Dans une décision du 1er octobre 2020 (n° 19LY00254), la Cour administrative d’appel de Lyon a annulé l’arrêté préfectoral prononçant la fermeture administrative pour une durée de 3 mois de l'établissement " Le permis libre ", en estimant qu’il n’existait pas de lien de subordination entre le ledit établissement et ses prestataires (les moniteurs indépendants).  

A titre de rappel, la loi dite « Macron » de 2015, a simplifié les relations entre les auto-écoles et les élèves, en permettant notamment à ces dernières de recourir à des moniteurs indépendants et de les mettre en relation, par le bais d’une plateforme, avec des candidats libres au permis de conduire.

Cette « ubérisation » de l’apprentissage de la conduite a suscité, de la part des auto-écoles traditionnelles, une contestation sur le fondement de la concurrence déloyale, ce qui a amené les pouvoirs publics à se prononcer sur cette question.

Cette pratique a été considérée comme illégale, et les Préfets étaient invités à procéder régulièrement à des opérations de contrôle sur ces plateformes.

C’est sur la base de cette instruction, que les services de la DIRECCTE Auvergne-Rhône-Alpes a diligenté un contrôle de la société exploitant la plateforme « Le permis libre », qui a conclu à l’existence de liens salariaux dissimulés entre "Le permis libre" et les moniteurs affiliés à celui-ci.

Le Préfet du Rhône a alors prononcé, sur le fondement du travail illégal, une sanction administrative et a ordonné la fermeture administrative pour une durée de 3 mois, de « Le permis libre ».

"Le permis libre" a sollicité l’annulation de l’arrêté par devant le Tribunal Administratif de Lyon, et, n’ayant obtenu que partiellement gain de cause, a fait appel.

La Cour administrative d’appel de Lyon a quand a elle, fait droit à la demande de « Le permis libre », en estimant que la preuve du lien de subordination entre cet établissement et les moniteurs indépendants affiliés (micro-entrepreneurs), n’était pas apportée par l’administration.

A ce titre, elle a estimé que le fait pour la plateforme de « [pouvoir sanctionner les moniteurs], en cas d'annulation par ce dernier, d'une réservation en deçà du délai contractuel de 48 heures ou en cas de mauvaise évaluation par les élèves, visaient, comme dans toute relation d'affaires, à pénaliser la partie qui n'exécute pas ou exécute mal ses obligations, n'instaurant pas de lien de subordination entre la plateforme et ses prestataires ».

Cette décision, notamment en ce qu'elle recourt au critère de pouvoir de sanction, n’est pas sans rappeler, une autre décision rendue récemment en matière d’ubérisation d’un service de livraison.

En effet, dans un arrêt en date du 28 novembre 2018, la chambre sociale de la Cour de cassation avait requalifié les contrats des livreurs de la plateforme « Foodtech Take Easy », en contrat de travail, en estimant que le fait pour cette dernière de se réserver la faculté d’adresser des pénalités à ses livreurs et de désactiver leurs comptes en cas de 4 pénalités, et en ce faisant, résilier leurs affiliations, constituait un pouvoir de sanction tel, qu’il ne pouvait résultait que d’un lien de subordination.

En l’espèce, on peut considérer que la Cour administrative d’appel de Lyon a estimé que le pouvoir de sanction de « Le permis libre » n’était pas suffisamment pénalisant pour les moniteurs pour pouvoir constituer l’indice d’un lien de subordination.

Conclusion : dans un monde économique ou l’uberisation des services est galopante, le juges devront rapidement adapter leur raisonnement et de préférence, arriver un à consensus sur les critères juridiques de qualification de ces nouveaux types de contrat et ce, en commençant par définir le pouvoir de sanction dont le « degré » semble permettre, ou pas, de requalifier un contrat entre indépendants, en contrat de travail.

Lundi 16 novembre 2020