pour cela au mois « ’normalisé’ » tel qu’’il figure dans l’’annexe à l’’article R 313-1 du code de la consommation précité.

Le paragraphe III de cet article dispose que pour toutes les opérations de crédit autres que celles mentionnées au II, le taux effectif global est dénommé « ’taux annuel effectif global’ » et calculé à terme échu, exprimé pour cent unités monétaires, selon la méthode d’’équivalence définie par la formule figurant en annexe au présent article.

Il en résulte que cette annexe ne s’’applique qu’’aux opérations de crédit autres que celles mentionnées au paragraphe II et qu’’elle ne concerne donc pas les prêts immobiliers.

Par ailleurs, il convient de souligner que dans son bulletin officiel du 20 septembre 2005, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, en annexe II- recommandation n °05-02, paragraphe 8 considère « ’qu’’une clause qui prévoit le calcul des intérêts conventionnels sur la base d’’une année de 360 jours ne tient pas compte de la durée réelle d’’une année civile et ne permet pas au consommateur d’’évaluer le surcoût qui est susceptible d’’en résulter à son détriment, ce qui est de nature à créer un déséquilibre au détriment du consommateur’ ».

Aussi, au cas présent, la cour relevant que le prêt dont s’’agit étant un prêt immobilier, le mois « ’normalisé’ » ne lui est pas applicable. En effet, le taux d’’intérêt n’’a pas été calculé sur la base d’’une année civile de 365 ou 366 jours.

La violation de cette règle a pour effet d’’entraîner la nullité de la stipulation de l’’intérêt nominal et la substitution du taux légal au taux conventionnel initialement prévu.

Dans ces conditions, il convient de prononcer la nullité de la clause d’’intérêt figurant dans le contrat de prêt et l’’avenant des 10 juin 2013 et 13 juillet 2015 ainsi que la déchéance du droit aux intérêts au taux contractuel à compter de la date de prélèvement de la première échéance du prêt, soit le 10 septembre 2013, le taux d’’intérêt légal lui étant substitué, selon des modalités précisées au dispositif de la présente décision.

Par conséquent, il convient d’’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions."

La décision est on ne peut plus claire et poursuit la marche entamée par bon nombre de juges en faveur des emprunteurs particuliers face aux grosses structures que sont les Etablissements bancaires.

Ensuite, la Cour d’appel de Paris, le 3 août 2018 a de même rendu une décision en faveur des emprunteurs, cette fois contre la Caisse d’Epargne et de Prévoyance d’Auvergne et du Limousin :

"En droit, dans l’acte de prêt consenti à un consommateur ou un non professionnel le taux d’intérêt conventionnel doit, comme le taux effectif global, être calculé sur la base d’une année civile, en application combinée de l’article 1907, alinéa 2, du code civil, et des articles L 313-1, L 313-2 et R 313-1 du code de la consommation, sous peine dans l’un et l’autre cas de se voir substituer l’intérêt légal. Bien plus la Cour de cassation a reconnu un caractère d’ordre public à cette règle et en conséquence, l’impossibilité d’y déroger par une convention particulière.

(...)

En l’espèce la banque a bien calculé les intérêts dus par monsieur et madame X sur une base de 360 jours comme il est dit au contrat (...)

Le mode de calcul de la banque engendre un trop-perçu à son bénéfice, à hauteur de 16 centimes par jour au titre du prêt ’Primo 2" et de 18 centimes par jour au titre du prêt ’Primolis 2".

(...)

La conséquence de l’action en nullité de la clause relative à la stipulation d’intérêts sera la répétition des intérêts indûment perçus eu égard à la substitution du taux légal au taux conventionnellement convenu entre monsieur et madame X et la Caisse d’Epargne, à compter de la date de conclusion des deux prêts litigieux."

Encore donc une décision qu’il conviendra de saluer.

Enfin, depuis la rentrée, une décision également remarquée a été rendue de la même manière par la Cour d’appel de Chambéry, laquelle relève, de façon intéressante :

"Une jurisprudence abondante a estimé que le taux annuel de l’intérêt se détermine par référence à l’année civile qui comporte 365 ou 366 jours et non par rapport à l’année bancaire qui en comporte seulement 360 (Cass., com., 10 janvier 1995, no 91-21.141).

Un premier frein juridique à la référence à l’année lombarde vient du fait que les prêts litigieux ont été contractés entre un établissement bancaire professionnel et des particuliers.

(...)

Un deuxième obstacle juridique à la référence à l’année lombarde réside dans le fait que cette méthode de calcul est favorable à l’établissement bancaire et défavorable à l’emprunteur.

La pratique du ’diviseur 360’ aboutit à une hausse du coût du crédit pour l’emprunteur d’une part et ne permet pas d’informer pleinement ce dernier, ce qui risque de nuire à l’intégrité de son consentement.

(...)

la banque ne peut soutenir que la référence entre année lombarde ou année civile entraîne des différences de coût ’négligeables’ ou insignifiantes pour l’emprunteur.

Au surplus, il convient d’indiquer qu’une jurisprudence abondante considère que le fait que le surcoût induit soit négligeable est sans effet, dès lors qu’il s’agit d’une irrégularité formelle qui entraîne nullité de la clause de stipulation d’intérêt et substitution de l’intérêt légal (Cass. Civ. 1re, 7 septembre 2017, n°16-19063).

La sanction du recours à l’année lombarde est que l’emprunteur peut demander que soit constatée la nullité des stipulations d’intérêts conventionnels figurant au contrat, et exiger la répétition de la différence entre intérêts convenus et intérêts légaux.

Il s’en suit qu’il y a lieu de confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 25 avril 2017 du Tribunal de Grande Instance d’Annecy."

Cette décision là encore est à approuver en ce qu’elle se conforme strictement à la jurisprudence abondante et de principe posée par la Cour de cassation et à la construction prétorienne qui s’en est suivie.

Les Juges dans ces décisions n’ont pas entendu être dissidents et se sont en effet conformés à la tendance jurisprudentielle actuelle.

Le sujet est donc loin d’être clos.